Jeudi, j'ai vécu un moment intense.
Je suis bibliothécaire dans un établissement public ; nous étions appelés à nous rassembler à la mairie de ma ville employeur pour écouter un court discours et observer une minute de silence en hommage aux 12 hommes et femmes assassinés hier par des... Je ne sais même pas comment les appeler, tiens.
Bref, je me rends sur place, où je croise de nombreux collègues de la ville. Et puis, à ma surprise, je vois aussi un papa et ses deux enfants, des gens que je connais comme lecteurs de la médiathèque. Je comprends alors que les habitants de la commune ont également été prévenus de ce rassemblement.
Quelques minutes plus tard, je tombe sur la nounou de Mini-Blop qui a décidé d'emmener toute la tribu à cet évènement : son mari, ses propres enfants, et le mien. Surprise, étonnement, joie... Mon enfant s'accroche à moi et ne me lâche plus. Il est très jeune, c'est impressionnant et un peu incompréhensible pour lui non seulement de se retrouver là, mais aussi de m'y retrouver.
Pendant le discours du Maire, grave et émouvant, puis pendant la minute de silence, mon petit m'avait enlacé de ses bras, posant sa tête contre mon ventre, et plusieurs fois et pendant longtemps, la relevant pour me regarder avec tout l'amour du monde dans ses grands yeux bleus. Sans un mot.
Ben... J'ai bien cru que je pleurais devant tout le monde.
Pas pour le discours, pas pour les morts de Charlie Hebdo. Pour ce regard.
Parce que l'amour dans les yeux d'un enfant, c'est ce qui nous encourage à aller de l'avant, à ne pas se laisser manipuler par la peur, par la terreur et par les cons.
C'est la raison pour laquelle on se bat tous les jours, entre autres dans mon métier, pour qu'il grandisse dans un pays vraiment libre, où chacun peut exprimer ses idées, ses opinions (même stupides), son sens de l'humour - forcément toujours discutable du point de vue de l'autre - avec la bénédiction de l'état, et même, sa protection en cas d'attaque violente. Un pays où l'altérité est reconnue, acceptée et valorisée.
Je regrette profondément que justice n'ait pas été faite. Car, non, l'exécution des tueurs présumés de Charlie Hebdo ne constitue pas une justice. La justice, ce serait un procès, public et équitable, où la loi démocratique s'exprime dans toute sa force, qui démontre que les crimes contre la liberté d'expression ne demeurent pas impunis dans notre pays.
J'ai bien entendu de la peine pour tous ces morts. J'ai grandi avec Cabu qui dessinait dans RécréA2, j'ai un ami policier à qui je n'aimerais pas qu'il arrive le même sort qu'à Ahmed Merabet et Franck Brinsolaro, j'appréciais le travail de Bernard Maris...
Mais vous savez quoi ? J'ai encore plus de peine pour mes concitoyens français musulmans, et pour le prophète Mahomet, de qui ces connards dégénérés ont osé se réclamer.
Ah, oui, au fait : bonne année.