Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Littérature générale

  • De l'écriture

    Durant des vacances estivales il y a quelques années, j'avais eu l'occasion de discuter plusieurs fois avec mon blogopote A.C. de Haenne IRL. Autour d'une bonne bière, ce qui ne gâche rien. Et je me suis rendue compte qu'au cours d'une discussion, une incompréhension était née entre nous sur la façon dont je considère l'écriture. Parce que cette incompréhension est apparue, cela m'a donné l'occasion de réfléchir à la façon dont je considère l'écriture en général et la mienne en particulier.

    Donc, la faille a fait son apparition lorsque A.C. a compris que je considérais que l'écriture n'était qu'un outil, comme une voiture nous emmenait d'un point A à un point B, et qu'elle n'avait rien d'artistique. Sauf qu'en réalité, je parlais de mon écriture, certainement pas de la Littérature en Majesté avec la Majuscule. J'espère que ce point est désormais éclairci pour lui.

    La littérature

    Pendant très, très longtemps, c'est à dire jusqu'à plus de trente ans, pendant mes lectures, le récit et les personnages m'importaient seuls, le style me laissant froide. J'étais capable de m'enfiler des trucs au français parfois improbable sans sourciller, parce que je m'en fichais comme de ma première paire de collants (et quand on sait à quelle allure un collant se file...). Dès qu'une ambition stylistique s'affichait dans une texte, je fuyais tel le Harkonnen devant un ver des sables, tant j'avais en horreur les circonvolutions égocentriques de l'auteur autour de son nombril scriptural.

    Depuis quelques années, je suis plus sensible à la qualité littéraire d'un texte. S'il ne raconte rien, il va m'ennuyer et je le laisserai planté là. Mais s'il raconte une bonne histoire et qu'il est bien écrit, j'apprécie de plus en plus. Cela est certainement né avec ma lecture en 2010 de Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski. Un roman épique et entraînant, original, passionnant et... merveilleusement écrit. Après Jaworski, j'ai enchaîné l'année suivante sur La horde du contrevent de Damasio. Là aussi, une écriture ébouriffante au service d'une sacrée histoire.

    Depuis, je suis sensible au style. Je deviens incapable de supporter des ouvrages du type Pleine Lune, de la bit-lit mal écrite en plus d'être proche du zéro au niveau scénario. Par contre, la bit-lit de Cail Garriger, dans Le protectorat de l'ombrelle, oui. Je ne désespère pas un jour de lire du Umberto Eco sans sourciller (j'avais lu Baudolino, mais ce fut une des pires purges de ma vie). Encore aujourd'hui, son style ultra ampoulé et sa manie de noyer l'intrigue pourtant intéressante dans une avalanche de détails superfétatoires me fait fuir. Il faut pourtant lui reconnaître une immense qualité : le monsieur savait écrire. Il était un peu linguiste sur les bords. Et aussi au milieu, en fait.

    Je ne peux toujours pas blairer la plupart des ouvrages de littérature générale qui concourent aux prix littéraires, parce que le style centralise l'attention au détriment du récit proposé. Et je ne crois pas que cela change avant longtemps. Mais enfin, lorsque la langue et le style servent le récit, l'art surgit et je suis joie !

    Mon écriture

    J'écris sur ce blog (et d'autres...), ainsi que dans mon travail, parce que l'écriture est un véhicule du partage. Le partage d'information et d'émotion, c'est mon métier. Et l'écriture m'aide dans cette mission de partage, tout autant que la parole.

    L'écriture est pour moi un outil. Un outil qu'il me faut travailler : je fais encore trop de fautes de grammaire à mon goût, ma syntaxe et mes expressions se révèlent parfois lourdingues, incorrectes, imprécises. Je prends tous les jours conscience que ma connaissance du français est superficielle : je n'ai pas fait d'études poussées en langue française, pas de bac littéraire, pas de linguistique. Je n'ai pas fait de latin ni de grec. J'ai simplement bien appris mes leçons de français jusqu'en troisième. Il me manque des connaissances pour comprendre pleinement ma langue et l'utiliser, voire la détourner, à bon escient.

    Mais enfin, ce que j'écris est compréhensible par le plus grand nombre, sans faire hurler Bescherelle ta mère. De nombreux profs ont loué la clarté de mon propos, tout en critiquant son manque de développement, voire de profondeur. C'est parfaitement justifié : je déteste m'étendre, cela heurte mon esprit synthétique, ainsi que mon poil dans la main - qui s'apparente plutôt souvent à un baobab.

    Je n'ai donc et ne pense jamais avoir (sauf si mon frère réitère trop souvent ses menaces) de prétention littéraire :

    1. je n'ai rien à raconter, imagination zéro
    2. si d'aventure, je trouvais une idée, je suis trop feignante pour passer mes nuits à écrire et à me documenter
    3. je ne maîtrise pas assez la langue française

    Je suis donc éperdue d'admiration devant les auteurs. Vous faites un travail admirable et totalement ingrat.

    Je salue particulièrement les auteurs d'anticipation et de SF, en raison de la cohérence et de la documentation exigées par ces genres.

    Voilà, donc, contrairement à mon collègue BiblioMan(u) et à ma blogopote Lhisbei, que j'admire pour avoir franchi le pas, je crains que vous ne voyiez jamais votre servante faire éditer le moindre texte !

  • Comment draguer la catholique sur les chemins de Compostelle, d'Etienne Liebig

    Dans l'effervescence de l'actualité littéraire autour de la sortie du best seller 50 nuances de Grey d'E.L. James, j'ai décidé de me pencher sur la littérature érotique. Mais je n'ai pas lu l'objet du scandale - scandaleux non pas tant par son contenu que par sa renommée... Car selon des sources bien informées, telles evene.fr ou les Inrockuptibles, il s'agit là d'un bien mauvais roman, niais et mal écrit.

    39242874.gif

    J'ai donc décidé, sur le conseil de Super Libraire, de m'attaquer à cette curiosité qu'est le court roman d'Etienne Liebig (200 pages), intitulé fort aimablement Comment draguer la catholique sur les chemins de Compostelle.

    Pourquoi aimablement ? Parce que contrairement aux habitudes de Gallimard, par exemple (L'art français de la guerre, non mais je vous demande un peu !), ce titre annonce exactement ce que le lecteur trouvera dans le roman, tout en conservant les autres qualités d'un bon titre : accrocheur et bien tourné.

    N'étant guère coutumière du genre (la littérature érotique), ma lecture fut donc celle d'une néophyte. Point de références aux grand auteurs du genre, de Sade à Guillaume Apollinaire, non. Mais une vraie curiosité.

    On m'avait dit que c'était drôle : j'ai ri.

    On m'avait dit que c'était plutôt bien écrit : je confirme.

    On m'avait dit que c'était iconoclaste : c'est bourré de de diatribes anticléricales et de formules décapantes.

    «Après toute une vie de certitudes, elle doute et le doute chez la croyante est le plus court chemin vers l'élastique de sa culotte.»

    Le narrateur a un but : draguer les femmes catholiques, de la plus généreuse croyante à la plus fervente fondamentaliste, sur le chemin du pélerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Célibataires, mariées, jeunes, âgées... Rien ne l'arrête. Et il ne s'arrêtera pas tant qu'il n'aura pas terminé sa quête.

    Bien entendu, il décrit par le menu le sort qu'il réserve aux sujets de sa quête, sujets entièrement consentants. Sinon, son récit ne serait pas édité à La Musardine...

    La construction du récit, dynamisée par des intertitres généreux et plein d'humour, agrémente une lecture qui aurait pu se réduire à un catalogue de conquêtes.

    «Où le lecteur, quelque peu dépité de voir s'éloigner la promesse d'une scène croustillante, se voit imposer de surcroît une interminable attente de trois jours.»

    Par ailleurs, il nous gratifie en fin d'ouvrage d'un « petit lexique des termes usuels utilisés par les amateurs de femmes catholiques », dont on apprécie à sa juste valeur l'impertinence anticléricale.

    Voilà donc un petit livre aimable et plein d'allant, qui nous réveille de la grisaille automnale avec humour et verdeur.

    Catholique convaincu s'abstenir : vous jetteriez l'oeuvre au bûcher en poussant des cris d'orfraie, hurlant au sacrilège. Ce serait fort dommage pour les autres.

  • En avril, je ne perds pas le fil

    Le mois d'avril ayant été maussade, que faire, sinon lire ? Alors Vango, Honor, Darby et la-fille-loup-garou-dont-je-ne-me-souviens-pas-le-nom ont été mes compagnons de route.


    En mission, de David Weber (Honor Harrington livre 12)

    en mission tome 2.jpgEn mission est le dernier opus sorti, en deux tomes comme toujours, des aventures de ma copine Honor Harrington, officier de renom dans deux flottes interstellaires. Honor est donc désormais mariée, mère de Raoul (le cri qui dessaoûle), et Premier Lord de la Spatiale. Elle est chargée de négocier la paix avec la République du Havre, tandis que, dans l'ombre, s'ourdit un machiavélique complot contre l'Empire Stellaire. Sinon ce ne serait pas drôle.

    Je garde un sentiment mitigé de la lecture cet opus : je trouve que Weber commence à se "tolkieniser". Je m'explique : je reproche à Tolkien d'avoir moins su raconter une histoire qu'inventer un monde (aïe, non, pas taper !). Et bien, David Weber commence à prendre ce pli : son univers se déploie avec force détails, mais son fil conducteur se réduit progressivement à peau de chagrin. Les scènes mettant en avant l'intimité d'Honor Harrington se font de plus en plus rares ; elles sont noyées dans la logorrhée géopolitique et diplomatique qui forme non plus le contexte, mais le coeur du récit. Bref, j'aime beaucoup Honor, mais je commence à m'impatienter. Je ne suis pas certaine d'acheter le tome suivant, c'est dire !


    Un prince sans royaume de Timothée de Fombelle (Vango, tome 2)

    vango 2.gifPour qui ignore qui est Timothée de Fombelle, qu'il aille se fouetter en place publique avec des orties fraîchement coupées avant de lire la phrase suivante. TdF (c'est plus court comme cela...) est en effet l'auteur du mirifique Tobie Lolness, un roman en deux tomes édité chez Gallimard jeunesse, qui s'adresse entre autres... à la jeunesse. "Entre autres", car tout adulte normalement constitué ne pourra qu'apprécier à sa juste valeur la finesse, la poésie et l'intelligence de l'oeuvre.

    J'ai chroniqué ici le premier des deux tomes de Vango. J'ai désormais terminé le second volet, qui clôt (pléonasme !) le diptyque. Voici le résumé de l'éditeur : "À la fin des années trente, suspendu au sommet des gratte-ciel de New York, Vango affronte ses ennemis avec le moine Zefiro, et retrouve la piste de celui qui a détruit sa famille. Sa quête le fait passer tout près de la belle Ethel, l’amour de sa vie, lors de la chute du dernier grand dirigeable qui manque le blesser à jamais. Il croit alors se retirer du monde pour toujours. Mais déjà la guerre envahit l’Europe et le remet sur les routes."

    On suit désormais Vango plutôt dans sa vie d'adulte, louvoyant entre la fuite et la lutte contre son ennemi invisible. Vango est à la fois attachant et fuyant, un personnage dont les méandres psychologiques ne sont pas si faciles à saisir. Il a une candeur et une propension au silence que j'aime énormément. La fin de l'histoire n'était pas très difficile à deviner (cela reste un roman pour la jeunesse) mais Dieu que j'apprécie que l'auteur ne prenne pas ses lecteurs pour des idiots. Il y a des scènes qui mettent en scène une petite fille russe, dont on ne sait à quoi elles se rattachent, quasiment jusqu'à la fin. Bref, Vango, bien que moins poétique que Tobie Lolness, est une oeuvre selon mon coeur. Et j'en remercie Timothée de Fombelle.


    L'affaire Pélican, de John Grisham

    affaire pélican.jpgDe John Grisham, prolifique auteur américain de politique-fiction, je n'avais rien lu. Mais j'avais vu plusieurs adaptations cinématographiques de ses romans, dont L'affaire Pélican. Je connaissais donc déjà l'histoire de la jeune Darby Shaw. Pour autant, le plaisir de lecture fut bien présent.

    Suite à l'assassinat d'un juge de la cour suprême, Darby Shaw, étudiante en droit de l'université de Louisiane, rédige un petit mémoire qu'elle montre à son prof, qui le montre à un gars du FBI, qui le montre à son patron, et qui atterrit à la Maison Blanche, au milieu des autres pistes suivies pour retrouver le commanditaire du meurtre. Malheureusement, ce petit mémoire de rien du tout avance des thèses pas si extravagantes, et il cite nommément le locataire de la Maison Blanche...

    Grisham raconte bien. Il a un don pour être proche de ses personnages tout en sachant les placer dans un contexte plus large, où le cynisme des milieux politico-financiers met en perspective les drames personnels des protagonistes. Un bon thriller, qui pointe quelques thématiques pas encore très à la mode à l'époque (1992), comme la protection des écosystèmes fragiles.


    La-fille-loup-garou-dont-je-ne-me-souviens-pas-le-nom

    pleine lune.jpgBon, vérifications faites, il s'agit de Pleine lune, premier opus d'une série intitulée Riley Jenson et commise par l'auteur australienne Keri Arthur. De la bit-lit dans toute sa... splendeur ? Il y a du sexe entre loups-garou, du sexe hétéro et homo, du sexe avec des vampires, pas de sexe avec des humains - mais on en entend beaucoup parler, du sexe provoqué par la fièvre lunaire et du sexe issu des sentiments... Bref, il y a du sexe.

    Heureusement, il y a une petite enquête policière qui accroche, et qui fait qu'on arrive à ne pas se lasser des scènes de sexe avant la fin du roman. Je l'ai lu rapidement, je n'ai pas décroché... et à part quelques fantasmes impliquant des menottes et des vampires, il n'en reste rien.

    J'ai beaucoup plus rigolé avec Fascination de Stephenie Meyer. Voilà, c'est dit. Préfèrerais-je la bit-lit puritaine à la bit-lit libertine ? Allez savoir... Moi, je sais juste que je ne lirai pas la suite de Riley Jenson.


  • La servante écarlate, de Margaret Atwood

    Margaret-Atwood-La-Servante-ecarlate.gifLa servante écarlate est un roman de Margaret Atwood, auteur canadienne éclectique (roman classique, roman d'anticipation, poésie... Elle sait tout faire).

    L'histoire : Dans un futur indéterminé, la République de Gilead est une dictature installée sur le territoire des anciens Etats-Unis d'Amérique. Defred est servante écarlate - reproductrice, "utérus sur pattes", dit-elle - chez le Commandant. Defred n'est pas son vrai nom, c'est le nom par lequel on la désigne tant qu'elle est de service chez ce Commandant. Via son journal, dont chaque mot est pesé, nous découvrons la société dans laquelle elle évolue, un récit entrecoupé des souvenirs de Defred lorsqu'elle avait un amant et un enfant, lorsqu'elle travaillait et qu'elle était libre de faire ce que bon lui semblait. Aujourd'hui, les femmes fertiles sont devenues extrêmement rares et les trois quarts des enfants conçus ne sont pas viables, sans doute à cause d'une pollution chimique de l'air, du sol ou de l'eau. Et puis, il y a une guerre. Indéterminée, lointaine, mais une guerre présente dans l'esprit de tous, qu'on ne laisse personne oublier.

    La République de Gilead a choisi la voie étroite pour protéger sa population : elle l'a asservi, faisant plier hommes et femmes sous le joug de dogmes religieux d'une extrême sévérité au service du pouvoir politique. Tout cela, nous le devinons à travers les voiles blancs de Defred, son regard baissé, son quotidien fantômatique et l'infinie liste de tabous dont est constituée sa vie. Les gens autour d'elle n'ont pas de nom, seulement des fonctions : Commandants, Epouses, Marthas (chargées des tâches ménagères), Anges (soldats), Yeux (police politique)... Avec Defred, on assiste à une naissance, un procès et une exécution, mais surtout au quotidien de ces femmes privées de liberté, d'information et de dignité et, indirectement, de ces hommes tout autant victimes de ce système répressif basé sur la délation. Chaque mot, mais aussi chaque geste, est surveillé et contrôlé. Defred n'a même pas le choix de mourir...

    Mon avis : j'ai été destabilisée par le ton très intimiste de ce roman, qui relève paradoxalement (même si ce n'est pas paradoxal pour tout le monde) de la dystopie et de l'anticipation sociale féministe. C'est un journal intime, un monologue intérieur monotone et répétitif, centré sur les infimes détails du quotidien sans saveur de la narratrice, quasi dépourvu d'action. Tout ce qui, a priori, me fait prendre mes jambes à mon cou en matière de littérature. Et j'avoue que c'est ce que j'aurais volontiers fait s'il n'y avait eu ce contexte si particulier. L'étouffement quotidien dans un régime de terreur, le traitement malheureusement déjà d'actualité de la stérilité due à la pollution sont quelques uns des éléments qui m'ont menée jusqu'au bout du roman.

    Si je n'ai pas été transportée d'enthousiasme par le récit, celui-ci m'a pourtant laissé une impression profonde et durable. Comme une amertume trop pertinente pour être ignorée, mais aussi trop forte pour être appréciée... (Comprenne qui voudra).


    éditions : ROBERT LAFFONT ou J’AI LU
    Genre : anticipation, dystopie

    CITRIQ

  • A deux voix près !

    art français guerre.jpg

    Un billet rapide : je viens d'apprendre qu'Alexis Jenni a remporté le prix Goncourt (certainement mérité, étant donné toutes les bonnes critiques vues et entendues sur son livre) pour L'Art français de la guerre, à 5 voix contre 3 sur... Carole Martinez et son Domaine des Murmures !

    Mince alors, pour une fois que je lis - et que j'aime ! - un roman de chez Gallimard, il passe à deux doigts du Goncourt ! C'est rageant, tout de même !

  • En octobre, je suis sobre

    Pourquoi ce titre ? Parce que j'ai lu deux livres, et que j'ai décidé de faire rapide et, donc, sobre (je ne parle bien évidemment pas des boissons alcoolisées ; hier matin j'étais à un salon des vins, et ma foi... C'était bien).


    Du domaine des murmures, de Carole Martinez

    domaine murmures.jpgUne fois n'est pas coutume, j'ai lu un roman de la célèbre maison aux deux bandes rouges. Du domaine des murmures raconte l'histoire d'Esclarmonde, une jeune fille bourguignonne du 12e siècle qui refuse d'épouser le promis imposé par son père et décide de se faire emmurer à vie plutôt que d'aller au couvent (nice choice !). Elle priera pour ses contemporains toute sa vie, tel est son engagement.

    Son père fait construire la chapelle et la tour où sera murée sa fille sans barguigner, mais ne lui adresse plus un mot. Deux ans après le début des travaux, Esclarmonde entre dans sa tour, quelques jours après avoir vécu une expérience traumatisante, mais dont elle ne souffle mot à personne. Les relations entre le père et la fille évoluent mais restent difficiles, à tel point que le père finit par partir aux croisades avec l'empereur Frédéric II. Esclarmonde prie, écoute, et rêve : dès qu'elle s'endort, elle voit son père dans sa misérable marche vers Jérusalem (pour mémoire, la croisade de Frédéric II, dont fait partie son père, s'est transformée en déroute lorsque le souverain allemand s'est noyé en passant un gué).

    Mon avis : Ma foi, j'ai pris plaisir à lire ce roman. Pas trop long, pas trop alambiqué, une belle histoire et une écriture élégante et fluide. Le propos est original, les aventures emmurées d'Esclarmonde vraiment réussies. Je n'aurais jamais cru pouvoir m'intéresser à l'histoire d'une jeune bigote idéaliste, mais j'ai vraiment aimé ce livre. Sans doute parce que l'histoire est moins simple qu'elle n'y paraît de premier abord - et beaucoup axées sur les relations entre les personnages, vraies, sans fard, charnelles et parfois violentes.

     

     

    L'armée furieuse, de Fred Vargas

    armée furieuse.jpgLe commissaire Adamsberg est un cas social, voire pathologique. Il se fiche éperdument de ce que les autres pensent et fait preuve d'une ignorance crasse. Dans le précédent opus, Un lieu incertain, on apprenait qu'il ne parlait pas un mot d'anglais, ce qui est un peu gênant pour un fonctionnaire de son niveau. Là, il n'est pas fichu de retenir le nom d'un légende, ni celui d'une auberge... Et ça me fait hurler de rire. Si.

    Pris dans les rêts d'une affaire scandaleuse qui touche les grands pontes de ce monde, Jean-Baptiste Adamsberg profite d'une opportunité pour aller s'enterrer dans la campagne normande, histoire de décrypter une affaire de meurtre entâchée de légende. Bien entendu, il ne comprend rien à l'histoire, nous non plus. Il rencontre des gens absolument improbables. Qui ont un charme fou... Et qui peuvent être vraiment dangereux.

    Car s'il y a une chose que j'aime chez Fred Vargas, c'est sa capacité à inventer de nouvelles "gueules". Des gens avec une personnalité, un grain de folie propres à nous emmener ailleurs. Elle réutilise à merveille les personnages récurrents (Retancourt et ses mains d'or, Veyrenc et ses rimes, Danglard noyé dans son pinard) et leur fait cotoyer avec bonheur les nouveaux : la fringante octogénaire Léo, son chien Flem, Le Seigneur Hellequin et son armée de morts, Hippolyte, ses douze doigts et ses mots à l'envers... Essayez donc Drannoc dans le bon sens !

    J'ai passé un très, très bon moment de lecture, et je rêverais de savoir écrire ainsi. Un roman léger et drôle, en apparence improbable et superficiel, alors que sur le fond, il est grave, profond et d'une imparable logique.


    Avec tout cela, si vous n'arrivez pas à finir bellement les vacances... C'est que vous n'y mettez pas du vôtre !

  • Chien du heaume, de Justine Niogret

    Alors que Justine Niogret vient d'éditer son deuxième roman, Mordre le bouclier, j'ai terminé Chien du heaume, son premier roman, la semaine dernière. Je suis, comme d'habitude, hors du temps éditorial.

    Chien du Heaume.jpgL'histoire de Chien du heaume est assez simple à raconter, si on veut faire simple. Et très compliquée, si on veut la décortiquer. Je ferai la version simple, car j'ai pitié de vous. Chien du heaume est une femme à la recherche de son identité. Chien du heaume, c'est le nom qu'on lui donne, qu'elle donne à son tour à qui le lui demande, mais elle ignore son vrai nom, celui de son père. On est au haut Moyen-Âge et Chien du Heaume est mercenaire. Elle se bat pour vivre, pour se nourrir et être logée, elle se bat comme on expire, avec la hache de son père si belle et si tranchante, dont personne ne sait d'où elle vient. Chien du heaume est petite, laide, forte et acharnée. Elle a une quête, mais pas d'espoir. Elle a des amis, mais pas de réconfort. Son univers est sombre et hivernal. Même en été.

    Voilà. Vu comme ça, on se demande bien pourquoi on lirait ce livre. Ce qui m'a finalement décidé, même s'il a bonne réputation et des prix prestigieux (le Prix Imaginales et le Grand Prix de l'Imaginaire 2010), c'est sa brièveté. Il fait à peine plus de 200 pages, et j'ai très peu de temps pour lire. Pourtant, j'ai mis du temps à le finir. A le savourer, devrais-je dire. Presque deux semaines. L'écriture est belle, élégante, volontairement suranée, délicate par bien des aspects, alors qu'elle parle de sang, de violence, de froid et de désespoir. Un véritable plaisir, que l'on fait durer.

    Et puis, il ne s'y passe pas tant de choses que ça, dans cette histoire. Ce n'est pas un page-turner à la Dan Brown. On prend son temps, et c'est bien - sans doute parce qu'on sait que ce ne sera pas interminable. D'autant plus que c'est sombre, très sombre. La neige, le froid, les pierres noires d'un chateau fort caché au fin fond d'une forêt, la rugosité des hommes d'armes et la cruauté perverse des dames, la langueur de la brume, la violence inouïe à peine contenue sous un vernis social sont le quotidien de l'héroïne. Elle n'aspire pas à s'en échapper, elle en fait partie. Le drame est sa réalité, sans fard, dans toute sa crudité. Voilà donc un roman littéralement crépusculaire, qui évoque la fin d'un monde et en porte tous les stigmates. Lorsqu'il se termine, je ne suis pas soulagée, pas véritablement. Mais je porte en moi une histoire qui m'a touchée et qui laisse de belles traces d'humanité - et de littérature.

    Et puis... attiré par une note d'intention d'une tonalité étrange, je lis le glossaire. Et là, je me prends les pieds dans le tapis, je glisse sur une peau de banane. Pour tout dire, j'ai l'air d'une folle échappée de l'asile. Car je ris comme je n'avais pas ri depuis longtemps. Je ris presque à chaque définition !

    Je découvre donc à la lecture du glossaire que Justine Niogret possède un humour dévastateur, déjanté et improbable, en totale contradiction avec le ton du roman qui le précède. Une bouffée de chaleur, une tranche de bonheur pur.

    Je vous dois donc d'en conclure que j'ai adoré ce livre, au moins autant pour le roman lui-même que pour la douche brûlante qu'on se prend sur le paletot en passant du roman au glossaire.


    PS : Le roman est étiqueté fantasy alors qu'on ne voit aucun attribut de fantasy dans le récit (non, la brume qui sort du casque de la Salamandre ne m'a pas impressionnée). Personnellement, je le rangerais en littérature blanche - et ce n'est pas une insulte.

     

    Lu et chroniqué aussi par : Efelle, Lhisbei, Lorhkan

    Mnémos, 2009.

    Genre : fantasy (?), historique

    CITRIQ