Ca y est ! Avec 7 ans de retard sur la sortie du phénomène, je viens enfin de l'enquiller, titillée par les opinions parfois divergentes et souvent tranchées que j'ai pu lire ici et là.
L'histoire : Ils sont 23 hommes et femmes, qui, leur vie durant, remontent la trace du vent, d'Est en Ouest. Ils ont été enfantés, éduqués, choisis pour former la 34e Horde du Contrevent, celle qui doit faire mieux que les 33 précédentes et parvenir à l'Extrême-Amont. Ils marchent contre le vent, sur cette unique bande de terre vivable de la planète, en formation de goutte ou de diamant, sous les ordres de leur Traceur, le neuvième Golgoth. Le roman raconte leur vie de contreurs, leur doutes, leur talents, et la poésie de leur combat quotidien. Reconnaissables à un idéogramme en début de paragraphe, chacun des contreurs est narrateur à tour de rôle, et leurs multiples témoignages constituent le récit.
Mon avis : roulement de tambour... Dans quelle catégorie me rangé-je ? Les pour, les contre, les bien au contraire ?
Les pour. Car j'aime le Contre.
J'aime assez ne pas être d'accord avec la majorité, histoire de pimenter de temps à autres le quotidien. Or, j'ai aimé cet ouvrage, et en cela je rejoins (au moins partiellement) la cohorte des lecteurs qui ont crié au génie.
Oui, il y a un véritable génie de l'écriture dans ce roman, une inventivité, une création pure, absolument bluffantes. Tout, des personnages à la planète, de la narration aux dialogues en passant par les notations spécifiques, tout vient du vent, va au vent, est formé en fonction du vent.
J'ai appris (Allociné, Passion cinéma) qu'un studio a l'intention d'adapter le roman en un film d'animation 3D (jusque là, ça va) entièrement tourné... en langue anglaise. Là, ça ne va plus. Car s'il y a bien une chose extraordinaire dans cette oeuvre, c'est la langue. Comment retraduire en anglais toutes les inventions, toute la créativité d'Alain Damasio en la matière ? Cela me fait un peu penser, dans la richesse et la diversité de la langue, à celle de Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski. En plus inventif encore, pour servir le propos si particulier du roman ; car il faut retranscrire le vent à l'écrit, un exercice des plus difficiles.
Mais, comme dans L'élégance du hérisson, de Muriel Barbery, il y a aussi un petit côté "m'as-tu-vu", un soupçon de suffisance, qui sont un peu agaçants. L'auteur, pris dans son tour de force virtuose, finit parfois par se regarder écrire. A l'instar de la série Honor Harrington, peut-être faut-il accepter d'adhérer à un postulat avant de songer à apprécier le contenu de l'oeuvre.
Si je l'ai accepté pour La Horde du contrevent, c'est parce que la thématique, la sémantique, la passion du vent m'ont immédiatement accroché. J'avais envie, terriblement envie, d'entrer dans ce vent, de le sentir, de le vivre, de me battre contre lui. Je faisais corps avec les contreurs sous Furvent. Le personnage principal du roman est le vent sous toutes ses formes, dans toutes ses acceptions, le vent pourvoyeur de nourriture, de vie, d'intelligence et de mort.
De plus, la forme chorale et polyphonique du récit m'a plue ; elle donne un poids, une profondeur, au propos.Tous les personnages ne sont pas égaux en narration, certains prennent la parole plus que d'autres ; certains sont sympathiques, d'autres moins, tel Golgoth. Déstabilisant, surtout au début où on n'a pas le temps de repérer les personnages, c'est ce choeur qui donne sa dynamique au récit : en passant d'un individu, d'un point de vue et d'un ton à l'autre, on avance dans l'histoire de façon heurtée, inégale et inattendue. Un vrai régal.
Bien que j'aie deviné la fin dès le début (rien de bien sorcier, convenons-en), le voyage fut passionnant.
Une lecture que je recommande chaudement, autant que Gagner la guerre de Jaworski. C'est dire.
Lu aussi par : Tigger Lilly, Val, Guillaume, Efelle, Lhisbei, Lael, Lorhkan
La Volte, 2004 ; Gallimard Folio SF, 2007