Daredevil est un comic de Marvel, adapté au cinéma il y a treize ans (2003) avec Ben Affleck en justicier. Une adaptation qui avait laissé un goût amer dans la bouche des fans, et pas de goût du tout dans celle des néophytes. Marvel a donc relancé l'adaptation sous la forme d'une série distribuée par Netflix. Deux saisons ont été diffusées à ce jour, avec Charlie Cox dans le rôle titre.
Et là, on a comme qui dirait changé d'univers. Le format long permet de poser tranquillement un bouquet de personnages, de développer leurs caractères sans raccourcis artificiels et de parfaire le profil des personnages secondaires. D'installer une atmosphère. Et en termes d’atmosphère, on est servi !
Matt Murdock et son pote Foggy Nelson ouvrent un cabinet d'avocats dans Hell's Kitchen, à New York. Ils n'ont pas un rond, mais un sens aigu de la justice et sont susceptible de se faire payer en apple pie ou en régimes de banane. Hell's Kitchen n'est pas un quartier beau à voir, surtout pas la nuit dans les contre-allées. On y trouve des trafiquants, des délinquants, des drogués et des criminels. Et ce ne sont pas les plus cradingues qui sont les plus dangereux. Mais il y a aussi des gens bien, souvent victimes des premiers.
Matt Murdock croit en la justice et en la loi, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Il applique donc la loi le jour, en tant qu'avocat, et la justice la nuit, en tant que Daredevil. Il est catholique, croyant, et de ce fait, il refuse de tuer. Bon, par contre, casser des jambes, des bras, des nez, démonter des gueules et réduire en charpie les malandrins ne lui pose aucun problème, pourvu que lesdits malandrins soient toujours vivant à la fin. Matt en ressort avec quantité de bleus, de bosses et de coupures, parfois même des fractures. Les nombreuses scènes de baston entre Daredevil et les truands sont spectaculairement... réalistes. Au plus près de la "vraie vie". Les effets spéciaux (ou ceux de manche, d'ailleurs) sont eux, quasi absents, pour notre plus grand bonheur. Chaque saison nous propose au moins une scène de combat en plan-séquence de plusieurs minutes, de véritables chefs-d'oeuvre en la matière.
Matt Murdock est aveugle mais pas vraiment, il est gentil mais pas vraiment, il est poilu mais pas vraiment (cette manie des américains de faire disparaître la moquette poitrinale des acteurs par ailleurs très pourvus en pilosité... pff). Charlie Cox, tout en sourire et en douceur lorsqu'on le voit sur ses vidéos ou photos de promotion, peu paraître déplacé dans ce rôle de justicier sombre et torturé. Mais il parvient à donner une dimension intérieure étonnante à son personnage : son Matt Murdock parle bas, présente un profil modeste, il est peu expressif de son corps ou de son visage. Sans pour autant être un robot, car Charlie Cox est un bon acteur. Simplement, on a la nette impression qu'il concentre son personnage à l'extrême, qu'il donne à Matt Murdock une capacité d'attention soutenue à son environnement, s'effaçant en partie pour n'exploser que lors des bastons. Bref, son Daredevil a de l'âme en plus d'avoir un corps.
Une chose est sûre : une femme hétéro ou un homme homo aura immanquablement envie de lui faire des câlins et des bisous. Tout le temps. Si. Voire plus si affinité, bien évidemment. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien, mais... c'est comme ça.
[ Cela a peut-être un rapport avec le fait qu'il n'est vraiment pas dégueu à regarder. ]
Foggy, joué par Helden Henson (le cameraman muet de Hunger Games), incarne en début de la première saison l'ami fidèle, le compère maladroit mais dévoué. Son personnage évolue beaucoup entre le milieu de la saison 1 et la fin de la saison 2 ; il prend de l'épaisseur, montre de vrais talents, et fait des choix qui sont susceptibles de l'éloigner de Matt Murdock / Daredevil.
Karen Page, d'abord sauvée par Daredevil, devient l'assistante du cabinet Nelson & Murdock. Son statut évolue lui aussi considérablement durant les deux saisons, passant de celui de jolie victime blonde à celui de battante tout aussi blonde, mais pleine de ressources, qui prend de multiples initiatives personnelles sans demander l'avis de personne - et même, de préférence, en catimini. Bref, Karen Page bénéficie d'une trame narrative intéressante, particulièrement au cours de la saison 2.
Wilson Fisk et Frank Castle, les méchants des saisons 1 et 2, incarnent des personnages complexes, aux motivations pas forcément discutables, à la fois cruels et désespérés, violents et fragiles. Ils sont véritablement fascinants. Rien que le personnage de Fisk vaut le détour, tant il est implacable et glaçant. Les personnages secondaires, comme celui de Claire Temple, l'infirmière abonnée aux gueules cassées ou James Wesley, le très efficace lieutenant de Fisk, sont particulièrement soignés.
La justice sociale est au coeur de Daredevil. Les clients de Matt et Foggy sont victimes d'un capitalisme crapuleux et sauvage, qui les exproprie, leur extorque le nécessaire vital et les considère pour quantité négligeable. Le sentiment d'impuissance des petites gens prédomine souvent : face aux puissants, les riches de ce monde, les politiques, mais face aussi aux interventions inhumaines ou surhumaines de l'univers Marvel (Thor, Captain America, les invasions aliens, les pouvoirs inhabituels de Jessica Jones ou Luke Cage...) évoquées indirectement dans la série. Ce sentiment d'impuissance est finalement le moteur du combat de Daredevil, à la fois son frein et son accélérateur, en fonction de son état psychologique et du nombre de tuiles qui lui tombent sur la tête.
Daredevil est donc une série très recommandable, adaptée à tous ceux qui supportent les scènes de combat violentes. Et un jour, je vous parlerai de Jessica Jones.
Daredevil, série visible sur Netflix. Deux saisons de 13 épisodes chacune produites à ce jour.