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Impromptu - Page 30

  • Abzalon

    abzalon.jpgAbzalon est un roman de science fiction, un vrai. Allergiques, passez votre chemin. Curieux, ou adeptes, restez et lisez la suite.

    Abzalon est l'histoire d'une planète qui meure. C'est l'histoire de ses habitants, qui cherchent un moyen d'échapper à la mort. Et ce que font les hommes pour contrer leur destin n'est pas vraiment admirable. Guerres, trahison de pactes millénaires, annihilation de civilisations... Au nom de leur propre survie, ils ne s'épargnent rien.

    Abzalon est aussi, et surtout, un détenu de la forteresse de Doeq. La planète étant surpeuplée, l'administrateur de la prison reçoit l'ordre de faire diminuer la population carcérale ; il organise alors l'auto-destruction de son contingent de prisonniers, en les privant d'espace et de nourriture. Bientôt il ne reste de place que pour les plus sauvages, les plus impitoyables d'entre eux. Abzalon survit, bien sûr : c'est un monstre, tant physiquement que psychologiquement. Mais cette élimination massive tend vers un but précis, un but qui emmènera Abzalon plus loin qu'il n'aurait pu l'imaginer.

    Pierre Bordage, qui a écrit entre autres Les guerriers du silence (voir la critique ici), démontre son talent, une fois de plus. Abzalon est un roman qui semble suivre une ligne droite mais qui se courbe, surprend et sinue tous les deux ou trois chapitres. Alors que l'on pense l'intrigue pliée, que l'ennui pointe le bout de son nez, l'histoire repart dans un sens inattendu, sans tambours ni trompettes.

    J'ai aimé cette façon de surprendre sans brusquer. Abzalon se termine sur une note d'espérance qui clôt bellement le récit.

     

    Chez l'Atalante, 1998.

  • Le destin

    Ce film de Youssef Chahine a aujourd'hui 12 ans (il était sorti le 15 octobre 1997). Il avait reçu le grand prix du 50e anniversaire du festival de Cannes.

    Je viens de comprendre pourquoi.

    Jamais je n'ai vu plus intelligent plaidoyer contre le fanatisme.

    Contre tous les fanatismes ; alors que le film parle essentiellement de l'Islam en El-Anddestin Chahine.jpgalus, l'Andalousie de l'Espagne médiévale, il s'ouvre sur une scène de bûcher chrétien : un intellectuel est brûlé pour avoir introduit en France un traité sur Aristote (un penseur païen !) écrit par un penseur musulman (! derechef). Bref, ce qui se faisait de pire pour l'église catholique de l'époque (bien qu'aujourd'hui...).

    Averroès, mathématicien, philosophe, théologien et médecin, était un homme à l'ouverture d'esprit extraordinaire. Le destin raconte, de façon romancée, comment Averroès perd peu à peu la confiance d'Al-Mansour, le calife d'El-Andalus, qui finit par le condamner à l'exil et brûler ses livres. Le philosophe est victime d'un campagne de décridibilisation menée par un adversaire politique qui enrôle les âmes perdues dans un mouvement fanatique religieux.

    Le processus de construction de la pensée fanatique et de déconstruction de la pensée raisonnée est exposé de façon frappante. On comprend comment l'adversaire d'Averroès enrôle ses agents, leur présentant, sous l'apparence d'une pensée élaborée, un dogme d'une extrême sauvagerie et d'une férocité incroyable vis à vis de ce (et ceux) qui dévie(nt) de sa ligne directrice. Parallèlement, on découvre la pensée humaniste d'Averroès, qui par sa profondeur et sa pertinence, démange tel un poil à gratter. C'est bien là le problème : Al-Mansour n'aime pas les détracteurs, et même si ce n'est pas un imbécile, il a trop peur de perdre le contrôle de son pouvoir pour ne pas écouter les sirènes de l'intégrisme.

    Un film édifiant, grave, et pourtant, joyeux et tendre. Un régal pour les yeux et les oreilles (en VO sous-titrée, même si comme moi on ne comprend pas un mot d'arabe), mais aussi une nourriture indispensable à l'âme et à l'esprit.


  • Essèfophile

    Extrait d'une interview de l'écrivain Serge Lehman par le Cafard Cosmique, à propos de la sortie de Retour sur l'horizon, un recueil de nouvelles de science fiction.



    "Cafard Cosmique : Revenons au travail d’anthologiste. Comment présenteriez-vous le recueil ?

    Serge Lehman : Quinze histoires pour utiliser intelligemment son temps de cerveau humain disponible.

    CF : Et comment le vendriez-vous ?

    SL : Quinze machines de troisième espèce pour infiltrer les circuits du métacortex planétaire et déclencher par feed-back une reprogrammation cognitive capable de muter n’importe quel sous-homme en guérillero rétroviral.

    CF : D’accord, ne vous énervez pas."


    ;-D


    Source : http://www.cafardcosmique.com/

     

  • Warchild

    Warchild.jpgKarin Lowachee livre là son tout premier roman. Traduit et édité par Le Belial' (plein de coquilles d'ailleurs, une honte !!), son roman reprend les codes du genre space opera pour nous livrer une très belle histoire de l'enfance.

    Joslyn, 8 ans, sur le vaisseau marchand Mukudori, entend depuis sa cachette les pirates prendre d'assaut le bâtiment. Ses parents morts, il est enlevé par le commandant pirate Falcone. Commence alors pour lui un an "d'éducation", le préparant à devenir le mignon de riches clients. Terrorisé par Falcone, aux intentions opaques et perverses, Joslyn apprend à ne pas le provoquer et à ne rien laisser paraître de ses émotions. Alors que Falcone visite une station orbitale à la recherche de clients pour Jos, celle-ci est attaquée. Jos parvient à échapper aux griffes du pirate, mais il est enlevé par les assaillants de la station... Des aliens, ennemis de l'humanité depuis plusieurs décennies.

    Déraciné, formé à la plus cruelle des écoles, celle qui brise la volonté d'un homme - et a fortiori celle d'un enfant - Jos doit faire face une fois de plus à l'inconnu, s'y adapter pour ne pas mourir.

    En résulte un récit touchant sur la perte de l'innocence, le deuil et l'identité. La justesse des personnages est saisissante, sans complaisance pour aucun d'eux. Un récit désenchanté, mais dans lequel le combat pour la vie reste pourtant le plus puissant levier.

    Un bon roman, que j'ai eu du mal à lâcher.

     

    Le Belial', 2009

     

  • Ramsès

    Ramses.jpg

    Christian Jacq a fait des romans sur l’Egypte ancienne son fond de commerce. Et pour cause, il est égyptologue.

    Sa connaissance du quotidien des anciens égyptiens est proprement fabuleuse, et son roman en cinq volumes sur la vie et l’œuvre de Ramsès II est un tour de force. Il  en est ainsi de tous ses romans, qui nous permettent d’admirer la richesse de cette civilisation et la grandeur de ses rois.

    Las, au fil des oeuvres, les dialogues sont de plus en plus artificiels (ils sonnent faux, pour tout dire), et les intrigues cousues de fil blanc. Les personnages sont des caricatures ; l'auteur nous assène ses opinions sociales et politiques avec un gourdin.

    Pour connaître et aimer l’Egypte ancienne, on ne peut guère faire sans Christian Jacq, mais c’est parfois dommage…


    1996-1999, chez Robert Laffont, puis chez Pocket

  • Phénix

    Phenix.jpgUn frère et une soeur, jumeaux, grandissent choyés, dans une famille aimante et puissante : leurs parents sont les seigneurs de Syrdahar. Leur cité est entourée par les Terres Bleues, un désert réputé infranchissable. Mais l'impossible se produit : Syrdahar est attaquée par des assaillants qui franchissent les Terres Bleues. La fratrie fuit pour sauver sa vie. Commence alors pour les enfants une vie tumultueuse, où, de surprises en découvertes, ils parviennent peu à peu à comprendre la raison de la destruction de leur cité.

    Bernard Simonay est un type qui ne se pose pas de question. Contrairement aux éditeurs, qui, en refusant son manuscrit, lui avaient répondu que les français ne savaient pas écrire de la Science-Fiction. Ils ont eu tort : une fois édité, le roman a reçu le prix Cosmos 2000 et le prix Julia-Verlanger !

    Le récit, entre la fantasy et l'anticipation, a le mérite notable de développer un aspect peu vu dans les romans. En effet, les jumeaux ne s'aiment pas seulement comme frère et soeur. Un véritable sentiment amoureux, né avec eux, et qui grandit avec eux, devient leur malédiction. Car l'inceste leur est bien évidemment interdit.

    Leur amour contre nature est un levier puissant au récit. Malgré quelques facilités narratives et des personnages parfois stéréotypés, Phénix est un roman de qualité, car son originalité, tant au niveau de l'univers créé que de l'histoire, reste inimitée - et donc, inégalée.

     

    Editions du Rocher 1986, Folio Gallimard 2005.

  • Les hommes protégés

    Les hommes protégés raconte l’histoire du Docteur Martinelli. Médecin américain, il isole l’encéphalite 16, un virus qui touche uniquement les hommes. Alors que l’hécatombe décime la population masculine des Etats-Unis, Martinelli est envoyé à Blueville, une zone protégée, dans laquelle il s’emploie à trouver un vaccin contre le virus.Hommes_protégés.jpg

    Il y prend progressivement conscience des bouleversements sociaux et politiques que subit son pays. Bouleversements inéluctables, qui l’obligent à réviser son comportement : les femmes étant au pouvoir et les hommes en minorité, ces derniers deviennent à la fois précieux et subalternes.

    Dans sa zone protégée, il vit et travaille sous les brimades, dans un climat d’angoisse proche de celui d’un camp de prisonniers. Alors que ses recherches avancent, il découvre que la faction politique à la tête des Etats-Unis ne souhaite pas vraiment voir aboutir le vaccin…

     

    Aaaah !! Robert Merle !! Ce grand monsieur, mort il y a 5 ans à l'âge vénérable de 96 ans, était un écrivain extrêmement éclectique. Il était connu pour son immense saga Fortune de France, qui retrace sous forme de roman l'histoire de la France de 1550 à 1650. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il a aussi eu le prix Goncourt pour Week-end à Zuydcoote, son premier roman.

    Les hommes protégés est facile à lire ; sa trame comprend suffisamment de suspens pour nous tenir en haleine. Mais avant tout, le roman expose une réflexion très intéressante sur le féminisme, ses zones d’ombre et de lumière. Il faut dire que le roman a été écrit en regard des grands mouvements féministes des années 70. Que seraient les Etats-Unis (et le monde) avec les femmes au pouvoir ? Meilleur, pire, différent ? Autant de questions auxquelles Robert Merle donne sa réponse, avec acuité et pertinence.

     

    Un livre à découvrir, quel que soit son âge… et son sexe.

     

    Chez Folio Gallimard.