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fantasy

  • Les derniers Jedi, Star Wars VIII, de Rian Johnson

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    Chronique presque sans spoiler.

     

    Synopsis : Les héros du Réveil de la force rejoignent les figures légendaires de la galaxie dans une aventure épique qui révèle des secrets ancestraux sur la Force et entraîne de surprenantes révélations sur le passé… 

     

    Mon avis : Qu'ai-je pensé de ce 8e opus ? L'ai-je aimé ou détesté ? Pour tout t'avouer, ami lecteur, je me tâte encore.  Si j'étais sortie avec le sourire aux lèvres et des sapins de noël dans les yeux de la projection de l'épisode VII il y a deux ans, même si je savais qu'on m'avait servi une belle copie de l'épisode IV, ce ne fut pas le cas cette fois-ci. Je suis sortie... désorientée.

    Commençons, peut-être, par ce qui est, à mon sens, réussi : l'univers visuel. Certaines scènes sont à couper le souffle. La bataille finale sur la planète blanche et rouge est à tomber par terre, tant les contrastes de couleur sont marquants et somptueux. Le film vaut réellement la peine de se déplacer en salle obscure pour cette raison.

    L'évolution du personnage de Luke Skywalker, devenu misanthrope, dépressif et franchement désagréable - on dirait Ben Affleck en Batman - m'a plu. Il est humain, égoïste et adore se complaire dans l'auto-apitoiement. Bref, un vrai personnage ! Même si, effectivement, la fameuse scène du sabre-laser au début du film aurait pu trancher un peu moins avec la solennité de cette même scène à la fin du film précédent. J'avais l'impression de voir les facéties de Simon Pegg en plein milieu d'un temple bouddhiste. C'était drôle, mais déplacé. Les relations houleuses entre Rey et Luke, teintées de comédie, ont pour rôle de rappeler les scènes drôlatiques de l'initiation de Luke avec Yoda sur Dagobah, dans L'Empire contre attaque. Avec plus ou moins de bonheur, suivant les moments.

    Le lien entre Kylo Ren et Rey est totalement novateur, étranger à l'univers Star Wars. J'ai la nette impression que Rian Johnson a vu, comme moi, la série Sense8, de Lana Wachowski, tant ce lien entre les deux protagonistes ressemble à celui qui unit les sensitifs dans la série. Cette nouveauté peut déranger par son incongruité, mais elle m'a conquise, sans doute parce que je suis déjà une fan de la série Sense8 et de ses personnages extraordinaires, mais aussi parce qu'elle colle finalement plutôt bien au concept de la Force.

    Cette bonne surprise n'a pourtant pas amoindri le désappointement que j'éprouve une nouvelle fois face au personnage de Kylo Ren. Une tronche de méduse échouée (oui, bon, ok : on a dit pas le physique), un ego blessé d'adolescent en mal de reconnaissance : il m'agace. Dommage, car les relations qu'il établit avec Rey sont intéressantes, complexes et pleines de promesses.

    Passons ensuite aux déceptions que j'ai pu ressentir : la rencontre et le voyage de Finn et Rose, bien que sympathiques, semblent être totalement gratuits et sans intérêt pour l'avancement du récit. J'avais l'impression d'être devant la longue scène de 50 pages sur Tom Bombadil dans le Seigneur des anneaux de Tolkien (aïe, pas taper !). En moins ennuyeux, tout de même. Je ne parle pas de Poe, dont le personnage donne l'impression de tourner en rond. On dirait qu'il n'est là que pour rappeler au spectateur qu'un pilote de la rébellion, c'est cool.

    De même, j'ai été déçue de la conclusion de l'assommante poursuite entre les vaisseaux des Rebelles et ceux du Nouvel Ordre. Elle remet en cause toutes les précédentes scènes de bataille spatiale de l'univers Star Wars sans explication ; elle introduit un élément étranger qui est, cette fois, incohérent. Qu'il aurait été facile de détruire toutes les étoiles noires des précédents épisodes avec pareil procédé !

    Ne parlons pas de la façon dont la Force se manifeste chez Leia Organa : cela m'a immédiatement fait penser à une scène de Superman en majesté (et en vol) dans Man of Steel. C'était d'un ridicule... Dommage pour un personnage aussi royal. Car feue Carrie Fischer en impose dans son rôle du général Leia Organa à chacune de ses apparitions à l'écran, avec dignité, grandeur et... malice. Un vrai bonheur.

    Certains personnages, dont un méchant majeur, meurent ou disparaissent en un claquement de doigt, tels des pions sacrifiables sur un échiquier incompréhensible. L'identité des parents de Rey est donnée au débotté, sans la moindre révélation fracassante, alors qu'on en attendait beaucoup de ce côté. Bref, de multiples arcs narratifs auraient pu être développés et se sont terminés en queue de poisson. C'est comme si le film ne prenait pas le temps de se consacrer à des histoires, à des personnages, alors même qu'il dure 2h30 ! Cela a généré, pour moi, de multiples petites déceptions durant le visionnage. Je veux bien de l'action, mais pas au détriment de la profondeur de narration.

    Les dernier Jedi est-il une copie de l'épisode V, le très fameux et très controversé Empire contre attaque ? Par certaines scènes, oui, évidemment. Mais je ne peux pas dire que cela m'ait fondamentalement dérangée. Non, ce qui m'a gênée, je pense, est la présence de scènes et développement inutiles, la conclusion hâtive d'arcs narratifs pourtant fort prometteurs dans l'épisode précédent, et l'introduction de certains concepts totalement étrangers à l'univers Star Wars.

    Les derniers Jedi  donne l'impression de ne pas savoir ce qu'il veut : rendre hommage à l'épisode V, comme J.J. Abrams l'avait fait pour le film précédent avec l'épisode IV, ou prendre tout le monde à contre-pied pour surprendre et innover ? Il mélange allègrement les deux tendances sans obtenir une mayonnaise qui tienne.

    Ma conclusion ? Je ne suis pas entièrement déçue, ni vraiment enthousiaste. Les derniers Jedi m'a perdue et rendue... perplexe. J'attends donc de voir comment J. J. Abrams transformera l'essai dans l'épisode IX.

     

     

    Genre : space opera, space fantasy

     

    Ce billet inaugure, comme de bien entendu, le Summer Star Wars de M. Lhisbei, avec la participation de Lhisbei et Excel Vador, bénis soient-ils au delà de toutes les galaxies.

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  • Le couteau du partage, de Lois McMaster Bujold

    3733663.jpgRésumé : La jeune Faon Prébleu quitte la ferme pour trouver du travail dans la ville de Forgeverre. Sur la route, elle croise un groupe de Marcheurs du Lac, d'énigmatiques soldats sorciers qui luttent contre les êtres malfaisants. Ces Marcheurs pratiqueraient la magie noire, le cannibalisme et ne possèderaient que leurs vêtements et leurs armes, de mystérieux couteaux faits en os humains. Quand Faon est enlevée par l'un des êtres malfaisants que traque la patrouille de Dag Hickory, celui-ci vole à son secours. Un accident étrange se produit, qui lie alors leurs destins.

     

    NB : je mets ci-contre la couverture de l'édition anglo-saxonne, parce que je n'aime vraiment pas celles de l'édition française.

     

    Mon avisLe couteau du partage est une série de fantasy en 4 volumes de l'autrice de la Saga Vorkosigan (chroniquée par mes soins ici, , et même ), constitué d'Ensorcellement, Héritage, Passage et Horizon.

    Étant devenue une inconditionnelle de Miles Vorkosigan, j'ai voulu voir ce que Lois McMaster Bujold faisait quand elle n'écrivait pas de la science-fiction. Je sais que sa série de fantasy la plus connue est le Cycle de Chalion, multiprimé (Hugo, Nebula et Locus, excusez du peu !). Je le lirai certainement dans quelques temps. Le couteau du partage est moins connu, mais bon... Il faisait partie d'une OP Bragelonne.

    Les aventures de Faon Prébleu et Dag Hickory Ailes Rouges nous entrainent dans un monde plutôt rural, où la population est divisée en deux catégories : les Marcheurs du Lac, dotés d'une certaine magie, et les autres. Ces autres qu'on appellerait « moldus » dans Harry Potter, et que les Marcheurs du Lac nomment « fermiers », qu'ils soient paysans ou citadins. Deux populations qui ne se mélangent pas, ne se parlent que très peu et, qui, logiquement, se méfient beaucoup les unes des autres.

    Lorsque Faon Prébleu se fait enlever par des hommes de vase, elle entre sans le savoir - ni le vouloir - dans l'univers étranger des Marcheurs du Lac. En effet, ceux-ci ont dédié leurs vies, depuis des générations, à l'éradication de ce qu'ils appellent les êtres malfaisants, que les fermiers nomment spectres. Une mission liée à leurs pouvoirs magiques. Or, les hommes de vases sont des ersatz d'humains fabriqués par les spectres pour les servir. Dag Hickory accompli donc sa mission en profitant de l'enlèvement de la jeune paysanne pour repérer la tanière de l'être malfaisant et le tuer. Sauf que, fait exceptionnel, c'est Faon qui tue le spectre, avec le couteau du partage de Dag. Dag et Faon se retrouvent donc liés de façon tout à fait inhabituelle par la mort de l'être malfaisant, et doivent composer l'un avec l'autre. Et plus si affinité, naturellement.

    Les couteaux du partage sont à l'origine de toutes les légendes terrifiantes qui entourent les Marcheurs du Lacs chez les fermiers. Ils sont en effet fabriqués en os humain et emprisonnent dans leur essence la mort d'un autre humain. Mal comprises et parcellaires, ces informations entretiennent la réputation de cannibalisme des Marcheurs. Faon se retrouve donc en première ligne pour apprendre, à la source, ce qu'il en est exactement, et met ainsi un pied dans la culture et les traditions peu tolérantes des Marcheurs du Lac. Pour Dag, c'est l'occasion de comprendre ce qui se passe dans la tête des fermiers, et de reconnaître que leur méfiance a de solides racines.

    Les 4 tomes de la série développent donc la rencontre de ces deux mondes, qui apprennent, à travers le couple, à s'apprivoiser et à reconnaître leur complémentarité dans leurs différences. Une longue quête d'harmonie, pas toujours couronnée de succès, comme dans la vraie vie. En cela, les romans sont teintés d'un réalisme assez surprenant dans une oeuvre de fantasy, mais qui l'est moins quand on sait qui les a écrit. Le récit ne joue pas la carte sensationnelle, le rythme est posé et progressif. De la fantasy pépère, un brin. Mais de la fantasy qui donne envie de savoir la suite, parce que son propos est intelligent.

    Dans Le Couteau du partage, j'ai retrouvé une partie de ce qui me séduit chez Lois McMaster Bujold : des personnages complexes, réalistes et attachants, qui évoluent et qui cherchent à créer du lien, quelles que soient les difficultés rencontrées. Et puis, toujours chez elle, un discours sous-jacent prégnant, sans originalité peut-être (comment s'entendre quand on est différent ?), mais qui, s'il était inutile, n'apparaitrait plus depuis longtemps dans les oeuvres de fiction.

    Le couteau du partage, c'est donc une fantasy posée et travaillée sous des dehors faciles. Un peu comme du Mozart : c'est évident à écouter/lire, mais diablement difficile à réaliser soi-même. Un vrai plaisir de lecture, où on n'a pas l'impression de perdre son temps même si on est obligé de le prendre. L'oeuvre, que je pressens assez mineure dans le corpus de Lois McMaster Bujold, me donne donc diablement envie de découvrir le Cycle de Chalion.

     

     

    Genre : fantasy tranquille

     

  • Les vents du destin (La trilogie des vents, tome 1), de Mercedes Lackey

    la-trilogie-des-vents,-tome-1--les-vents-du-destin-115406-264-432.jpgRésuméElspeth, héritière du trône de Valdemar, cherche désespérément un mage capable de s’opposer aux puissances noires qui menacent les frontières de son pays. Elle se rend au coeur des Terres Extérieures, et y découvre un univers vieux de plusieurs millénaires, jadis contaminé par une catastrophe surnaturelle. Des races étranges, comme celle des Taleydras, y luttent contre des monstres assoiffés de sang et de pouvoir, avides de s’emparer de toute magie pour renforcer la leur. Entraînée dans cette guerre, Elspeth va devoir trouver sa propre voie… et découvrir la vraie nature de Besoin, l’épée magique.

     

    Mon avis : Mercedes Lackey a écrit plus de 25 tomes dans l'univers fantasy des Hérauts de Valdemar. Autant dire qu'à ce stade, ça ressemble à l'abattage. La trilogie des Vents, dont voici le premier tome, se situe presque à la fin du cycle des Hérauts de Valdemar.

    J'avais déjà  lu (et pas chroniqué... pas bieeeeeen) au moins une trilogie dans ce cycle. C'était une fantasy légère et sans prise de tête. Comme j'avais besoin de la même chose il y a quelques temps, j'ai remis le couvert avec ce tome 1 issu d'une OP Bragelonne.

    N'ayant pas lu le cycle dans l'ordre, j'ai dû laisser de côté quelques références que je ne comprenais pas. Ceci passé, le récit à deux voix, celle d'Elspeth d'une part et celle de Ventnoir le Taleydras d'autre part, m'a emmené à la fin de l'histoire sans encombre. 

    Sans encombre, mais pas sans ennui. Car, hélas, les nombreux et interminables atermoiements d'Elspeth, et parfois de Ventnoir, gâchent le plaisir. Pour mener un personnage vers d'un point A à un point B, les 380 pages du livre ne nous épargnent aucune hésitation, si infime fut-elle, dans le cheminement intérieur des personnages. C'est bien dommage, puisque par ailleurs le croisement des destins des deux protagonistes est plutôt bien préparé et leur *alerte spoiler* rencontre finale, crédible et sans un effet de manche qui gâcherait la suspension d'incrédulité.

    Le récit permet de découvrir graduellement un univers un peu plus complexe et intéressant qu'il n'y paraît au premier abord, et tente d'expliciter les diverses voies empruntées par la magie et les magiciens. Rien de révolutionnaire là dedans, on est loin de certains systèmes de magie impeccablement construits, du genre hard-fantasy comme celui de Brandon Sanderson dans Fils-des-Brumes.

    L'exposition de l'histoire fondatrice du monde de Valdemar et des mythes qui en découlent, le temps passant, ainsi que le développement complexe et relativement varié des diverses peuplades, permettent de maintenir l'attention du lecteur. L'écriture est fluide et les personnages assez vite attachants (même les griffons !).

    On peut, si on n'a rien d'autre à se mettre sous la dent, ou si on est fatigué, passer le temps avec ce roman sans avoir l'impression de se cogner le crâne contre les murs. Ce qui est déjà très bien.

     

    Edition : Milady, 2012

    Genre : fantasy, héroïc fantasy

  • Justine Niogret, une entrevue

    Cette interview aurait dû être enregistrée en audio, dans le feu de l'action, juste après la conférence « Wonder Woman » le dimanche 11 novembre 2012 aux Utopiales. Mais j'ai papoté avec Nancy Kress, et j'ai perdu Justine Niogret de vue. Ça m'apprendra. L'interview s'est donc faite par mail.

    Pourquoi Justine Niogret, et pas un(e) autre auteur(e) ? Parce que personne ne sautille sur place en poussant des cris supersoniques* comme elle. Voilà pourquoi.


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    photo de Justine Niogret par Justine Niogret (!)

    Comme une interview écrite est beaucoup moins spontanée, elle se doit aussi d'être plus documentée. Ça passe mieux qu'une ignorance crasse. J'ai donc entre temps pris soin de commencer (enfin !) Mordre le bouclier, son deuxième roman, pour lequel Justine Niogret vient d'obtenir le prix Utopiales européen. J'avais déjà lu et chroniqué Chien du Heaume l'année dernière. Je n'ai pas fini Mordre le bouclier, mais je peux d'ores et déjà dire que je m'accroche à Chien et Bréhyr comme une sangsue déshydratée.

     

    1) [Justine] tu n'écris pas de la science-fiction, Sara Doke l'a dit lors de l'introduction à la conférence Wonder Woman, écoutable et téléchargeable ici. Pas pour l'instant, en tout cas. J'irais même jusqu'à dire que ni Chien du heaume ni Mordre le bouclier n'entrent dans la case littérature de l'imaginaire, puisque rien ne les y rattache réellement, dans le fond (évidemment, cela n'engage que moi). Et pourtant, tu as reçu pour chacun de ces romans des prix récompensant les littératures de l'imaginaire. L'application d'étiquettes tend vite à la stupidité, mais diverger à ce point... Il faut admettre que c'est troublant. Qu'en penses-tu ? Tu as une explication? Ou tu t'en fous ?

    Question compliquée. Déjà, je ne suis pas championne pour parler des étiquettes. Ce que je pense, déjà, c'est que Mnémos est une maison fantasy, et que rien que ça, ça vous cale un roman. Je pense, moi, que chien et mordre sont plus proches de l'histo qu'autre chose. Les moments fantastiques de ces deux romans, j'ai tenté de les rendre historiques autant que faire se peut, de parler de la vision magique des gens de cette époque, avec les forêt en lieux déserts et secrets, les peurs dans la nuit sans lumière, les prédestinations, les tours du destin. C'est là que, pour moi, ce sont deux livres historiques, ou historiques romancés. Beaucoup de lecteurs me disent la même chose, d'autres me parlent de fantasy claire et nette malgré tout. Du coup je ne sais pas. Je pense qu'un livre appartient aussi à ses lecteurs, je ne veux pas trancher à leur place. Bref, je te ferais une réponse molle ; pour certains c'est de la fantasy, pour d'autres de l'histo. Pour d'autres encore, un univers secondaire. Du coup, va savoir.

     

    2) Je lis donc Mordre le bouclier, j'en suis au chapitre 5 [10, maintenant]. Chien est partie sur les routes avec Bréhyr et son pouce en métal ; elle vient de - spoiler !! - Ce qui me frappe, c'est l'impression persistante que Bréhyr et Chien sont en réalité une seule et même personne, et que chacune d'elle incarne une part d'un tout. Ce tout forme une personnalité complexe, ignorance et connaissance, activité et passivité, entreprise et dépression, et lutte, toujours la lutte, sans espoir. Est-ce ainsi que tu les as conçues ?

    Hou, question difficile. Je ne conçois pas mes persos. Je les laisse venir comme ils veulent, et je tente d'être aussi honnête que je peux en retranscrivant ce qu'ils veulent que je raconte. C'est King qui en parle super bien dans la tour sombre ; son perso sculpteur, il trouve un bout de bois, et dedans il sait qu'il y a une clef. Et il tente de la sortir de là, du mieux qu'il peut, avec son petit couteau et ses trouilles personnelles. Pour moi, écrire un personnage c'est très semblable ; on tente, on fait du mieux qu'on peut. Je sais qu'on a tous des ressentis différents quant au travail d'écriture ; dans mon cas je suis incapable de poser le perso sur papier et de dire « alors là il est plutôt comme ça, et puis dans cette situation et bien il réagira comme ceci. » je fais connaissance avec eux au fil de l'écriture, tant que le livre n'est pas fini ils font ce qu'ils veulent, un peu, ce sont des sales gosses. Après, avec le recul, en général j'ai une opinion d'eux et je peux en parler ; alors oui, disons que pour moi, et chacun pense comme il veut, mais pour moi Bréhyr et Chien sont deux faces d'une même pièce. La lutte sans espoir, c'est compliqué à dire. La lutte, oui. Et l'espoir, je pense qu'il faut fouiller. Mais on en trouve. Parfois, et pas tous les jours. Aussi.

     

    3) Le langage que tu emploies, qui est à mon sens la part la plus marquante de Chien du heaume et de Mordre le bouclier, est à la fois suranné et moderne. J'avoue être à chaque fois bluffée – ou comment transformer un élargissement de route en pur moment de poésie (p.35 dans Mordre…). Où vas-tu chercher cette écriture ? As-tu une ou des source(s) d'inspiration pour la créer ?

    Déjà, c'est gentil pour mon écriture. Mais je pense que tu avais peut-être mangé une pizza périmée ou que sais-je, et tu t'emportes, c'est aussi tout à fait possible. C'est aussi pour ça que je voulais faire un roman qui n'avait rien à voir avec chien et mordre ; pour mieux connaître mon écriture, entre ce qui tenait à l'univers médiéval et à ma propre façon d'écrire. Du coup je peux à peu près dire que dans chien et mordre les images ou la façon de les décrire tiennent beaucoup à la vision disons, en gros, celtisante et scandinave et que ça correspond à la couleur du livre. Dans Gueule de Truie le monde est vide, brutal, l'écriture se colle à ça, avec des phrases beaucoup plus directes, moins melliflues, tiens pour me la péter et faire voir que je connais des mots compliqués. Et quand, dans gueule, il y a de la poésie pour reprendre ton mot, elle est froide. Du moins, il me semble. De la poésie de pluie. En fait quand j'écris je me calque sur la vision du monde qu'ont les personnages, et ça fait partie de la découverte des premiers chapitres quand je me met au travail, il y a un ajustement qui se crée, une... ben, je l'ai déjà dit ; on se découvre les uns les autres.

    Mes sources, ce sont des choses qui me nourrissent depuis longtemps, les textes anciens, les images, certains films, des façons de voir qui me touchent. Je garde tout dans une poche secrète et après je fais des petits gâteaux en forme de livres. Après c'est dur de t'en dire plus, en tous cas je n'ai jamais lu un livre pour me dire « tiens, je veux écrire comme ça. »

     

    4) Durant la conférence Wonder woman, tu as évoqué poneys magiques et morues galactiques, dévoilant à nouveau ton sens de l'humour trash (et pas toujours consensuel), celui qu'on retrouve dans tes glossaires en fin de roman. Y en aura-t-il une trace dans ton prochain roman ? Par ailleurs, tu as fait l'erreur (grave) de me dire que tu avais dans un coin de tes archives personnelles un roman humoristique, mais que tu n'étais vraiment pas certaine de vouloir le faire sortir au grand jour. Et si on faisait une pétition pour t'obliger à le présenter à un éditeur ? :P

    Vu que le prochain roman sera Gueule de Truie, non, j'ose dire qu'il ne sera pas drôle. Sinon, j'ai effectivement un premier roman tout à fait cocasse si l'on aime l'humour potache et sot, et il a donc été signé chez un éditeur dont je tairai le nom, Critic ; je suis en plein remaniement de la bestiole et je pense avoir fini le manuscrit l'été prochain. Il y aura déjà une histoire de moustache géante et de sorbets au poulpe.


    5) Gueule de truie, qui sortira en février 2013 chez Citric, est ton prochain roman. Rien qu'à la couverture (que j'aime beaucoup, soit dit en passant), on comprend que c'est une oeuvre post-apocalyptique. Tu peux en dire plus ? Plutôt Malevil de Robert Merle, ou Minority report** de Philip K. Dick (aucun des deux est une option possible) ?

    J'aurais bien du mal à trancher, puisque depuis que j'écris, je n'arrive plus à lire. Du coup, je n'ai lu ni l'un ni l'autre, et les romans s'entassent, sans presque aucun espoir que je les lise un jour.

    Gueule de truie. En parler. Bon ; Dieu a crié et le monde est mort. Il reste quoi ? Quelques survivants, à peine. Les Pères de l'église. Leurs inquisiteurs, comme Gueule de truie. Les inquisiteurs chassent les survivants. Parce que si Dieu a décidé que le monde était mort alors tout le monde doit obéir, sinon ça n'a pas de sens. Et un jour, Gueule de truie rencontre une fille. Et il n'arrive pas à la tuer. L'histoire commence comme ça. C'est un post-apo, donc. Si on me demande mon avis, c'est surtout un roman sur les gens, le silence, la perte. C'est un roman d'amour. Le vrai, caché tout au fond des tripes. Pas celui qu'on vend dans les publicités. Ce n'est pas un jugement. Ce n'est que mon avis. Mais je le partage.  



    * voir la deuxième vidéo de la page, à 56mn.

    ** question débile, je m'en rends compte après coup, car Minority Report n'est pas du post apo. Pardon, lecteur.

  • La pile à bloguer : procrastination, quand tu nous tiens

    pile de livresJ'ai inventé (ou peut-être pas) la PAB, la pile à bloguer : tout ce que j'ai lu, qui entre dans ma ligne éditoriale*, et que je n'ai toujours pas honoré de ma prose. Oui, honoré. Non mais.

    Ma PAB a développé un volume indécent depuis quatre mois. Même les encouragements du Summer StarWars VI n'ont pas réussi à la faire maigrir significativement.

    Mais il serait terriblement erroné de croire que je ne lis rien. C'est juste que je ne blogue presque pas, sauf en cas d'insomnie. Alors j'ai décidé de vous lister les livres lus depuis le printemps dernier.

    Si vous souhaitez connaître mon avis/opinion/analyse sur l'un des titres, n'hésitez pas à me le faire savoir en commentaire. J'y répondrai de mon mieux. Et, qui sait, peut-être une chronique sortira-t-elle bientôt de mon chapeau...

    J'ai donc lu...


    De la fantasy qui dépote :

     

    Du fantastique mâtiné de thriller :

     

    De l'anticipation, et de la bonne, bien que les deux titres Young Adult de chez Castlemore ne le laissent a priori pas croire :

     

    Du space opera, du vrai, du beau, du dur de dur, qui aurait dû avoir sa place dans l'épisode VI du SSW :

     

    Quand je vous dis que j'ai du retard dans mes chroniques...


    *Je dis "qui entre dans ma ligne éditoriale", car ce n'est pas le cas de Pipiou dans son oeuf, une jolie oeuvre que j'ai lue et relue presque tous les soirs ces deux derniers mois... Mais elle ne fait définitivement pas partie de ma ligne. Sinon, j'aurais ouvert un blog de littérature jeunesse - Dieu m'en préserve !!

  • Le seigneur de l'arc d'argent (Troie, tome 1) de David Gemmell

    Voilà ce que j'appelle une bonne surprise. Troie, de David Gemmell, est un roman uchronique qui relate des évènements se déroulant dans le monde méditerranéen grec ancien. Rien de très surprenant là dedans, me direz-vous, étant donné le titre.

    Sauf que ma précédente expérience Gemmellienne s'était soldée par une déception. J'avais lu l'histoire d'Alexandre revue et corrigée par le même auteur, Le lion de Macédoine. Histoire qui m'a été, au mieux, indifférente, au pire, insupportable, avec des ficelles grosses comme des câbles de navire et une indigence tant au niveau des dialogues que des personnages - ou de l'intrigue.

     

     

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    Bref, je commençai Troie à reculons. Mais au fur et à mesure que se déroulait l'histoire d'Hélicon, le héros, je prenais plaisir à la lecture. J'ai lu le premier tome, pour un cycle qui en compte trois.

    Hélicon est prince de Dardanie, marchand sillonnant la méditerranée, ami d'Ulysse, épris de justice et traumatisé par une enfance difficile. Il est ami avec Hector de Troie, un des grands noms de son époque. Troie raconte, en tout cas ce premier opus, comment le chemin d'Hélicon croise celui d'Andromaque, prêtresse promise à Hector, et d'Argurios, un guerrier mycénien de légende, fidèle à Agamemnon, grand ennemi d'Hélicon. Bien évidemment, Hélicon tombe amoureux d'Andromaque, qui doit épouser son meilleur ami (la ficelle est un peu grosse, mais enfin...). Ils se retrouvent à Troie, la ville qui attire les convoitises politiques et économiques de tous ses voisins, grecs comme perses, et dont les dissenssions internes menacent l'avenir. Il faut dire que le roi Priam n'a rien d'un enfant de choeur, et que le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas très aimé.

    Grâce à ce premier tome, nous découvrons donc progressivement la grande fresque de l'histoire de Troie, revue et corrigée par David Gemmell. Bien que ce roman utilise toutes les ficelles classiques du genre romanesque, on prend un certain plaisir à le lire. Rien de nouveau, ni de particulièrement décoiffant, mais les personnages sont bien campés. Il faut dire qu'ils ne ressemblent en rien à ce que l'Iliade et l'Odyssée nous en disaient. Le personnage d'Ulysse y est particulièrement savoureux. Un bon roman de détente.

     


    Genre : uchronie, historique

    Cycle Troie :

    1. Le Seigneur de l’arc d’argent, éd. Bragelonne, 2008
    2. Le Bouclier du tonnerre, éd. Bragelonne, 2008
    3. La Chute des rois, éd. Bragelonne, 2009

     

  • Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski

    Cet auteur presque inconnu au nom imprononçable, et que les amateurs de musique classique confondront peut-être (à tort, l'un a une barbe, l'autre pas - entre autres différence fondamentale), avec le contre-ténor Philippe Jaroussky, m'a fait l'effet d'une révélation.

    Tout du moins, son roman Gagner la guerre. Je n'avais encore jamais lu un roman de l'imaginaire dont la forme flatte ainsi mon égo de lectrice. gagner la guerre.jpgEt pourtant, j'aime les oeuvres de Pierre Bordage et René Barjavel pour la qualité de leur écriture. Mais là... J'ai relu plusieurs fois les premiers paragraphes du livre, en me frottant les yeux, pour être sûre que je ne rêvais pas.

    Dans un style qui mélange allègrement la distinction de la langue classique et un argot des plus imagés, Jean-Philippe Jaworski nous narre les aventures de Benvenuto Gesufal, employé de son Altesse le Podestat Leonide Ducatore. Don Benvenuto est un personnage plutôt haïssable, auquel nul ne peut se fier, pas même le lecteur (!). Embarqué par son patron dans une guerre de la République de Ciudalia contre un ennemi séculaire, il y donne la pleine mesure de ses nombreux et discutables talents : assassinat, espionnage, traîtrise... On en passe et des meilleures.

    La grande originalité de ce roman tient au fait que, bien qu'indéniablement membre du très grand club des oeuvres de fantasy, il n'en a quasiment aucune caractéristique. On y évoque bien de temps à autre la magie, mais elle reste un élément mystérieux et peu abordé. Le reste du temps, on assiste à une reprise des plus réussies de l'histoire de Venise, avec ses batailles navales, ses luttes politiques intestines et, planant derrière tout le récit, l'ombre de Machiavel. Et puis, il y a cette magnifique langue qui porte l'histoire de bout en bout : riche, électique, aussi élégante que surprenante.

    Sept cents pages et un kilogramme de papier plus tard, on en ressort lessivé, mais heureux. Et on n'a qu'une envie : recommencer, tant on a pris plaisir à lire.


    Les Moutons Electriques, 2009.

    Genre : fantasy, aventures maritimes