Durant des vacances estivales il y a quelques années, j'avais eu l'occasion de discuter plusieurs fois avec mon blogopote A.C. de Haenne IRL. Autour d'une bonne bière, ce qui ne gâche rien. Et je me suis rendue compte qu'au cours d'une discussion, une incompréhension était née entre nous sur la façon dont je considère l'écriture. Parce que cette incompréhension est apparue, cela m'a donné l'occasion de réfléchir à la façon dont je considère l'écriture en général et la mienne en particulier.
Donc, la faille a fait son apparition lorsque A.C. a compris que je considérais que l'écriture n'était qu'un outil, comme une voiture nous emmenait d'un point A à un point B, et qu'elle n'avait rien d'artistique. Sauf qu'en réalité, je parlais de mon écriture, certainement pas de la Littérature en Majesté avec la Majuscule. J'espère que ce point est désormais éclairci pour lui.
La littérature
Pendant très, très longtemps, c'est à dire jusqu'à plus de trente ans, pendant mes lectures, le récit et les personnages m'importaient seuls, le style me laissant froide. J'étais capable de m'enfiler des trucs au français parfois improbable sans sourciller, parce que je m'en fichais comme de ma première paire de collants (et quand on sait à quelle allure un collant se file...). Dès qu'une ambition stylistique s'affichait dans une texte, je fuyais tel le Harkonnen devant un ver des sables, tant j'avais en horreur les circonvolutions égocentriques de l'auteur autour de son nombril scriptural.
Depuis quelques années, je suis plus sensible à la qualité littéraire d'un texte. S'il ne raconte rien, il va m'ennuyer et je le laisserai planté là. Mais s'il raconte une bonne histoire et qu'il est bien écrit, j'apprécie de plus en plus. Cela est certainement né avec ma lecture en 2010 de Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski. Un roman épique et entraînant, original, passionnant et... merveilleusement écrit. Après Jaworski, j'ai enchaîné l'année suivante sur La horde du contrevent de Damasio. Là aussi, une écriture ébouriffante au service d'une sacrée histoire.
Depuis, je suis sensible au style. Je deviens incapable de supporter des ouvrages du type Pleine Lune, de la bit-lit mal écrite en plus d'être proche du zéro au niveau scénario. Par contre, la bit-lit de Cail Garriger, dans Le protectorat de l'ombrelle, oui. Je ne désespère pas un jour de lire du Umberto Eco sans sourciller (j'avais lu Baudolino, mais ce fut une des pires purges de ma vie). Encore aujourd'hui, son style ultra ampoulé et sa manie de noyer l'intrigue pourtant intéressante dans une avalanche de détails superfétatoires me fait fuir. Il faut pourtant lui reconnaître une immense qualité : le monsieur savait écrire. Il était un peu linguiste sur les bords. Et aussi au milieu, en fait.
Je ne peux toujours pas blairer la plupart des ouvrages de littérature générale qui concourent aux prix littéraires, parce que le style centralise l'attention au détriment du récit proposé. Et je ne crois pas que cela change avant longtemps. Mais enfin, lorsque la langue et le style servent le récit, l'art surgit et je suis joie !
Mon écriture
J'écris sur ce blog (et d'autres...), ainsi que dans mon travail, parce que l'écriture est un véhicule du partage. Le partage d'information et d'émotion, c'est mon métier. Et l'écriture m'aide dans cette mission de partage, tout autant que la parole.
L'écriture est pour moi un outil. Un outil qu'il me faut travailler : je fais encore trop de fautes de grammaire à mon goût, ma syntaxe et mes expressions se révèlent parfois lourdingues, incorrectes, imprécises. Je prends tous les jours conscience que ma connaissance du français est superficielle : je n'ai pas fait d'études poussées en langue française, pas de bac littéraire, pas de linguistique. Je n'ai pas fait de latin ni de grec. J'ai simplement bien appris mes leçons de français jusqu'en troisième. Il me manque des connaissances pour comprendre pleinement ma langue et l'utiliser, voire la détourner, à bon escient.
Mais enfin, ce que j'écris est compréhensible par le plus grand nombre, sans faire hurler Bescherelle ta mère. De nombreux profs ont loué la clarté de mon propos, tout en critiquant son manque de développement, voire de profondeur. C'est parfaitement justifié : je déteste m'étendre, cela heurte mon esprit synthétique, ainsi que mon poil dans la main - qui s'apparente plutôt souvent à un baobab.
Je n'ai donc et ne pense jamais avoir (sauf si mon frère réitère trop souvent ses menaces) de prétention littéraire :
- je n'ai rien à raconter, imagination zéro
- si d'aventure, je trouvais une idée, je suis trop feignante pour passer mes nuits à écrire et à me documenter
- je ne maîtrise pas assez la langue française
Je suis donc éperdue d'admiration devant les auteurs. Vous faites un travail admirable et totalement ingrat.
Je salue particulièrement les auteurs d'anticipation et de SF, en raison de la cohérence et de la documentation exigées par ces genres.
Voilà, donc, contrairement à mon collègue BiblioMan(u) et à ma blogopote Lhisbei, que j'admire pour avoir franchi le pas, je crains que vous ne voyiez jamais votre servante faire éditer le moindre texte !