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Littérature générale - Page 3

  • L'heure du loup, de Robert McCammon (le retour)

    Un observateur attentif de ce blog remarquera que l'ouvrage susmentionné a déjà fait l'objet d'un billet ici même. Il s'agissait du tout premier billet posté, ce qui en dit long sur l'importance que j'accorde à l'ouvrage.

    Cela me donne au passage l'occasion de signaler les deuxième anniversaire de ce blog, qui a survécu tant bien que mal aux aléas quotidiens, et qui a même vu augmenter le nombre de ses lecteurs dans les derniers mois malgré la diminution de la fréquence des billets. Donc, grand merci à vous !

    Revenons à nos moutons (vu le sujet, ils ne vont pas faire long-feu, les moutons !).  

    L'heure du loup, c'est un roman de Robert McCammon sorti en 1989 aux Etats-Unis et 1990 en France. Il a été édité aux Presses de la Cité, deux fois chez Pocket, et plus récemment chez Milady.

    Un roman qui a vingt ans, ça n'intéresse personne. Sauf que, puisque Milady l'a réédité, cela signifie qu'il rencontre un public.  Et je persiste à le clamer haut et fort (ah, ah !), c'est un très bon roman de divertissement, qui n'a pas (encore) atteint le niveau de succès qu'il mérite.

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    Les premières pages ouvrent le grand livre de la seconde guerre mondiale, en pleine campagne nord-africaine. Le QG de Rommel est attaqué par un gros loup noir, qui vole un attaché-case en arrachant la main de son porteur. Il repart ventre à terre, évitant les mines, en direction des forces alliées.

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    Puis, les chapitres défilant, nous faisons connaissance avec Michael Gallatin, agent secret de Sa Majesté, un homme solitaire, intelligent et violent. Le récit de ses missions pour le compte des alliés est parsemé d'évocations d'une vie antérieure, celle de Mikhaïl Gallatinov, enfant russe héritier d'une famille d'aristocrates pourchassée par la révolution rouge. Et alors que les "talents particuliers" de Michaël font merveille dans la lutte souterraine contre l'Axe, nous déroulons le fil de son histoire. L'histoire de Mikhaïl, petit garçon de 10 ans abandonné par le destin aux soins improbables d'un clan maudit de Dieu, une meute de loup-garous.

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    Les deux récits, sans jamais se croiser, nous plongent dans la conscience de l'homme-loup, qui ignore ce qu'il est au regard de Dieu et qui interroge sans relâche son époque et ses semblables (?) à la recherche d'une impossible réponse.

    Ce roman d'espionnage fantastique appartient sans doute aucun à la famille des romans populaires, par son scénario à rebondissement et le caractère indiscutablement héroïque de son personnage central. Mais il frappe  par sa puissance d'évocation de la forêt russe et de la sauvagerie du loup. Il nourrit le lecteur du cheminement spirituel et initiatique de Michael Gallatin, une introspection qui détonne et offre une bonne surprise dans un ouvrage de genre.

    L'heure du loup a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1992. Malgré son âge, il renouvelle l'image du loup-garou, pourtant très en vogue depuis l'apparition du phénomène bit-lit (qui associe aux vampires leurs ennemis séculaires, les loup-garous - pour les distraits qui seraient passé à côté...). Une lecture que je recommande donc chaudement et que j'aimerais voir critiquée plus souvent.

     

    Editions : Presses de la Cité 1990, Pocket 1992 et 2000, Milady 2008.

    Genre : espionnage, aventure, thriller, fantastique, historique

     

  • Corpus delicti : un procès, de Juli Zeh

    Résumé de l'éditeur : "Nous sommes en 2057 et tout est propre. Pour le bien et la santé de tous, l'Etat a instauré La Méthode, qui exige de la population qu'elle se conforme à toute une série de règles préventives en vue de l'intérêt général. Mia Holl, une jeune biologiste, ne fait soudain plus de sport et omet d'informer les autorités sur ce qu'elle consomme. On la convoque au tribunal afin qu'elle se justifie."

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    Moritz, le frère de Mia, s'est suicidé en prison, pour  un crime dont il s'est toujours défendu. Depuis Mia déprime, perd pied et se néglige, encourant ainsi les foudres de La Méthode. Elle discute philosophie avec la Fiancée Idéale, un assemblage imaginaire de tuyaux métalliques, ne fait plus de sport et omet de transmettre ses analyses médicales. Elle se met ainsi à dos la justice de son pays, ainsi que le "journaliste" Heinrich Kamer, héraut de La Méthode auprès du public. Mia résiste et se rebelle face aux pressions exercées sur elle. Et plus elle résiste, plus elle s'enfonce. Inexorablement.

    Le lecteur découvre à travers les divagations de Mia un monde qui a renié la démocratie au profit de la santé publique, où la prophylaxie fait office de liberté individuelle. Un monde pas si loin de nous - comme le doit toute bonne anticipation.

    Pour être franche, j'ai failli lâcher ce roman au moins quatre fois, car il est terriblement bavard, un bavardage qui se veut philosophique. Il n'est pourtant pas besoin d'en rajouter : l'univers décrit donne largement assez de grain à moudre au lecteur qui souhaite réfléchir à son avenir. De plus, le découpage en chapitres très court ne donne pas de rythme au récit, contrairement à ce qu'annonce la quatrième de couverture. Il le rend plus nébuleux que nerveux.

    Malgré tout, je suis allée au bout. D'abord parce qu'il est court (235 pages), et parce que l'univers créé par Juli Zeh est extrêmement pertinent. Par petites touches, il prend vie sous nos yeux, comme un cauchemar qui n'en finit pas de se développer -  et dont on se se réveille pas.

    Si cette lecture m'a laissé un sentiment mitigé, avec un fond très pertinent et une forme ennuyeuse et redondante, je recommande néanmoins sa lecture aux amateurs d'anticipation.

  • Commencer un livre par le milieu, est-ce une hérésie ?

    Ferocias m'a tagguée. Damned, je suis faite !

    Voici la question posée - bien que quelque peu remaniée :

    L'hétérodoxie dans la lecture peut-elle aller jusqu'à l'hérésie lorsqu'on commence un livre par le milieu ?

    Par là même, on pose la question de la pratique cultuelle (oui, oui, sans "r" !) de la lecture. Je suis bien placée pour en causer : le livre est mon métier, comme d'autres la mort.

    Ma réponse, en quatre mots comme en cent, est : ça dépend des générations.

    Et, bien sûr, du livre en question. Un dico, une encyclopédie, ou un manuel, forcément... On ne va pas les commencer au début si on cherche la définition de la zopissa.

    Mais enfin, cela dépend quand même et surtout de l'éducation reçue en notre tendre enfance et dans quelle considération le livre était tenu à cette [lointaine ?] époque.

    Par expérience, j'oserais avancer que les personnes de plus de 70 ans  (environ, hein, ne généralisons pas trop) ont dans l'idée que le livre étant sacré, de par la valeur de son contenu et de son contenant (je rappelle que les livres étaient très chers avant Jack Lang...), il leur est difficilement envisageable de le déflorer ainsi, non plus que d'en perdre une goutte. Question d'éthique économique autant qu'intellectuelle.

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    Pour ce qui est de nos générations consuméristes engluées dans la Toile mondiale... Il faut bien dire qu'on s'en tamponne généralement le coquillard avec une patte d'éléphant femelle. La lecture sur écran incite au grapillage, bien plus qu'un joli petit codex relié cuir pleine peau - ou même qu'un modeste livre de poche collé à la morve de chat.

    Le culte livresque, très peu pour nous, pourvu qu'on y trouve ce qu'on cherche... Parpaillots que nous sommes.

    Et en ce qui me concerne moi, la géniale auteure de ce mirifique blog, me direz-vous* ? Et bien, il ne m'est jamais arrivé de tenter une telle pratique sur autre chose qu'un dico ou assimilé. Tout simplement parce que je n'ai pas encore eu de raison de le faire (non, je n'ai pas lu tous les contes et nouvelles de la Terre du Milieu. Oui, je ferai pénitence avec des orties fraîchement coupées).

    Et puis aussi parce que je suis très, très bon public, et que j'aime me laisser porter passivement, voire lascivement (les orties, sans doute), par le récit qu'on me propose. Quitte à le descendre en flamme dans mes billets par la suite. Comme quoi, ces jeunes, ils ne respectent rien...

     

    * On n'est jamais si bien servie que par soi-même.

  • Cryptonomicon, de Neal Stephenson

    Pour entamer ma participation au challenge Winter Time Travel de Lhisbei, voici donc un premier post uchronique sur le Cryptonomicon de Neal Stephenson.

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    Avouons d'emblée que l'espionnage et l'informatique sont les thèmes importants de l'oeuvre, et l'uchronie un simple outil pour les mettre en valeur. Qu'importe.

    Un OVNI. Voilà ce qu'est ce roman. L'histoire est presque irracontable... Mais on va essayer quand même. ;-)

    Trois récits parallèles narrent la vie de trois hommes : un marin américain pendant la guerre du Pacifique, un décrypteur de génie pendant la seconde guerre mondiale, et son petit-fils, informaticien à la fin des années 1990. Leurs histoires personnelles convergent lentement vers un trésor englouti dans le pacifique. Ceci est la partie émergée de l'iceberg.

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    La partie immergée, qui est le thème central du roman, c'est l'information : dans quel but on l'utilise et quel moyen on emploie pour la manier. En l'occurence, ce moyen est la cryptographie (la protection de l'information par des codes). Mais que les allergiques aux chiffres se rassurent : bien que les théories crytographiques soient expliquées dans le roman, le fait de ne pas les comprendre dans le détail ne les handicapera pas. Je le sais, puisque je n'ai rien compris aux équations mais tout à l'histoire (enfin, je crois...).

    L'uchronie intervient au niveau de l'histoire de la bataille crytographique entre les Alliés et l'Axe pendant la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement sur le déchiffrement d'Enigma, la boîte à crypter les messages des nazis. Petite divergence historique, qui n'apporte de réelles modifications de la réalité qu'au niveau de la vie des personnages principaux.

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    Les sages disent : "l'important, c'est le chemin". Cet adage s'applique à merveille à l'ouvrage de Neal Stephenson. La finalité de l'histoire n'a pas grande importance. Non, ce qui est intéressant dans ce livre, c'est comment on arrive au bout. Roman fleuve en trois volumes, il part dans des directions totalement inattendues à chaque détour de page.

    Il donne d'ailleurs lieu à quelques scènes d'anthologie : Alan Turing et sa bicyclette qui déraille, Randy Waterhouse et le partage de l'héritage sur le parking du supermarché sont autant de passages digressifs aussi réjouissants qu'inutiles.

    Cette narration à trois voix reste obscure durant un long moment. Quand je dis que les histoires des trois personnages convergent lentement, c'est qu'elles convergent vraiment lentement. On n'y comprend goutte pendant un temps certain, et le lecteur doit se laisser porter par le récit sans chercher trop vite à saisir les tenants et les aboutissants de la trame principale.

    Et pourtant, ce roman a beau nous excéder par ses circonvolutions, on y revient toujours, comme à sa dose d'héroïne - ou sa tablette de chocolat (!).

     

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    Sorti en 3 volumes, chez Payot et au Livre de Poche :

    * Le code Enigma
    * Le réseau Kinakuta
    * Golgotha

     

  • La lamentation du prépuce, de Shalom Auslander

    C'est drôle, c'est féroce, et souvent désespéré. 

    La lamentation du prépuce est le récit de Shalom, un jeune homme juif américain issu d'une communauté hyper traditionaliste, qui tente de se détacher de son éducation. Facile à dire... Cauchemardesque à réaliser.

    lamentation du prépuce.jpgAlors qu'il apprend que sa femme est enceinte, Shalom commence à gamberger sur le bien-fondé de l'ablation rituelle du prépuce dans sa religion. Circoncira, circoncira pas ? Partant de cette interrogation, Shalom nous relate son enfance au sein d'une communauté orthodoxe new yorkaise.

    Dans ce roman-récit autobiographique, on oscille sans cesse entre rires et larmes. On se sait pas tellement à quels saints (rabbins ?) se vouer, tant le quotidien d'une famille juive traditionnaliste peut sembler tenir du grand guignol tragicomique - du moins aux yeux d'un lecteur goy. Pour un hamburger enfourné en cachette, Shalom brave une bonne douzaine d'interdits religieux, dont le moindre n'est pas d'omettre la prière adaptée à chaque élément du plat ingéré... Alors que l'alcoolisme avéré et la violence de son père n'ont pas l'air de poser le moindre problème à Yahvé, ni aux rabbins de la communauté...

    Le livre souffre de longueurs et de répétitions. Il eût été plus drôle et plus pertinent de le raccourcir d'une bonne cinquantaine de pages. Mais enfin, ne boudons pas le plaisir de la découverte : j'ai appris plus en un seul roman sur la pratique quotidienne du judaïsme qu'en deux ans de civilisation hébraïque et quatre ans d'histoire des religions à la fac...

    Belfond, 2008

    genre : récit autobiographique romancé, chronique de la religion ordinaire

     

  • Vango, de Timothée de Fombelle

    Je l'attendais, l'oeil humide, la truffe aux aguets : le deuxième roman de Timothée de Fombelle. J'avais tant aimé Tobie Lolness que, bien qu'impatiente, j'avais terriblement peur d'être déçue.

    Un dimanche de 1934, devant Notre-Dame-de-Paris, quarante séminaristes s'apprêtant à recevoir l'ordination méditent, couchés sur le parvis. Alors que l'évêque s'approche pour initier la cérémonie, la police surgit. L'un des postulants se lève alors et s'enfuit par les toits de Notre-Dame, manquant de se faire tuer par un tireur embusqué.vango.JPG

    Ainsi commence la cavale de Vango Romano, un jeune homme poursuivi par un passé nébuleux -  et des assassins qui ne le sont pas moins. Le lecteur le suit dans toute l'europe, l'accompagnant dans les flashbacks qui éclairent son enfance. Vango est à la recherche de son identité, et comme lui, nous la découvrons au fur et à mesure que se déploie l'intrigue. L'histoire n'est pas finie, car le roman devrait être édité, comme Tobie Lolness, sous forme de dilogie.

    Vango tient toutes ses promesses : on retrouve le style aérien, souvent humoristique, de l'auteur, au service d'une histoire bien construite. Les protagonistes ont des personnalités originales et attachantes, et sont parfois de véritables personnages historiques. Un grand plaisir de lecture pour un roman qui se lit trop vite...

  • Les piliers de la terre, de Ken Follett

    piliers de la terre.jpgLes piliers de la terre est devenu depuis sa sortie en 1990 un classique du roman sur les cathédrales. Je l'ai enfin lu... Et n'en ai pas été déçue. Il s'agit là d'une très jolie fresque familiale et politique autour du prieuré de Kingsbridge, qui voit s'élever une cathédrale en son sein.  On est le témoin de toutes les vicissitudes d'une construction aussi ambitieuse, qui dure le temps d'une vie d'homme, et des ambitions qui se cristallisent autour de ce geste architectural à l'importance bien plus que symbolique.

    Le roman est réussi, parce qu'il nourrit de nombreux personnages aux caractères affirmés, ainsi que des développements historiques et architecturaux propres à cette période. On y voit entre autres le passage de l'art roman à l'art gothique, et les conflits politiques qui agitent le royaume d'Angleterre lors d'une grave crise de succession.

    Les multiples héros de l'histoire sont tous attachants : le prieur Philip, Tom le bâtisseur, Aliéna l'aristocrate déchue, Ellen la femme des bois et son fils Jack, l'artiste. Ken Follett s'est bien documenté, et grâce à son talent de conteur, on se passionne pour les techniques de construction et d'architecture sans avoir l'air d'y toucher. Une lecture captivante.

     

    Stock, 1990 ; Le livre de poche, multiples éditions

    Genre : roman historique