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Planète SF - Page 5

  • La guerre de Caliban (The Expanse, tome 2), de James S.A. Corey

    science-fiction,space opera,polarOn reprend quelques mêmes, et on continue. Dans ce deuxième tome de The Expanse, James Holden est de retour avec son équipage ultra réduit, constitué de Naomi, Alex et Amos. Holden, traumatisé par son expérience à la fin du tome 1, vit dans une vigilance et un mal-être constant, le rendant plus enclin aux solutions radicales, ce qui ne fait pas l'unanimité au sein de son équipage.

    La situation politique entre la Terre, Mars et la Ceinture est tendue mais stable. Une stabilité très vite mise en péril par une attaque brutale qui détruit une partie de Ganymède : cette lune de Jupiter, dotée d'une magnétosphère, est étroitement surveillée par Mars et la Terre, et sert de refuge pour les femmes ceinturiennes enceintes et de grenier à blé pour toute la Ceinture. Autant dire que l'attaque, que chaque partie impute à l'autre, met le feu aux poudres.

    Prax, botaniste sur Ganymède, Roberta Draper, sergent martienne seule survivante de l'attaque sur Ganymède et Avasarala, sous-secrétaire aux Nations Unies de la Terre, sont les nouveaux protagonistes de ce deuxième opus. On a laissé Miller à la fin du premier tome, et on pouvait légitimement craindre que les nouveaux personnages soient moins intéressants ou moins attachants. Il n'en est rien. Prax est la caution scientifique du récit, le témoin candide et un père désespéré mais infatigable. La recherche qu'il mène pour trouver sa fille permet au fil du récit de se tisser. Le sergent Bobbie Draper est archétypale de ces héroïnes et héros de récits militaires, Torin Kerr, Honor Harrington ou John Geary : travaillée par son sens du devoir et sûre de ses compétences. Elle ne pouvait que m'être sympathique. Les manigances politiciennes d'Avasarala, aux antipodes de la logique de terrain d'un sergent Draper ou de l'équipe de Jimmy Holden, en sont le pendant exact et constituent un contrepoint réussi au reste du récit, dans lequel les changements de focale incessants permettent au lecteur de rassembler peu à peu les pièces du puzzle.

    La narration, toujours fluide, ne me permet pas de différencier les deux auteurs et m'enchante par son apparente facilité. J'ai lu ce roman avec énormément de plaisir, et bien que j'aie mis du temps (la faute à plein d'impondérables, sauf au livre lui-même), j'en ai savouré chaque chapitre. Il faut dire que le personnage d'Avasarala est particulièrement truculent, et les scènes avec la vieille dame acariâtre et rouée sont source d'un petit plaisir proche de la madeleine de Proust...

    Ce roman relève le gant de la suite de série, exercice toujours périlleux, sans sourciller. J'irai même jusqu'à dire qu'il est un peu moins complexe à suivre que le premier, sans devenir simpliste pour autant. Le sense of wonder est toujours présent grâce à la personnalité attachante de James Holden, tandis que le thriller politique devient plus prégnant. La protomolécule gagne en dimension science-fictionnelle ce qu'elle perd en fantastique. Pour le meilleur ou pour le pire ? Je suis incapable de répondre à cette question.

    Je n'aurai donc qu'un seul mot : vivement le tome 3 !

     

    Cette chronique participe pour la cinquième et dernière fois au septième épisode du Summer Star Wars de M. Lhisbei, béni soit son nom, ainsi que ceux de Lhisbei et Excel Vador.

     

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  • La terre bleue de nos souvenirs (Les enfants de Poséidon, tome 1), d'Alastair Reynolds

     Mon préambule est court : j'adore ce titre. Sa poésie me touche immensément.

    1506-poseidon1_org.jpgRésumé : XXIIe siècle. Alors que le Mécanisme sait absolument tout des actions et des pensées des hommes, Geoffrey Akinya travaille sur l'intelligence des éléphants autour du Kilimandjaro. Sa soeur Sunday mène une carrière artistique sur la Lune, à l'abri du Mécanisme. Avant de mourir, leur grand-mère leur révèle un secret. Le préserver peut s'avérer très dangereux.

     

    Mon avis : Ce livre m'intriguait depuis quelques temps. Et puis, il est entré dans la short list pour le Prix Planète SF 2016. Alors, pour continuer dans la veine Alastair Reynolds, après Janus, je me suis lancée. 

    Le récit suit les péripéties de Geoffrey et Sunday Akinya dans la découverte de l'héritage et de la personnalité de leur énigmatique grand-mère Eunice. Un héritage en forme de jeu de piste, qui les envoie se balader dans tout le système solaire. De quoi les occuper (et nous avec) un bon moment.

    Le futur imaginé par l'auteur est plutôt positif : le bouleversement climatique attendu a eu lieu, entraînant des changements politiques, économiques et sociaux de taille, mais l'humain s'est adapté, a limité autant que possible les dégâts environnementaux, a conquis l'espace immédiat (Lune, Mars...) et le continent africain tient une place désormais prépondérante dans le développement du monde. Ce dernier fait constitue sans aucun doute l'élément le plus attractif du roman à mes yeux : enfin ! Enfin, l'Afrique cesse d'être le continent des laissés-pour-compte.

    Rien que pour ce fait, que je n'ai quasiment jamais croisé dans mes lectures, ce livre vaut le détour ; il permet au lecteur de changer l'image mentale qu'il a du continent africain, au moins le temps du récit. Il en est de cela comme du reste : imaginer, de temps à autres, que le monde pourrait évoluer dans une certaine direction rend l'improbable ou l'impensé possible et envisageable. Et cela n'a pas de prix.

    De nombreuses inventions technologiques, ainsi qu'un transhumanisme très développé, apparaissent tour à tour bénéfiques et terrifiants. Le progrès dans toute son humaine ambiguïté. La technologie qui régit la vie humaine et prévient tout conflit ou flambée de violence, le fameux Mécanisme, est peu explicité mais je l'ai trouvé, pour ma part, assez plausible. En revanche, j'ai bien peur qu'il ne rende la vie humaine d'un ennui mortel...

    La terre bleue de nos souvenirs est un roman long et complexe ; de nombreux lieux, de nombreux personnages, et des relations entre eux qui ne sont pas toujours évidentes à comprendre. Les équipées de plus en plus lointaines s'enchaînent, mais elles manquent d'un souffle épique ou poétique, tel celui que j'avais trouvé dans La danse des étoiles.

    J'ai apprécié ce roman, il est porteur de bonnes idées, mais il m'a manqué un peu la même chose que dans Janus : du liant, une narration qui porte le lecteur (celle-ci est très linéaire, à la limite de l'ennui) et une réelle empathie pour les personnages. Comme La terre bleue de nos souvenirs constitue le premier tome d'un série, j'hésite : soit l'introduction nécessitait d'être très longue et la suite sera plus intéressante, soit elle annonce un prochain texte aussi digeste que le livre des Nombres dans le Pentateuque (ne cliquez pas sur le lien si vous n'en avez rien à carrer de la Bible, mais croyez-moi sur parole, c'est d'un ennui mortel).

    Prions, mes frères et soeurs, pour que ce ne soit pas le cas. ;p

    Cette chronique participe pour la quatrième fois au septième épisode du Summer Star Wars de M. Lhisbei, béni soit son nom, ainsi que ceux de Lhisbei et Excel Vador.

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  • Janus, d'Alastair Reynolds

    janus.jpgAux dernières Intergalactiques à Lyon, mon ami Biblioman(u), le super héros des livres, m'a fortement conseillé de lire Janus, d'Alastair Reynolds. Il faut dire que j'avais le monsieur sous la main pour une dédicace, alors bon... Autant en profiter. Et puis ce roman a eu le prix Locus.

    Résumé : En 2057, Janus, une lune de Saturne, quitte soudain son orbite. Unique vaisseau alentour, le Rockhopper, propriété d'une compagnie minière qui exploite la glace des comètes du système solaire, est le seul véhicule spatial capable d'intercepter la course du satellite avant que ce dernier ne quitte définitivement le système solaire. En acceptant d'interrompre sa mission de routine pour effectuer une courte exploration de Janus, le capitaine et son équipage s'embarquent dans une aventure qui mettra à rude épreuve leur cohésion. Car, en réalité, Janus n'est pas une lune, mais un artefact extraterrestre qui leur réserve bien des surprises. Bella Lind, capitaine du vaisseau et Svetlana Barseghian, son ingénieure en avionique, sont amies intimes. L'interception du satellite Janus crée une fêlure dans cette amitié, lorsque Barseghian découvre que les données de niveau de carburant ont été falsifiées par la compagnie minière et que Lind refuse de faire demi-tour, condamnant ainsi le Rockhopper et son équipage à un aller sans retour à destination de Janus.

    Mon avis : Voilà un roman littéralement cosmique, qui nous emmène très, très loin dans l'espace. Voilà surtout une oeuvre en huis-clos où l'enfer se révèle être, principalement et naturellement, les autres. Barseghian et Lind sont les pivots fixes de ce récit aux multiples tempi, qui fait la part belle aux ellipses temporelles. Leur amitié ne résiste pas aux tensions engendrées par l'inéluctabilité de leur voyage sans retour, et crée de multiples lignes de faille dans la petite société du Rockopper, des failles qui ne tardent pas à tourner au conflit. Une lutte avec ses revers et ses retournements de situation, qui s'étale sur des décennies.

    C'est une lutte intestine doublée d'une lutte contre l'univers entier. C'est une histoire de survie et de résilience, une histoire de l'humain qui se doit de faire face victorieusement à l'impossible : l'immensité vide et glaciale de l'espace, quasiment sans ressources et surtout sans aucun retour en arrière possible. Survivre pour ne pas que leur humanité s'éteigne. Bref, Janus est un roman plein de promesses...

    Des promesses qui ne sont pas complètement tenues. C'est un bon roman, cela aurait pu être un roman extraordinaire. Il y manque une capacité à émerveiller vraiment le lecteur, ainsi qu'une certaine cohérence, lorsque des éléments cruciaux de la ligne narratrice ne sont pas explicités (comme lorsque les machines de Janus se mettent à tuer les humains, sans qu'on n'apprenne jamais réellement pourquoi). Le prologue reste très longtemps incompréhensible, pour être résolu de façon incomplète aux trois quarts du roman, dans un twist surprenant et trop brutal pour moi.

    Pourtant, les héroïnes devenues antagonistes semblent si réalistes, dans leur courage et dans leurs limites. La sauce prend, mais elle est fragile et cassante : il y manque comme un liant. Oui, il y manque de la maïzéna : cette fécule de maïs légère et pourtant extrêmement efficace qui sait se faire oublier tout en étant indispensable.* Il y manque du Anne McCaffrey, du Lois McMaster Bujold ou tout simplement du Jack Campbell.

    Janus est donc un honnête space opera, que j'ai fini sans problème mais qui n'a pas déclenché d'enthousiasme délirant chez moi. Un peu dommage...

     

    * oui, j'admets, ma métaphore culinaire manque peut-être de poésie. Mais elle est efficace.

     

    Cette chronique participe pour la troisième fois au septième épisode du Summer Star Wars de M. Lhisbei, béni soit son nom, ainsi que ceux de Lhisbei et Excel Vador.

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  • Le choix du courage (La confédération, tome 1), de Tanya Huff

    Choix du courage - Confederation1.jpgLes OP Bragelonne ont du bon : j'essaie, à moindre coût, des romans qui ne me plairaient pas a priori, histoire d'exercer ma curiosité. Et puis, il arrive aussi que je tombe sur des titres que je suis presque sûre d'aimer. C'était le cas de ce roman.

    Résumé : Les Di'Taykans et les Krais forment avec les Humains le bras armé de la Confédération. Ces trois races belliqueuses  lui permet de faire face aux Autres, son ennemi ultime. Le sergent-chef humain Torin Kerr est une professionnelle endurcie. Sa compagnie est envoyée comme garde d’honneur pour une mission diplomatique sur la planète des Silsviss, ces guerriers reptiliens qui n’ont pas encore rejoint la Confédération. Torin Kerr doit bien chaperonner un peu son nouvel officier, mais dans l'ensemble, cela s’annonce comme une tâche facile. Il y a bien des rumeurs à propos des Autres qui circulent, à propos d'une rébellion secrète sur cette planète hostile. Mais tout semble se dérouler parfaitement.
    Peut-être trop…

    Mon avis : Pour ceux qui suivent (oui, j'en aperçois quelques uns au fond), un space opera militaire, en plein été, est typiquement le genre de roman sur lequel je me jette comme une morte de faim. J'ai donc tenté ce roman, cet univers et cette auteure (autrice est possible aussi) en véritable néophyte. Et, naturellement, je me suis beaucoup amusée !

    Le choix du courage est un roman sans surprise, qui reste modeste dans ses ambitions - ce qui est sage. Il rentre parfaitement dans le cadre du récit militaire de space opera, avec batailles, ennemis, tactique et stratégie, quotidien des soldats, rencontres extra-terrestres, voyages interstellaires, mise en exergue de la solidarité de corps. C'est peu élaboré sur le plan idéologique, comme on pouvait s'en douter. En revanche, j'attends de ce genre de romans de bons personnages, des interactions intéressantes entre eux, un petit supplément d'âme dans un contexte plutôt rigide. Et c'est exactement ce que j'ai eu.

    Toute en concision et en efficacité dans son écriture comme dans les scènes de vie quotidienne d'une compagnie de soldat, Tanya Huff donne un bon tempo au récit, ainsi qu'un réalisme plutôt saisissant dans les relations entre soldats. J'ai appris par la suite que cela ne vient pas de nulle part : Tanya Huff était membre de la Marine canadienne. Le roman est millimétré. Il n'y a pas de gras, malgré ses 384 pages (désolée Xapur !). J'ai particulièrement apprécié le pragmatisme des personnages et du système militaire qui les régit, mis en place afin de faire cohabiter efficacement des races extrêmement différentes.

    Le rôle de pivot du sergent-chef Kerr, entre ses soldats à mener et son officier tout neuf à pouponner, propose un point de vue intéressant, à la fois descendant et ascendant, sur l'environnement social du récit. Son personnage est attachant, mais il n'est pas le seul. L'officier et plusieurs des soldats de la compagnie sont bien campés, portés par quelques dialogues savoureux et des situations cocasses. Une des bonnes idées de l'autrice a été de prêter aux Di'Taykan, dont l'aspect physique se situe entre les elfes des contes et les Na'vi de Pandora dans le film Avatar, une production hormonale irrésistible pour les humains, corollaire d'une sexualité ultra active... Ce qui les oblige à porter en permanence un appareil qui masque leurs odeurs ! Lorsqu'ils le posent ou le perdent lors d'un combat, quelques scènes surréalistes, parfois tragiques, parfois comiques, surgissent alors, pour le plaisir du lecteur.

    Si on comprend une partie du twist final du récit avant la narratrice, il n'en reste pas moins que le suspense est bien mené, dans un récit qui sait doser la contextualisation et l'action.

    J'ai donc passé un bon moment avec ce roman sans ambition ni prétention. Il ne vaut à mon sens ni la Saga Vorkosigan, ni Honor Harrington, mais ce n'est pas ce que j'attendais de lui et je lirai sans doute avec plaisir la suite. Trois tomes de la série ont été traduits en français, tandis que deux autres attendent sagement leur tour dans la langue de Shakespeare.

     

    Cette chronique participe pour la deuxième fois au septième épisode du Summer Star Wars de M. Lhisbei, béni soit son nom, ainsi que ceux de Lhisbei et Excel Vador.

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  • La danse des étoiles, de Jeanne et Spider Robinson

    danse des étoiles.jpgL'histoire : Shara Drummond, une jeune danseuse talentueuse, se voit refuser l'accès au monde de la danse professionnelle à cause de sa corpulence. Elle saisit alors l'opportunité de bénéficier d'une salle de danse dans une station spatiale et en profite pour créer un ballet en apesanteur. Charles Armstead, son opérateur vidéo et ami, raconte sa détermination et son génie, mais aussi comment sa passion a sauvé l'humanité.

    La danse des étoiles a été initialement édité entre 1977, et reçut les prix Hugo, Nebula et Locus (excusez du peu). En 2015, ActuSF a la bonne idée de le rééditer, trente six ans après sa première édition française chez Calmann-Lévy en 1979. La belle couverture est signée Jamie Olivier.

    Mon avis : C'est la première fois que je lis un roman de science-fiction, de space opera plus exactement (vous savez, ceux qui parlent de vaisseaux, de combinaisons spatiales, de techniques de propulsion dans le vide, et de physique de l'apesanteur), qui donne un rôle plein et entier à l'art et à la création à travers la danse. Les récits de space opera, particulièrement à cette période de l'histoire de la littérature de science-fiction, sont écrits quasi exclusivement par des hommes. Leur culture les amenait - et les amène toujours, en majorité -  à disserter de préférence sur les sciences, les techniques et les jeux de pouvoir, plutôt que sur l'art. Ici, l'écriture mixte à quatre mains donne naissance à une oeuvre hybride, qui mêle harmonieusement les thématiques classiques du space opera et certains passages inspirés, voire flamboyants, sur la danse et sur la création artistique en général.

    La danse des étoiles est un récit en trois parties. Disons-le : le roman est bon sur la première et la troisième partie. Il est mou sur la deuxième. Pas de quoi fouetter un chat : comme dans un concerto, la phase médiane est plus lente. Mais la première partie peut sans difficulté constituer une novella à elle seule, tant elle est riche et bien construite, et le lecteur risquera de se laisser décourager par le mouvement suivant, nettement moins enlevé.

    Ce à quoi je dis : non ! Cher lecteur, lis ce livre jusqu'au bout. Jusqu'à la fin de la troisième partie. D'abord parce que la magnifique scène de danse en apesanteur autour de la Terre, à la fin du premier mouvement, trouve son alter ego dans le troisième, dans un paysage plus grandiose encore. Ces scènes sont d'une beauté à couper le souffle, évocatrices de la grandeur de l'univers et de la petitesse de l'humain. Elles sont porteuses d'une très grande puissance et d'une incroyable capacité à nous toucher. J'ai été saisie, alors même que je n'ai aucun goût pour la danse. C'est dire si c'est réussi !

    Ce roman propose une réflexion humaniste et philosophique à travers l'art qui mérite notre attention. Pourtant, la dimension millénariste, un peu trop attendue, aurait pu gâcher notre plaisir. Mais non. La danse des étoiles est pour moi une oeuvre intelligente et sensible, touchante et inspirante.

     

    Cette chronique participe pour la première fois au septième épisode du Summer Star Wars de M. Lhisbei, béni soit son nom, ainsi que ceux de Lhisbei et Excel Vador.

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  • Jessica Jones, de Melissa Rosenberg

    jessicajones.jpgJessica Jones est une série dont la première saison a été diffusée sur Netflix à l'automne 2015. Elle est adaptée d'un comics né au début des années 2000 et s'inscrit dans le programme de domination du monde culturel établi par la société Marvel (il faut avouer que ça marche plutôt bien, leur business).

    Le sujet : Jessica Jones est détective privé dans Hell's Kitchen, essentiellement pour de sordides affaires d'adultère.

    Jessica Jones est râblée autant qu’un moustique à la diète (copyright Aldebert).

    Jessica Jones boit comme un trou, du mauvais whisky de préférence.

    Jessica Jones est fauchée en permanence et ressemble à une épave à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

    Jessica Jones est tout sauf sexy, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une vie sexuelle.

    Jessica Jones est dépressive, tendance suicidaire. Gros traumatisme en amont.

    Ah, oui, Jessica Jones est dotée d'une force phénoménale et d'une résistance hors normes. A tel point qu'elle peut presque voler.

    Mon avis : J'ai aimé Daredevil, vous le savez puisque vous avez lu ma chronique (ou pas). Eh, bien, apprenez donc que j'ai a-do-ré Jessica Jones. Pourtant, Dieu sait que les débuts sont carrément flippants. Et que je n'aime pas ce qui fait peur. Mais voilà, Jessica Jones a des tonnes d'atouts dans sa manche.

    C'est un thriller psychologique extraordinairement réaliste, alors même qu'il fait régulièrement référence à des superpouvoirs. Un mélange pas tout à fait évident, vous le reconnaîtrez. L'atmosphère noire et les non-dits post-traumatiques forment une trame étouffante, où la dépression suinte par toutes les portes mal fermées. Je dis la dépression, mais en réalité, il s'agit plutôt de culpabilité. Jessica Jones respire en permanence dans un nuage de culpabilité. Plus que tout, c'est cela qui nous émeut dans ce personnage. C'est irrespirable par certains moments, mais addictif. L'héroine vit sans trop savoir pourquoi, et ne s'en sent pas vraiment le droit. Le récit nous amène progressivement à comprendre pourquoi elle en est arrivée là, sans jamais s'attarder sur le comment. J'ai apprécié cela : la trame n'est pas trop démonstrative, elle laisse la place à l'imagination, à l'ellipse : le téléspectateur remplit lui-même les trous du récit.

    Quand on parle de thriller psychologique, on parle normalement d'un récit qui vous file des frissons rien qu'avec l'idée qu'on se fait de quelque chose. Jessica Jones, c'est une série au début de laquelle on passe notre temps à avoir peur de quelque chose, mais on ne sait pas de quoi. Ou de qui. Et quand on finit par l'apprendre, on a toujours les chocottes. Autant dire que le contrat est honoré !

    Jessica Jones, en tant que série, propose des personnages féminins extrêmement intéressants et puissants. Jessica elle-même bien entendu, mais aussi son amie Trish Walker, et l'impitoyable avocate Jeri Hogarth. Sans parler du rôle couteau suisse de Claire Temple, qui officie également dans Daredevil. Des femmes qui n'ont besoin de personne pour les protéger, se battent contre l'adversité et trouvent même la force, parfois, d'aider leurs proches malgré les tombereaux de merde qui leur tombe sur le coin du nez. Enfin, sauf Jeri Hogarth, hein, parce que jouer les bons samaritains n'est pas vraiment dans ses cordes.

    Si Jeri Hogarth et de temps à autre Trish Walker se montrent sous un jour très sophistiqué (maquillage, coupe de cheveux, tenue vestimentaire, ongles et j'en passe), ce n'est jamais le cas de Jessica Jones ni de Claire Temple, qui se contentent d'être. Cernes, vêtements négligés et pratiques, pas de brushing à l'horizon. Un autre bon point pour la série : j'aime quand on arrête de prendre systématiquement les femmes pour des jolies choses décoratives.

    Bien entendu, les messieurs ne sont pas en reste, avec entre autres l'impénétrable (dans tous les sens du terme) et trèèès sexy Luke Cage, le diabolique Killgrave - qui nous file d'épouvantables cauchemars (sacré David Tennant...) et l'attachant Malcom, le voisin junkie de Jessica. Tous les personnages, femmes et hommes à égalité, souffrent de faiblesses qu'ils doivent combattrent, et face auxquelles ils échouent régulièrement, parfois lamentablement. Je ne peux que saluer une telle équité.

    Et puis, Jessica Jones propose aussi, comme dans d'autres séries US récentes que je regarde, une vraie diversité : il y a non seulement des femmes réellement représentatives en qualité et en quantité, mais aussi des blacks en nombre superfétatoire s'il ne s'agissait que de remplir les quotas, des latinos, des homosexuel(le)s... Et ce joyeux petit monde se mélange et interagit sans vraiment de tabou. Utopique sans doute, mais n'empêche que voir cela permet au téléspectateur lambda, le fameux redneck américain, celui qui ne se nourrit que de séries TV et du 20h de FoxNews, de voir quelque chose de différent de son quotidien et des discours qu'il entend ailleurs. Je n'ai pas dit Trump.

    Une série à découvrir absolument.

  • Batman Vs Superman : l'aube de la justice, de Zack Snyder

    superman,batman,dc comics,superhéros,justicier,science-fictionBatman contre Superman est un concept qui m'a dérangée lors de ses premières évocations sur la Toile mondiale. Pour moi, ils ne faisaient tout simplement pas partie du même univers. J'ai donc cherché, lu, et découvert que j'avais tort en termes d'édition et de production, et qu'à l'aune de Marvel, DC Comics tentait de transposer sur écran l'équivalent des Avengers, une Ligue des Justiciers constituée des superhéros de son catalogue. Bien. J'ai donc essayé d'accepter de retrouver ces deux personnages dans le même film. Veni, vidi... Vici ?

    Pour faire court, le film raconte comment Batman se prépare à combattre Superman qu'il trouve trop dangereux après que Metropolis fut transformée en champ de ruines (la fin de Man of Steel, du même réalisateur), et comment il découvre en court de route un avorton un brin dérangé et très chevelu du nom de Lex Luthor.

    Mon avis sur le film est nuancé. Voire, partagé.

    D'abord, il n'y a rien à faire, je trouve que mettre deux personnages aussi différents dans un même film est terriblement casse-gueule, et confine parfois au ridicule.

    Superman n'est pas humain, il a des superpouvoirs, c'est un être de lumière qui tire sa force du soleil, et qui est malheureux parce que son sens moral élevé et son envie de bien faire sont contrebalancés par le fait que ses actions ont des conséquences involontaires et des dommages collatéraux sur l'humanité qu'il protège. Batman, lui, est un justicier abîmé par la vie, d'humeur sombre et de caractère violent, qui souffre dans sa chair des méfaits de l'humanité mais se bat malgré son manque de foi en l'espèce humaine en espérant pouvoir lui faire confiance un jour. Autant dire qu'on a l'impression de réunir un bisounours et un gremlins.

    Évidemment, cela sert le premier propos du film : il est plutôt simple d'opposer deux personnages de nature si différente. La confrontation de leurs univers respectifs est d'ailleurs très bien mise en image, grâce à la scène d'introduction du film qui rejoue la dernière scène de Man of Steel - l'ultime bataille de Superman contre Zorg et sa machine épouvantable - mais cette fois à travers le regard de Batman, vu du sol, à hauteur d'homme, en montrant les innombrables dégâts et les terribles pertes humaines que la bataille a généré. Le plus gros du film est narré du point de vue de Batman, d'ailleurs, ce qui donne une perspective toute différente aux actions de Superman et permet un regard critique tout à fait crédible. Un bon point.

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    En revanche, réussir à faire avaler que dans un deuxième temps ils puissent travailler de conserve pour le bien de l'humanité est beaucoup plus ardu. Et je n'ai pas été convaincue. Bien entendu, ils le font contraints et forcés - surtout Batman, qui y va plus qu'à reculons. Mais le fait est que je ne vois toujours pas ce qu'ils font ensemble.

    Cela posé, passons au reste.

    Henry Cavill, égal à lui-même dans son costume over bodybuildé (non vraiment, les producteurs de cinéma de super-héros, c'est trop. Arrêtez avec ces silhouettes déformées par l'excès de muscle, ça finit par être ridicule), incarne sans une anicroche son Clark Kent/Superman. Il est toujours bien présent, toujours travaillé par sa conscience, toujours amoureux de Lois Lane, bref, il est parfaitement supermanesque. Consensuel, limite ennuyeux, mais on le sait, à force : c'est le personnage qui veut ça. Le regard bleu acier de l'acteur fait merveille, ainsi que son élégante décontraction. Bonne idée de prendre un britannique pour ce rôle.

    Pour ce qui est de ce nouveau Bruce Wayen/Batman, je suis carrément enthousiaste, comme je le disais à mon ami Xapur. Vieillissant, aigri, revanchard, il est parfaitement détestable. Et très bien joué par Ben Affleck, qui lui donne de l'épaisseur, des rides, de la lourdeur et presque de l'embonpoint à force de masse corporelle, de la densité, ainsi qu'une colère mauvaise et une détermination malsaine. Il n'est pas beau, ni jeune, ni lisse. Il est désespérément humain. Ben Affleck fait ainsi brillamment oublier son précédent rôle de héros dans Daredevil.

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    Bon, par contre, il y un personnage auquel je n'ai compris au visionnage : celui de l'inconnue, voleuse et mystérieuse, qui vient finalement filer un coup de main en armure aux deux héros à la fin du film. Il a fallu que j'aille naviguer sur la toile après le film pour savoir qui elle était.  Pour les adeptes de l'univers DC Comics, c'était évident, mais pour moi, cela ressemblait à « Gnééééé ? »... Il s'agit donc de Wonder Woman. Elle reviendra dans la ligue, elle aura son film à elle, bref, elle a fait son caméo introductif. Gal Gadot est pas mal du tout, d'ailleurs, dans ce rôle. Au contraire d'Amy Adams, que je n'aime pas du tout dans le rôle de Loïs Lane, et ce, depuis Man of Steel. Dans l'ensemble, je déplore le rôle toujours très secondaire de ces dames dans les films de superhéros. Cela devrait changer... Je l'espère.

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    Lex Luthor est joué par le sautillant et survolté Jesse Eisenberg, qu'on sous-exploite dans ce film tout en donnant l'impression de lui donner de la place. Une étrange contradiction, à laquelle je n'ai pas d'explication plausible. Le comédien est vraiment bon, il donne une image du méchant tutélaire très éloignée - un vrai clin d'oeil inversé - de la boule à zéro et de la carrure imposante de Kevin Spacey et Gene Hackman, tout en lui conférant une belle présence. Mais c'est comme si son personnage avait été... bâclé.

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    Je n'irai pas plus loin dans l'analyse du film, car le reste est finalement très attendu : un scénario qui tient debout uniquement par la volonté du spectateur consentant (et pour celui qui ne l'est pas, je propose d'aller lire la chronique d'un Odieux Connard, comme d’habitude), et des effets spéciaux qui gâchent quelques scènes à force de prendre toute la place au détriment de l'histoire et du jeu des acteurs. On est loin des séries Daredevil ou Jessica Jones...

    Batman Vs Superman est donc, à mon sens, un film inégal : un scénario étique comme de bien entendu pour un blockbuster, une idée de base peu crédible, une réalisation assez bien faite - particulièrement pour la mise en perspective des deux héros -, des personnages attachants chacun leur manière. C'est un bon divertissement mais ce n'est pas du bon cinéma, malgré le talent des acteurs.

    Espérons que les prochains films de DC Comics soient plus... crédibles.

     

    Batman Vs Superman : l'aube de la justice, de Zack Snyder, avec Gal Gadot, Amy Adams, Jesse Eisenberg, Henry Cavill et Ben Affleck, 2016.