La série Honor Harrington est inconnue du grand public et très connue des amateurs de space opera. Dans un cas comme dans l'autre, c'est normal : les amateurs s'y retrouvent, car toutes les règles du genre y sont respectées, utilisées et remaniées avec une belle dose de virtuosité. Les autres ignorent jusqu'à son existence, parce que le space opera n'est pas en odeur de sainteté dans les milieux littéraires.
Je viens de lire en peu de temps La disparue de l'enfer et Les cendres de la victoire, soit les tomes 8 et 9 de la série. Autant vous dire que j'étais motivée, car David Weber est coutumier des pavés emplis de descriptions techniques et d'analyses géopolitiques. Mais lorsqu'il s'agit de la femme au chat, je suis toujours motivée.
Une contrariété fugace mais réelle a quelque peu gâché cette lecture : en effet, j'ai dû lire le tome 9 à la suite immédiate du tome 8. C'est fort dommage... et inhabituel dans cette série, qui s'honore (hi ! hi !) d'une relative indépendance d'un tome à l'autre. Bien qu'il soit énergiquement recommandé de les lire dans l'ordre, on peut habituellement attendre sans impatience le tome suivant.
Bref, là, ce n'est pas le cas, et c'est pourquoi mon post concerne les deux tomes à la fois. Mais je ne spoilerai pas, rassurez-vous ; je ne suis pas Odieux Connard.
Pour comprendre le début, il faut savoir que Honor a été capturée par l'ennemi dans le tome précédent, intitulé fort à propos Aux mains de l'ennemi. La disparue de l'enfer s'ouvre sur un prologue d'une grande intensité dramatique, où les proches d'Honor découvrent son exécution en direct à la télévision - enfin, en direct ne signifie pas en simultané : nous parlons d'un univers s'étendant sur plusieurs millions d'années-lumière, et la transmission des informations y est tout de même assez lente. Bref, Honor meurt pendue sous les yeux effarés de ses parents, son majordome, sa femme de chambre, sa reine et son amiral (en gros). Une très belle scène.
Sauf que tout le monde se doute, à l'exception notable des personnages suscités, que cette exécution a quelque chose de louche (et c'est un euphémisme), vu que sinon, il n'y aurait pas autant de pages après...
Une très longue introduction politique plus tard, nous finissons donc par découvrir - ô surprise ! - Honor (amputée du bras gauche et à moitié aveugle), Nimitz (son chat à 6 pattes empathe et boiteux) et leurs petits camarades en train de s'amuser en Enfer. Oui, oui, en Enfer : la planète-prison officiellement baptisée Hadès, qui appartient au Service de Sécurité de la République Populaire du Havre, soit l'ennemi mortel du Royaume de Manticore au service duquel Honor travaille depuis sa prime jeunesse (une bonne trentaine d'années, quand même). Si vous avez lu le tome précédent, vous savez pourquoi et comment ils se sont retrouvé dans cette situation. Si non, allez vite lire le tome précédent. Et au trot !
A partir de là, nous suivons donc simultanément les efforts d'Honor et de ses subordonnés pour sortir de l'Enfer - non seulement à peu près indemnes, mais si possible avec les honneurs -, ceux du Royaume stellaire pour maintenir ses positions en dépit des pressions anti-militaristes internes et enfin, ceux de la République du Havre pour tenter de mettre fin rapidement, et victorieusement de préférence, à cette guerre. Ces opérations sont politiquement et militairement extrêmement complexes, et l'auteur nous le fait savoir. Ca prend du temps, de faire tout ça, et on a tous les détails.
Dans les quelques mille cinq cents pages que constituent ces deux tomes (soit 4 volumes), ces trois projets sont donc menés à leur terme avec plus ou moins de bonheur. Non, je ne dirai pas pour qui ça finit mal. Disons qu'il y en a un ou deux qui se font empapaouter.
Ce qui est intéressant dans l'univers de Weber, c'est que autant les personnages militaires sont plutôt manichéens (le Bien, le Mal, l'Honneur, les Militaires Sont Bons et les Civils Sont Nuls), autant la sphère politique est décrite avec un réalisme tendant au cynisme. Le contraste est assez rafraichissant.
Honor Harrington, assise entre les deux chaises, apprend et mûrit au contact des nécessités politiques plus encore qu'en situation de combat. Elle gagne en influence ce qu'elle perd en candeur, et même si sa fraîcheur faisait tout son charme dans les premiers tomes, on accepte sa défloration politique sans trop de tristesse.
Il faut dire qu'elle reste une héroïne de guerre définitivement admirable... Et modeste, avec ça. Si. Et j'y crois dur comme fer. Non mais.
Bref, ces deux tomes d'Honor Harrington m'ont prodigué un grand plaisir de lecture, et exposent comme toujours un univers qui m'impressionne par sa cohérence absolue. Chapeau bas à Monsieur Weber, qui doit passer ses jours et ses nuits à l'élaborer.
Genre : space opera, militaire
La disparue de l'enfer (en deux volumes), L'Atalante, 2005
Les cendres de la victoire (en deux volumes) , L'Atalante, 2007