Bon, tout le monde parle de Dune, cette semaine, je ne suis donc guère originale. Mais je me devais de participer in extremis au Summer StarWars cru 2021, ne serait-ce que pour ne pas faire moins que son instigateur, M. Lhisbei (gloire à lui, à Lhisbei et à Excel Vador).
Dune de Denis Villeneuve, donc. L'histoire est compliquée, mais on va essayer de faire simple : le duc Leto Atreides est mandaté par l'empereur Padishah pour reprendre la gestion de la planète Arrakis, surnommée Dune. Arrakis étant la seule planète sur laquelle on trouve l'épice de prescience qui permet la navigation spatiale, Leto est potentiellement un homme très riche. En réalité, l'empereur est jaloux de la popularité de Leto et lui tend un piège, en collaboration avec les Harkonnen, une famille rivale moche, méchante et redoutable. Leto, lui, est beau et honorable. Il a aussi une compagne, Jessica, et un fils Paul. Ce dernier possède des capacités psychiques particulières, capacités qui se déploient de façon exponentielle à son arrivée sur Arrakis, en raison de la proximité permanente de l'épice. Le récit est raconté du point de vue de Paul.
Dune est un film qui se veut grandiose, par ses images, son montage, ses cadrages... Il y réussit, au moins en partie. Il appuie malheureusement son propos par trop de ralentis et de très gros plans, le rendant certes majestueux, mais aussi pesant. C'est comme si Villeneuve voulait nous convaincre à coup de marteau qu'il nous propose un grand film. Je n'ai certes pas besoin de tant d'encouragements, pour ma part : ses plans larges comme ses gros plans sont magnifiques, avec des cadrages décalés originaux et vivants. Les effets spéciaux sur les vaisseaux sont impressionnants. Bref, pas besoin d'en rajouter !
La distribution des rôles est plutôt réussie, bien que Villeneuve n'ait pas fait preuve d'une grande originalité. Les acteurs que j'ai préférés dans leurs rôles respectifs sont Stellan Skarsgard en Baron Harkonnen (il a vraiment un don pour les personnages inquiétants), Rebecca Ferguson en Jessica (sous exploitée à mon sens, mais la force de Jessica transparaît très bien chez l'actrice), Oscar Isaacs en Leto Atreides (parfait), Timothée Chalamet en Paul (un peu fragile peut-être, mais assez intense pour être convaincant), Javier Bardem en Stilgar (pour le coup, c'est franchement réussi) et, last but not least, Jason Momoa en Duncan Idaho (c'est comme si Herbert lui-même avait écrit le personnage pour Momoa, et pourtant je n'ai habituellement pas une très haute estime du talent de cet acteur, malgré son physique avantageux).
J'ai moins goûté la présence de Dave Bautista (que j'ai sans doute trop vu dans des superproductions ces dernières années), mais il faut bien avouer qu'il fait l'affaire dans le rôle de Rabban. Si Josh Brolin a la gueule de l'emploi pour jouer Gurney Halleck, sa prestation lors des épisodes de citations poétiques m'a paru totalement à côté de la plaque. Dommage, car il faut avouer que c'est l'un des aspects les plus intéressants du personnage du roman. Zendaya en Chani ne procure absolument aucune émotion. Cette fille fait très bien la gueule, je peux au moins lui accorder cela.
Dans l'ensemble, cette distribution plutôt talentueuse me pose un problème : ces têtes archi-connues nous distraient de l'histoire, de l'univers. Sans doute ai-je été influencée par des sagas à succès comme Star Wars ou Game of Thrones, dans lesquelles le cast est initialement composé d'acteurs peu connus, ce qui permet de s'attacher au récit et aux personnages, sans attendre quoique ce soit de tel ou tel acteur.
Ce choix de tête d'affiches se comprend : c'est une assez bonne garantie d'attirer le public cible en salle (les 30-55 ans), alors qu'il est soumis à tant d'impératifs en cette rentrée 2021 (le pass sanitaire, la rentrée des classes pour les parents, la reprise des activités professionnelles et personnelles, etc.). Néanmoins, avec cette distribution à la mode, le risque demeure que cette oeuvre vieillisse aussi mal que celle de Lynch... L'avenir le dira.
J'ai été frappée par la désaturation des couleurs, constante au long du film, que les scènes se déroulent sur Caladan ou sur Arrakis. Le bleu et le vert de Caladan sont bleu-gris et vert-gris, le jaune et le noir sur Arrakis sont jaune-gris et noir-gris. J'aurais imaginé quelque chose de plus chatoyant, au moins pour ce qui concerne Caladan. L'ensemble forme un bloc visuel très minéral, un choix esthétique que j'apprécie que peu, bien qu'il fasse sens.
Cette minéralité se retrouve dans la bande-son, électrique, basse et très rythmée. J'ai eu l'impression tenace d'écouter des morceaux déjà entendus avant dans ma vie. C'est comme si cette musique était... obsolète ! Étrange sensation. Pas désagréable, mais étrange. Je crains qu'elle ne vieillisse très mal, mais une fois de plus, l'avenir nous le dira.
Le style vestimentaire des personnages, distilles, tenues de cérémonie et autres armures de combat, m'a furieusement rappelé le style dans "La caste des Méta-Barons" de Gimenez et.. Jodorowsky ! Coïncidence ? D'autres, plus informés, pourront sans doute répondre plus avant à cette question.
Le film propose tout de même quelques épisodes vestimentaires étonnants, voire anachroniques, du style "écrivain bohème et maudit du 19e siècle", entre Chateaubriand et Beaudelaire, pour Timothée Chalamet en Paul Atréides. Il faut dire qu'il a le physique de l'emploi !
L'adaptation du récit est assez fidèle au roman, bien que certaines informations, délivrées bien plus tard dans le roman d'Herbert, soient là exposées assez tôt. Villeneuve a également choisi de sauter des passages entiers, comme le repas avec les notables locaux et toute la partie où le duc Leto fait croire à Jessica elle-même qu'il est fâché contre elle. Cela ne dessert pas le film, qui resserre ainsi le récit sur Paul et sa mère, et leur adaptation aux périls politiques, environnementaux et sociaux d'Arrakis.
Villeneuve a su, de façon tout à faite étonnante, mélanger dans les mêmes séquences des moments de tension et de danger avec des scènes d'intimité, comme les visions de Paul, rendant ainsi les secondes plus dramatiques et les premières moins écrasantes.
Pour être honnête, je n'ai pas vu passer les deux heures et demie du film, et j'ai été très heureuse de pouvoir le voir en salle, puisqu'il a été fabriqué pour cela.
Les choix artistiques de Denis Villeneuve, bien qu'ils ne me convainquent ou ne me plaisent pas tous, sont respectables et j'apprécie son engagement dans une vision très personnelle de l'adaptation du roman d'Herbert. La qualité de réalisation est bien là, ainsi que la direction d'acteurs. Si je n'apprécie pas la distribution trop racoleuse, j'admets qu'elle est certainement un mal nécessaire pour que cette vision puisse avoir une suite et une fin. Je reverrai ce film avec plaisir. Longue vie à Dune !