Je reviens une fois de plus cet été à Honor Harrington. J'ai commencé à lire le premier livre de cette longue série il y a maintenant six ans, mais jusqu'à peu, je n'avais pas en ma possession les premiers tomes. J'ai donc récemment décidé de compléter ma collection. Je viens de recevoir et de relire avec beaucoup de plaisir le deuxième livre, intitulé Pour l'honneur de la reine.
Dans cet opus, l'action prend place deux ans et demie après l'incident de la station Basilic, dans lequel Honor Harrington avait démasqué et arrêté un navire-Q (un vaisseau militaire se faisant passer pour un navire marchand) de la République Populaire du Havre. Aujourd'hui, son tout nouveau croiseur lourd, baptisé l'Intrépide, et les quatre bâtiments plus légers qui l'accompagnent sont mandatés pour une double mission : protéger des navires commerçants dans une zone peu sécurisée pour leur éviter une attaque de pirates, et surtout servir d'escorte officielle à une mission diplomatique du Royaume de Manticore auprès de la planète Grayson.
Les graysoniens occupent une position de choix pour devenir des alliés de Manticore contre la menace havrienne. La reine leur envoie donc un amiral à la retraite, Raoul Courvoisier, en tant que chef d'une délégation diplomatique chargée de proposer un traité d'alliance à Grayson. Raoul Courvoisier et Honor Harrington se connaissent et s’aiment bien, le premier ayant été le professeur de la seconde.
Toutefois, il y a un hic : Grayson est une planète socialement arriérée, où les femmes n'ont aucun droit et sont totalement dépendantes des hommes. Dans ce système patriarcal, la polygamie est la norme, et les femmes sont confinées aux foyers. Les Graysoniens sont donc atterrés de constater que l'officier commandant la flotte d'escorte de la délégation diplomatique de Manticore est une femme. Bon, il faut bien avouer qu'il ont déjà du mal avec le fait que le Royaume de Manticore soit dirigé par une femme, mais ce n'est rien comparé au choc de voir de leurs propres yeux une femme incarnant une autorité militaire - sans parler de tous les officiers et soldats féminins servant à bord des différents navires. Et puis, il y a Nimitz, le chat sylvestre d'Honor, que tous prennent à tort pour un animal de compagnie, fruit d'une lubie féminine.
Les humiliations s'accumulent envers Honor, qui encaisse sans broncher, histoire de ne pas faire capoter la mission de Raoul Courvoisier. Mais cela lui est insupportable, et elle constate à quel point les Graysoniens sont troublés par sa présence. Elle décide alors de modifier ses plans et de partir elle-même avec l'Intrépide terminer l'autre partie de la mission, initialement dévolue à d'autres bâtiments plus légers : l'escorte des navires marchands jusqu'à bon port. Elle espère que son absence momentanée calmera les Graysoniens et permettra à Courvoisier de faire avancer les négociations.
Sauf que... Les Masadiens, ennemis séculaires de Grayson, originaires du système voisin, décident durant ce laps de temps d'attaquer Grayson, avec des moyens décuplés : ils bénéficient d'une aide militaire conséquente mais discrète fournie par la République Populaire du Havre. Les Masadiens sont des fanatiques misogynes et mystiques, 20 fois pires que les Graysoniens en termes d'arriérisme. Le niveau technologique et la flotte militaire des Graysoniens ne faisant malheureusement pas le poids, l'amiral Courvoisier décide d'aider les Graysoniens. Ignorant la présence d'un vaisseau lourd havrien, et doté d'un seul croiseur léger, il se fait laminer la tête - et tuer, par la même occasion.
Quand Honor revient à Grayson, elle apprend, horrifiée, les attaques des masadiens et la mort de Courvoisier. Elle propose d'aider à organiser la défense du système de Yeltsin mais se heurte à un mur : le choc culturel est trop fort pour les Graysoniens, incapables de la traiter en égale. Elle pose donc un ultimatum et exige de rencontrer le Protecteur de Grayson, Benjamin Mayhew, afin qu'il oblige les officiers d'état major graysoniens à la prendre au sérieux. Mayhew accepte de l'inviter chez lui. Cela lui pose moins de problèmes qu'aux autres, grâce à son éducation extra-planétaire.
Mais les Masadiens, jamais à court de mauvaises idées, tendent une embuscade à Mayhew et Honor Harrington en plein dîner privé. Grâce à ses dons de télépathie, Nimitz devine les intentions cachées des assaillants et réagit à temps ; Honor et lui se lancent dans une bataille au corps à corps avec de multiples agresseurs dotés d'armes de poing, pour protéger leurs vies et celles de la famille Mayhew. Leur férocité - et le fait que les masadiens ne s'attendaient pas à de telles qualités de combattant chez une femme et un chat (!) - leur permettent de tenir jusqu'à l'arrivée des renforts. Mais Honor est blessée : la partie gauche de son visage est définitivement paralysée et elle perd son oeil gauche.
Malgré ses blessures, elle prend le commandement de son vaisseau pour débusquer une base avancée des masadiens dans le système de Yeltsin, où sont retenus quelques prisonniers survivants de l'attaque dans laquelle Courvoisier est mort. Puis elle va s'interposer entre un vaisseau ennemi et la planète Grayson pour éviter à ses habitants des attaques nucléaires. Bref, Honor Harrington, c'est John McClane dans les films Die Hard : blessée et dégoulinante de sang, elle continue coûte que coûte à sauver le monde. Mais là, au moins, le monde ne se résume pas aux Etats-Unis... ^_^
Ce deuxième livre de la série est sans conteste l'un de mes préférés : le personnage d'Honor commence à prendre son ampleur véritable, et c'est dans cet opus que se joue bien des évènements cruciaux pour le reste de la série. Car les exploits d'Honor à Grayson lui donnent une aura particulière auprès des Graysoniens, des Manticoriens... et des Havriens, bien que pour d'autres raisons. On y explore un peu plus la personnalité d'Honor, celle de ses amis et de ses ennemis. Comme je l'ai dit auparavant, plus la série avance, plus Weber délaisse le développement du personnage d'Honor, alors je savoure ce tome qui la met en avant et lui promet un avenir intéressant.
Bien entendu, et mes lecteurs habituels n'en seront pas surpris, ce qui m'a le plus attiré dans ce tome, c'est sa thématique féministe développée. David Weber est un homme, et je n'avais pas encore vu d'auteur masculin parler ainsi des femmes. Je suppose que le système politique et social de Manticore constitue l'utopie personnelle de David Weber en la matière. En partant de cette hypothèse, je m'avoue très satisfaite de la manière dont il envisage le rôle des femmes. Égales absolues des hommes, elle ne souffrent d'aucun sexisme, même dans l'armée, où seules les compétences - et les origines sociales, parfois - comptent. La nature des gonades de chaque personnage n'a aucune importance. Je pourrais peut-être couper des cheveux en quatre et trouver quelques références paternalistes (les bons profs de l'école militaire sont tous des hommes d'âge mûr, archétype patriarcal s'il en est), mais dans l'ensemble, David Weber s'en sort bien.
D'autant mieux, évidemment, qu'il met en relief cet égalitarisme en présentant la société patriarcale et misogyne de Grayson (et celle, pire encore, de Masada). Il en explique les origines à travers quelques éléments science-fictifs vraisemblables - la présence de métaux lourds dans le sol qui a provoqué des malformations, mutations et de lourdes mortalités infantiles, une forte inégalité de distribution des sexes à la naissance entre filles et garçons - mais aussi une composante religieuse fondamentaliste, sectaire et bornée.
A la relecture, on sourit à quelques passages où Honor exprime sa détestation de la politique - quand on sait ce qu'elle devient plus tard, il y a de quoi rire sous cape.
Bref, j'ai retrouvé ma vieille copine, et j'en suis ravie.
Je me surprends à vouloir relire très vite le troisième tome, dans lequel Weber développe entre autres le rôle d'Honor en tant que leader féminin et féministe sur la planète Grayson. Mais il va me falloir être raisonnable... Et attendre encore quelques mois avant de me l'acheter.