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Imaginaire - Page 13

  • Flashback, de Dan Simmons

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    Flasback est le dernier roman traduit en français de Dan Simmons. Hypérion est son roman le plus connu, un véritable chef d'oeuvre de la littérature de science-fiction, qui a reçu, entres autres, le prix Hugo en 1990... Un chef-d'oeuvre que j'ai détesté de bout en bout. Je partais donc d'un très mauvais pied avec Dan Simmons, mais je voulais lui laisser une deuxième chance.

    Il faut dire que l'histoire de Flashback est très, très loin de celle d'Hypérion (pour ceux qui ne connaissent pas, allez donc faire un tour par ici). Nous sommes là sur une anticipation proche (20 ans), dans une Amérique du Nord qui ne tourne plus rond : les Etats-unis ont presque disparu, éclatés en plusieurs territoires indépendants, et le reste est soumis à la loi économique et financière de grands groupes japonais. Le Japon a gardé son agressivité économique tout en revenant sur le plan politique à l'époque féodale. Les nouveaux shôgun sont des chefs d'entreprise richissimes, qui tiennent lieu de gouverneur sur leurs territoires. La Chine, implosée en clans comme à l'époque pré impériale, fait les frais de l'agressivité nippone. Ailleurs, l'émergence d'un Califat Global, dont le fanatisme religieux a contaminé une bonne partie du monde ocidental, a fait disparaître les forces politiques européennes.

    Au milieu de ce marasme social, politique et économique, Nick Bottom est un ancien policier, licencié de la police de Denver pour cause de toxicomanie. Nick a perdu sa femme Dara dans un accident 6 ans plus tôt, alors qu'il enquêtait sur la mort d'un jeune japonais, Keigo Nakamura. Comme la majorité de ses concitoyens, Nick est alors devenu accro au Flashback, une drogue qui permet de revivre ses souvenirs, si possible les meilleurs. Végétant désormais des aides publiques dans un appartement-cellule, il vit dans le passé, oublieux de son fils laissé à la garde de son beau-père de l'autre côté du pays.

    Mais le père de Keigo Nakamura, Hiroshi Nakamura, fait appel à lui pour enquêter à nouveau sur la mort de son fils. Nakamura est une pointure économique et politique, multimilliardaire et conseiller pour la reconstruction des Etats-Unis. Il met donc à la disposition de Nick de gros moyens pour reprendre l'enquête, assortissant ceux-ci de menaces non voilées sur sa personne en cas de défection.

    Avec les pérégrinations plus ou moins contrôlées de Nick, le lecteur découvre les coins et recoins sombres de cette amérique morcelée, les dégâts causés par le flashback dans une société qui implose, muselée par l'absence d'une vision d'avenir, ainsi que sa dépendance vis-à-vis des aides extérieures - japonaises de préférence. La violence et l'insécurité y sont omniprésentes, et des rumeurs courent : le flashback aurait été inventé dans un laboratoire israélien, avant qu'Israël ne soit rayé de la carte par une attaque nucléaire.

    Etant donné que je ne spoile pas, je n'irai pas plus loin dans le déroulé de l'histoire. Mais l'internaute apprendra avec profit que l'une des caractéristiques les plus marquantes de ce récit tient à la vision politique de l'auteur.

    Comme a dit Gromovar, un blogueur qui bénéficie de tout mon respect :

    "C'est quand même la preuve de l'existence d'une idéologie dominante au point d'en être totalisante que de constater l'impossibilité qu'a quiconque de parler de Flashback sans s'interroger longuement sur les positions politiques de Dan Simmons."

    (Source : le forum de planète SF, )

    Car en effet, Dan Simmons est un conservateur de la plus belle eau, de ceux qu'on voit dans les reportages français, qui refusent de tuer les p'tits nenfants dans le ventre de leur mère - au risque de pourrir la vie de ladite mère -, prônent l'abstinence comme méthode d'éducation sexuelle et pour qui tout homme un peu trop bronzé, musulman de préférence, incarne le Mal. Enfin, là, j'extrapole, mais disons que la vision conservatrice de Dan Simmons imprègne toute son oeuvre, et que Flashback ne fait pas exception.

    Pour résumer son propos, si les Etats-Unis se retrouvent dans cette impasse, c'est de la faute de Barack Obama et des aides sociales. Aussi un peu de la faute de ces imbéciles de communistes européens qui ont laissé les musulmans imposer leurs lois dans leurs sociétés. Bref, une vision des choses qui, de l'autre côté de l'Atlantique, dans notre beau pays de France par exemple, a comme des relents nauséabonds.

    Sachant que je ne suis pas plus intelligente que la moyenne et que l'idéologie dominante évoquée par Gromovar m'a atteint comme les autres, j'avoue avoir eu peur, en cours de lecture, de devoir laisser choir le roman comme une chaussette... nauséabonde, justement. Mais en réalité, il n'en fut rien ; j'ai savouré ce roman chapitre par chapitre, admiré la maestra de l'auteur pour mener ce thriller de bout en bout, avec un contexte neuf sur une trame classique. J'ai adoré son inventivité, tous les détails crus du quotidien d'une société privée d'avenir, le décorticage des motivations de chacun dans un monde en miettes. J'ai été fascinée par cette Amérique en perdition, qui, de manipulatrice, est devenue manipulée, tombée dans la dépendance financière et l'addiction à la drogue. Le petit plaisir sadique d'une française revancharde ? Peut-être. Il s'agit surtout d'une admiration non dissimulée pour cet auteur qui a su montrer de façon plus que réaliste la chute sans gloire des puissances occidentales face aux pays dit encore aujourd'hui "émergents".

    Voilà, pour moi, Flashback est un très bon roman ; pour l'instant, c'est même le meilleur que j'ai lu cette année.

    Robert Laffont, collection Ailleurs & Demain, 2012.

    Genre : anticipation, thriller

    Lu aussi par : Gromovar, Guillaume le Traqueur, Xapur, Anudar, Lorhkan, Calenwenn, Cachou

     

  • Ray Bradbury, ou le sens de la formule

    Je ne raffole pas des citations, sauf lorsqu'elles parlent des littératures de l'imaginaire en général (voir ma citation fétiche là à droite =>) ou de la science-fiction en particulier.

    Et quand c'est Ray Bradbury, le désormais défunt génie de la SF, auteur entre autres des Chroniques martiennes, qui s'y colle, on s'incline. Voici donc ma citation préférée du monsieur :

     

    «Tout ce qu'on rêve est fiction et tout ce qu'on accomplit est science, toute l'histoire de l'humanité n'est rien d'autre que de la science-fiction.»


    On retrouvera avec intérêt neuf autres citations intéressantes de ce grand monsieur ici.

  • C'est parti pour tout l'été !

    A partir de demain débute mon rendez-vous de prédilection, le Summer StarWars de M. Lhisbei. Il s'agit de l'épisode VI, puisqu'il a lieu pour la troisième année consécutive (ceux qui n'ont pas compris cette dernière phrase ont besoin d'une petite remise à niveau en culture SF. Voir plus bas).

    Ce challenge propose aux blogueurs intéressés de poster des billets durant tout l'été, du 21 juin au 21 septembre, sur la littérature de space opera et de planet opera. Cette année, il s'ouvre aux séries télé et au cinéma.

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    Je suis heureuse d'y participer pour la deuxième fois, car j'aime énormément le space opera, et bien marrie que ce ne soit pas la troisième (car à la première édition, j'aurais eu tout le temps du monde pour poster plein de billets... mais je ne connaissais pas son existence).

    Je remercie donc Lhisbei et M. Lhisbei pour l'organisation de ce challenge !

     

    La SF pour les Nuls

    Les trois films originels de La guerre des étoiles, sortis en 1977, 1980 et 1983, ont été numérotés respectivement IV, V et VI par le réalisateur George lucas. Un coup de génie, lui permettant (entre autres) de sortir 20 ans plus tard les préquelles numérotées I, II et III.

    Donc, pour tout puriste considérant que la trilogie d'origine est la Seule, la Vraie, l'Unique, les épisodes IV, V et VI, sont en réalité les premier, deuxième et troisième. C'est pourquoi le troisième épisode du Summer Star Wars est numéroté VI.

    Si vous n'avez toujours pas compris, je vous invite à aller voir les articles de Wikipedia qui détaillent l'univers de Star Wars.

  • Les enfants de Damia, d'Anne McCaffrey

    enfants Damia.JPGLes enfants de Damia fait partie du cycle des Doués ; il en est, je crois, le cinquième tome. C'est le seul livre de ce cycle que j'ai lu. En revanche, je connais bien du même auteur la Ballade de Pern, dont j'aime tout particulièrement le roman initial, Le vol du dragon. Anne McCaffrey a été la première femme à obtenir un prix Hugo pour une oeuvre de fiction, et rien que pour cela, elle mérite toute l'attention des lecteurs.

    Les enfants de Damia raconte comment grandissent les huit enfants d'Afra et Damia Raven-Lyon, dans un contexte particulier : ils sont Doués, et ont pour amis des extra-terrestres.

    Les 'Dinis se sont alliés aux humains pour combattre le même ennemi, les Ruches. Les 'Dinis sont peu connus de la majorité des humains, souvent crains car incompris. L'expérience menée chez Afra et Raven, apparier chacun de leurs enfants à un couple de jeunes 'Dinis, représente une étape cruciale dans l'évolution des relations entre les deux espèces, qui communiquent principalement par les rêves.

    Par ailleurs, les enfants Raven-Lyon sont dotés comme leurs parents d'un don télépathique et télékinésique unique, qui se développe avec l'âge, d'où leur surnom de Doués. Nous suivons donc successivement quatre de ces enfants, Laria, Thien, Rojer et Zara, dans leur accession aux responsabilités d'un adulte Doué et apparié à des 'Dinis, un double handicap ou un double avantage, suivant les situations dans lesquels ils se trouvent. Laria part vivre chez les 'Dinis, Thien est envoyé dans un vaisseau spatial qui poursuit les traces d'une Ruche, Rojer le retrouve plus tard sur les ruines de la Ruche et Zara suit son très fort instinct empathique pour tenter d'établir un dialogue avec une reine de la Ruche en détresse.

    Ce roman est loin d'être un chef-d'oeuvre : des répétitions (qui rendent bien service au lecteur néophyte dans le cycle de Doués, certes), trop peu de détails pour donner une réelle profondeur à l'univers et aux personnages ainsi que des facilités narratives émoussent rapidement l'intérêt du lecteur et ne laissent plus grand chose une fois le livre refermé.

    Mais il contient aussi cette manière unique à Anne McCaffrey de marier la science-fiction pure avec le merveilleux, un humanisme chaleureux qui transparaît à chaque page, dans chaque vaisseau spatial, chaque alien décrit, chaque opération de téléportation menée par un Doué. On a l'impression d'être chez soi, alors qu'on en est si loin. Peu d'auteurs de SF savent réussir ce savant mélange.

    Alors, oui, le roman est médiocre. Mais il donne au lecteur une part de rêve qui n'a pas de prix.


    Ce roman a été lu dans le cadre du challenge Anne McCaffrey lancé par Guillaume le Traqueur, en hommage à cette auteure attachante récemment disparue (elle est décédée en novembre 2011 à l'âge de 85 ans).

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  • En avril, je ne perds pas le fil

    Le mois d'avril ayant été maussade, que faire, sinon lire ? Alors Vango, Honor, Darby et la-fille-loup-garou-dont-je-ne-me-souviens-pas-le-nom ont été mes compagnons de route.


    En mission, de David Weber (Honor Harrington livre 12)

    en mission tome 2.jpgEn mission est le dernier opus sorti, en deux tomes comme toujours, des aventures de ma copine Honor Harrington, officier de renom dans deux flottes interstellaires. Honor est donc désormais mariée, mère de Raoul (le cri qui dessaoûle), et Premier Lord de la Spatiale. Elle est chargée de négocier la paix avec la République du Havre, tandis que, dans l'ombre, s'ourdit un machiavélique complot contre l'Empire Stellaire. Sinon ce ne serait pas drôle.

    Je garde un sentiment mitigé de la lecture cet opus : je trouve que Weber commence à se "tolkieniser". Je m'explique : je reproche à Tolkien d'avoir moins su raconter une histoire qu'inventer un monde (aïe, non, pas taper !). Et bien, David Weber commence à prendre ce pli : son univers se déploie avec force détails, mais son fil conducteur se réduit progressivement à peau de chagrin. Les scènes mettant en avant l'intimité d'Honor Harrington se font de plus en plus rares ; elles sont noyées dans la logorrhée géopolitique et diplomatique qui forme non plus le contexte, mais le coeur du récit. Bref, j'aime beaucoup Honor, mais je commence à m'impatienter. Je ne suis pas certaine d'acheter le tome suivant, c'est dire !


    Un prince sans royaume de Timothée de Fombelle (Vango, tome 2)

    vango 2.gifPour qui ignore qui est Timothée de Fombelle, qu'il aille se fouetter en place publique avec des orties fraîchement coupées avant de lire la phrase suivante. TdF (c'est plus court comme cela...) est en effet l'auteur du mirifique Tobie Lolness, un roman en deux tomes édité chez Gallimard jeunesse, qui s'adresse entre autres... à la jeunesse. "Entre autres", car tout adulte normalement constitué ne pourra qu'apprécier à sa juste valeur la finesse, la poésie et l'intelligence de l'oeuvre.

    J'ai chroniqué ici le premier des deux tomes de Vango. J'ai désormais terminé le second volet, qui clôt (pléonasme !) le diptyque. Voici le résumé de l'éditeur : "À la fin des années trente, suspendu au sommet des gratte-ciel de New York, Vango affronte ses ennemis avec le moine Zefiro, et retrouve la piste de celui qui a détruit sa famille. Sa quête le fait passer tout près de la belle Ethel, l’amour de sa vie, lors de la chute du dernier grand dirigeable qui manque le blesser à jamais. Il croit alors se retirer du monde pour toujours. Mais déjà la guerre envahit l’Europe et le remet sur les routes."

    On suit désormais Vango plutôt dans sa vie d'adulte, louvoyant entre la fuite et la lutte contre son ennemi invisible. Vango est à la fois attachant et fuyant, un personnage dont les méandres psychologiques ne sont pas si faciles à saisir. Il a une candeur et une propension au silence que j'aime énormément. La fin de l'histoire n'était pas très difficile à deviner (cela reste un roman pour la jeunesse) mais Dieu que j'apprécie que l'auteur ne prenne pas ses lecteurs pour des idiots. Il y a des scènes qui mettent en scène une petite fille russe, dont on ne sait à quoi elles se rattachent, quasiment jusqu'à la fin. Bref, Vango, bien que moins poétique que Tobie Lolness, est une oeuvre selon mon coeur. Et j'en remercie Timothée de Fombelle.


    L'affaire Pélican, de John Grisham

    affaire pélican.jpgDe John Grisham, prolifique auteur américain de politique-fiction, je n'avais rien lu. Mais j'avais vu plusieurs adaptations cinématographiques de ses romans, dont L'affaire Pélican. Je connaissais donc déjà l'histoire de la jeune Darby Shaw. Pour autant, le plaisir de lecture fut bien présent.

    Suite à l'assassinat d'un juge de la cour suprême, Darby Shaw, étudiante en droit de l'université de Louisiane, rédige un petit mémoire qu'elle montre à son prof, qui le montre à un gars du FBI, qui le montre à son patron, et qui atterrit à la Maison Blanche, au milieu des autres pistes suivies pour retrouver le commanditaire du meurtre. Malheureusement, ce petit mémoire de rien du tout avance des thèses pas si extravagantes, et il cite nommément le locataire de la Maison Blanche...

    Grisham raconte bien. Il a un don pour être proche de ses personnages tout en sachant les placer dans un contexte plus large, où le cynisme des milieux politico-financiers met en perspective les drames personnels des protagonistes. Un bon thriller, qui pointe quelques thématiques pas encore très à la mode à l'époque (1992), comme la protection des écosystèmes fragiles.


    La-fille-loup-garou-dont-je-ne-me-souviens-pas-le-nom

    pleine lune.jpgBon, vérifications faites, il s'agit de Pleine lune, premier opus d'une série intitulée Riley Jenson et commise par l'auteur australienne Keri Arthur. De la bit-lit dans toute sa... splendeur ? Il y a du sexe entre loups-garou, du sexe hétéro et homo, du sexe avec des vampires, pas de sexe avec des humains - mais on en entend beaucoup parler, du sexe provoqué par la fièvre lunaire et du sexe issu des sentiments... Bref, il y a du sexe.

    Heureusement, il y a une petite enquête policière qui accroche, et qui fait qu'on arrive à ne pas se lasser des scènes de sexe avant la fin du roman. Je l'ai lu rapidement, je n'ai pas décroché... et à part quelques fantasmes impliquant des menottes et des vampires, il n'en reste rien.

    J'ai beaucoup plus rigolé avec Fascination de Stephenie Meyer. Voilà, c'est dit. Préfèrerais-je la bit-lit puritaine à la bit-lit libertine ? Allez savoir... Moi, je sais juste que je ne lirai pas la suite de Riley Jenson.


  • Burndive, de Karin Lowachee

    Burndive.jpgCe roman est le deuxième de Karin Lowachee ; il appartient à un tryptique qui comprend Warchild, Burndive et Cagebird (à paraître). J'ai déjà lu Warchild, j'en ai pensé (et dit) beaucoup de bien. A tel point que j'ai par la suite comparé La stratégie Ender d'Orson Scott Card à Warchild (alors, que béotienne que je suis, j'eus dû faire l'inverse, puisque Ender est antérieur à Warchild).

    J'attendais non sans une certaine appréhension la lecture de ce deuxième volet. D'abord parce que je n'aime pas la jaquette, que je trouve inutilement horrifique (bien que de très belle qualité et fidèle à la description des aliens par l'auteur), alors que celle de Warchild était certes évocatrice de violence, mais pas d'épouvante.

    Et puis, ce roman allait-il me toucher autant que son prédécesseur ? De prime abord, la réponse s'impose à moi : non. Non, parce que le narrateur, Ryan, est un adolescent pourri-gâté, un gosse de riche égocentrique et veule. Un personnage pour lequel je n'ai, d'emblée, aucune empathie. Ses états d'âme de jeune adulte immature m'impatientent prodigieusement. Or, ceux-ci constituent l'essentiel du récit.

    Ceci posé, Burndive n'en reste pas moins un ouvrage intéressant. Il suit la ligne du premier volume en développant le point de vue d'un enfant pris dans une guerre. Un point de vue très différent de celui de Warchild, puisque Ryan est un jeune homme en fin d'adolescence ayant grandi dans un milieu protégé et privilégié, au contraire de Jos, jeune enfant enlevé par les pirates puis les aliens.

    La mère de Ryan et son père sont séparés, géographiquement - elle vivant sur une station et lui sur son vaisseau de guerre. En réalité, tout chez eux a divergé :  leurs opinions politiques, leurs rapports aux médias, leurs sentiments. La mère de Ryan a une liaison avec Sidney, le Marine attaché à la sécurité de Ryan et son père, Cairo Azarcon, se consacre exclusivement à son vaisseau, son équipage et les pourparlers de paix dans lesquels il s'est engagé au nom du ConcentraTerre - sans son assentiment.

    Ryan a vécu quelques années sur Terre pour ses études, jusqu'à ce qu'un attentat dirigé contre son grand-père, dirigeant de l'Etat-Major du Concentra-Terre, le traumatise. De retour chez sa mère sur la station Austro, il se drogue, perdu dans un auto-apitoiement égoïste et désespéré. Un attentat contre lui fait réagir son père, qui revient en urgence le prendre secrètement à bord de son vaisseau afin de le protéger. Bien qu'accompagné par Sidney, qui est son plus proche ami et ce qui se rapproche le plus d'un père pour lui, Ryan se sent seul et abandonné, manipulé comme un pion.

    Tous ces évènements se produisent sous les projecteurs des médias, répercutés à l'envie sur le réseau d'information Envoy. L'Envoy est la seule référence de Ryan, qui tend à n'avoir confiance qu'en lui. Pourtant habitué, dans son éducation dorée, à manipuler les médias, il ne réalise que lorsque qu'il commence à connaître la vie sur le vaisseau de son père que le réseau manipule l'opinion publique et que la réalité est bien différente de celle qu'il imaginait.

    Sa prise de conscience arrive tardivement - bien trop à mon goût. La cage psychologique dans laquelle Ryan s'est enfermé est crédible, mais on s'étonne tout de même de son manque de maturité. L'écriture de Karin Lowachee est simple et directe, mais manque peut-être un peu de profondeur pour rendre fidèlement la noirceur des personnages et des situations, que le lecteur ne fait qu'effleurer à travers le regard de Ryan.

    Tout à la fois orienté sur l'enfance en guerre et sur la manipulation des medias, cet ouvrage mérite le détour, même s'il est moins attachant que le premier opus. J'attends avec curiosité la sortie du troisième roman. Il faut dire que j'apprécie l'univers politique et sociologique créé par Karin Lowachee, doté d'un point de vue original sur une reprise impeccable des codes classiques du space opera.

    PS : à noter, beaucoup moins de coquilles dans ce deuxième volume que dans le premier. Dieu merci !


    Le Belial, 2011

    Genre : space opera, guerre

    Lu aussi par : Efelle


  • Au tréfonds du ciel, de Vernor Vinge

    vernor vinge,qeng ho,space operaRésumé emprunté à l'éditeur (il faut dire qu'il est très bien fichu) : Au sein de la société galactique, les civilisations humaines naissent, prospèrent et meurent, s'autodétruisant par voie de guerres, d'épuisement écologique ou d'excès de réglementation. Le seul repère, au fil des millénaires, est le Qeng Ho, une corporation de marchands en information qui parcourent l'espace et vendent aux civilisations renaissantes des informations indispensables. En échange, les courtiers du Qeng Ho reçoivent l'appui technique dont leurs vaisseaux ont besoin.

    Au début du roman, une flotte Qeng Ho fait route vers une des étoiles les plus mystérieuses de la galaxie, baptisée Marche-arrêt parce que, suivant un cycle régulier, elle s'éteint pour deux cent quinze ans et se rallume pour trente-cinq ans. Autour de cette étoile, une seule planète, Arachna, sur laquelle une espèce arachnoïde intelligente a réussi à s'adapter à un interminable hiver. Les Qeng Ho espèrent commercer avec eux lorsque, profitant du prochain éveil de l'étoile, ils auront développé leur technologie.

    À l'approche de Marche-Arrêt, la flotte Qeng Ho est devancée par celle d'une civilisation Émergente. Les Émergents proposent d'abord aux Qeng Ho un partage équitable des efforts et des résultats. Mais après un assaut meurtrier, ils prennent le contrôle de la flotte Qeng Ho. La société Émergente est fondée sur l'esclavage. Pathologiquement obsédés par le pouvoir, les Emergents disposent d'une technologie, dérivée d'une maladie neurologique, qui leur permet de transformer leurs victimes en esclaves psychiques. Leur but ultime est de forcer la civilisation arachnéenne à travailler pour eux.

    Sur Arachna, une guerre fait rage. Sherkaner, un génie arachnéen, imagine et participe à une opération qui devrait mettre un terme au conflit lors de l'extinction de l'étoile Marche-Arrêt. Mais la trêve ne sera que provisoire et les deux puissances qui se disputent Arachna, la monarchie libérale d'Accord, avec Sherkaner, et la théocratie réactionnaire de Kindred, s'affronteront dès le réveil de l'étoile.

    On a ainsi deux théâtres de conflit : sur Arachna, l'opposition entre le camp bienveillant de Sherkaner et celui, opposé au progrès, de Kindred ; et dans l'espace, la résistance secrète des Qeng Ho à la dictature des Émergents...


    vernor vinge,qeng ho,space opera

    Mon avis : pour qui a lu Un feu sur l'abîme, du même auteur, quelques éléments de ce roman seront familiers, tels que le Qeng Ho et le personnage de Pham Nuwen. Pour les autres, point n'est besoin de le connaître, car Au tréfonds du ciel se suffit à lui-même. Ce qui est appréciable.

    Le principal écueil de ce deuxième roman de Vernor Vinge est qu'il souffre d'hypergraphie. La guerre entre les deux civilisations araignées et celle, plus couvée, entre les Emergents et le Qeng Ho, reste en statut quo pendant de longues, voire très longues périodes (deux cents ans pour les araignées !). L'histoire et les personnages se retrouvent donc englués durant des centaines de pages dans une absence remarquable d'évènement. Bref, c'est long (hi ! hi !).

    Ce temps superfétatoire est mis à profit par l'auteur pour développer la psychologie des personnages, humains comme araignées, et pour nous faire connaître en profondeur les sociétés tout droit sorties de son imagination. Une imagination débordante, mais étonnamment crédible. La civilisation arachnéenne est bien pensée, jusque dans les moindres détails physiques, langagiers et psychologiques. Une société qui dispose de seulement trente cinq années pour renaître et progresser, et qui doit s'arrêter en plein élan pour plus de deux cents ans, est forcément porteuse de particularités difficilement concevables. Mais Vernor Vinge n'a visiblement aucun problème à concevoir ces particularités. On retrouve ici le don de l'invention qui a fait les beaux jours d'Un feu sur l'abîme et attiré les pluies de récompenses sur ses oeuvres.

    Idem pour la société Emergente, qui, grâce à son "sida mental", prend le contrôle d'une flotte Qeng Ho pourtant plus évoluée sans coup férir. L'idée est farfelue et ébouriffante. Cet esclavage psychique est un coup de génie de l'auteur, qui introduit ainsi une véritable égalité entre la civilisation plusieurs fois millénaire du Qeng Ho et celle des Emergents, qu'on pourrait, du point de vue Qeng Ho, taxer sans hésitation de bouseux...

    Si je devais comparer Au tréfonds du ciel à Un feu sur l'abîme, je dirais que le premier est moins bien construit que le deuxième, beaucoup moins rythmé. Les phases de veille, voire d'attentisme, pour les espèces arachnoïdes comme humaines sont vraiment trop longues. On s'y ennuie. En revanche, les idées de génie de Vernor Vinge que j'avais tant appréciées dans Un feu sur l'abîme (voir le détail dans mon billet) se renouvellent dans Au tréfonds du ciel. Elles sont moins flagrantes, mais bien présentes, et pour cela j'ai énormément apprécié cette lecture.

    Un roman que je recommande donc, pourvu qu'on ait un peu de patience.


    Editeur : Robert Laffont, Collection Ailleurs & Demain

    Lu aussi par : Gromovar