J'ai été récemment prise d'un besoin pressant : celui de tenter de combler, au moins partiellement, l'énorme trou dans ma culture SF classique. Pour ce faire, j'ai très bêtement cherché la liste de tous les Prix Hugo depuis le commencement de l'histoire de ce prix.
Et je suis tombée sur ce roman, La reine des neiges, Prix Hugo et Locus 1981, dont je n'avais jamais entendu parlé mais qui m'a intriguée : l'autrice porte le même nom de famille qu'un certain Vernor Vinge, auteur bien connu et lauréat lui aussi de plusieurs Prix Hugo (Au tréfonds du ciel, Un feu sur l'abîme), et... son titre évoque une certaine chanson à martyriser les tympans pour n'importe quel parent depuis 2013 !
La reine des neiges s'inscrit par la suite dans une série, intitulée Le cycle de Tiamat, dont il constitue le premier tome.
Joan D. Vinge a effectivement épousé Vernor Vinge, dont elle a ensuite divorcé. Peu connue en France, elle a relativement peu écrit mais ses oeuvres bénéficient d'une bonne critique ; elle a été 2 fois lauréate du prix Hugo, et nommée à plusieurs reprises.
Résumé :
La planète Tiamat est la plus primitive des mondes à portée spatiale de l'Hégémonie. Vivant au rythme d'interminables saisons hivernales et estivales, elle a tout oublié de la technologie de vol hyperspatial de ses ancêtres, et les seuls voyages possibles se font en utilisant les remous quantiques provoqués par un proche trou noir, dernier passage avec les autres colonies de l'Hégémonie. Après cent cinquante ans de règne, Arienrhod, la Reine de l'Hiver, ne veut pas quitter le pouvoir. Et pourtant voici que vient le temps de l'Été, celui des Étésiens, où une Reine de l’Été doit prendre sa place. Cela pousse Arienrhod à recourir à des clonages, des êtres en lesquels elle pourrait se réincarner éternellement. Une tâche redoutable qui échoit à Moon, une jeune Étésienne pour qui jusque là n'ont existé que les joies de la mer et l'amour de son cousin Sparks...
Mon avis :
Je suis entrée dans ce récit en toute candeur, n'ayant jamais rien lu ni vu sur ce roman. Et j'ai immédiatement été charmée par la narration fluide et les personnages attachants de Moon et Sparks. Puis la lecture aidant, l'univers de Moon prend de l'ampleur et la lectrice que je suis a été plus charmée encore par l'ambition de l'autrice, qui du planet opera passe allègrement au space opera, nous entrainant loin de Tiamat pour entrer au coeur de l'Hégémonie qui la dirige.
C'est ainsi que l'univers se déploie, progressivement, permettant au lecteur d'appréhender sans heurt la complexité de la société, de l'histoire et de la politique de la planète Tiamat, puis de comprendre sa place si spéciale au sein de l'Hégémonie, qui veille sur elle, non pas tant comme une mère sur son enfant, mais comme un vieil homme jaloux sur ses privilèges.
La reine Arienrhod est une femme politique avisée, très expérimentée, dont l'apparente jeunesse éternelle camoufle un esprit vorace et affûté. Toute son énergie est tournée vers la préservation de son pouvoir à l'arrivée de l'été, selon des moyens détestables et cruels. En premier lieu, Arienrhod tient le rôle cathartique du mal à combattre, face à la très solaire Moon. Mais, comme dans toutes les bonnes histoires, et c'est là une très bonne histoire, Arienrhod agit mal en étant motivée par d'excellentes raisons. Des raisons que Moon et Sparks, chacun de leur côté, sont amenés à découvrir et à comprendre.
Moon, de son côté, devient Sybille, une sorte de voyante liée aux croyances religieuses très profondes de Tiamat. Et Moon apprend bientôt que les Sybilles sont beaucoup plus qu'elle ne paraissent être, camouflant une antique technologie derrière un voile mystique. La loi chère à Arthur C. Clarke, "toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie", revient donc, sous une nouvelle forme. Et ce faisant, Moon découvre, par d'autres voies que la Reine de l'Hiver, les raisons profondes et inavouables pour lesquelles l'Hégémonie tient tant à laisser Tiamat dans son état primitif.
Joan D. Vinge entremêle donc plutôt habilement les thèmes classiques du space opera et de la fantasy, à l'instar d'une Anne McCaffrey avec La Ballade de Pern, donnant ainsi vie à un roman complet, divertissant, qui ne manque ni de souffle, ni d'ambition. J'ai pris beaucoup de plaisir à le lire et je vous recommande chaudement de découvrir ou redécouvrir ce texte de plus de 40 ans, qui n'a pas vieilli. Comme moi.
Une fois de plus, grâces soient rendues à Lhisbei et M. Lhisbei pour le Summer Star Wars, seul et unique challenge de l'univers capable de sortir ce blog et son autrice de leur léthargie. Que la Force soit avec eux... et vous.