Je cherchais, depuis quelques temps déjà, de quoi alimenter ma soif de space opera, de préférence militaire au vu de mes goûts plus que douteux en matière de lecture de détente. Honor Harrington s'essouffle, et de toute façon, David Weber ne peut écrire, ni L'Atalante traduire, aussi rapidement que ma vitesse de lecture l'exige.
Promptement conseillée par, entre autres, M. Lhisbei, je me fis donc offrir pour noël le premier tome de la série La flotte perdue de Jack Campbell, intitulé Indomptable.
Indomptable est le nom du vaisseau spatial de la flotte de l'Alliance (et non de l'Axe, on notera la référence plus que limpide) sur lequel a échoué John Geary, officier de l'Alliance récupéré dans une capsule de survie après cent années de dérive - et de sommeil. Toujours pas revenu d'être en vie, et choqué par la perte de son époque (en 100 ans, tout son univers connu a disparu), John Geary souffre d'autant plus de décalage qu'il découvre être devenu, bien malgré lui, une légende de la flotte sous le nom de Black Jack Geary.
Il se retrouve en pleine déroute : la flotte de l'Alliance, battue par son ennemi séculaire le Syndic, veut éviter la destruction et son commandant va, avec son état major, discuter des termes de sa reddition avec les vainqueurs. Avant de partir pour cette rencontre, il confie honorifiquement sa charge à John Geary. Bien lui en prend : il se fait massacrer comme du bétail par le Syndic, laissant à un John Geary dérouté une flotte sur le point de se faire détruire.
Geary parvient à faire évader sa flotte d'une façon inattendue, car trop ancienne pour ses désormais contemporains, mais ne peut rentrer en droite ligne au sein de l'Alliance. Et alors que la flotte s'échappe par les chemins de traverse, il découvre à quel point elle a changé, et combien son image de héros sans peur et sans reproche lui apporte au moins autant d'ennuis que de notoriété.
Fragilisé physiquement pas son siècle de sommeil forcé et psychologiquement par le fait de se réveiller dans une époque totalement différente, John Geary lutte avant tout contre lui-même pour parvenir à rester à flot face à des compatriotes qu'il ne comprend pas et qu'il doit pourtant cornaquer - le plus souvent contre leur volonté. Son image légendaire de combattant agressif et désespéré dessert le sauvetage de l'ensemble de la flotte. Il découvre que ses nouveaux contemporains sont téméraires, suicidaires bien souvent, qu'ils n'ont aucune culture militaire et qu'ils sont sans pitié ni humanité pour leurs adversaires. Le résultat d'un siècle d'une guerre ininterrompue et sans espoir de vaincre, alors que lui-même a connu le monde en paix.
Il passe alors le plus clair de son temps à tenter de convaincre ses compatriotes que la stratégie est plus importante que la bravoure, que l'organisation et le respect des ordres sont plus efficaces que les initiatives personnelles et que traiter l'adversaire humainement n'est pas un signe de faiblesse. Bref, Geary est le parangon des vertus cardinales de l'armée. Ce en quoi il rejoint, à mon sens, Honor Harrington : l'honneur avant tout.
Ce côté simpliste de l'état d'esprit militaire reste toujours pour moi une source d'amusement, mais dans le cas de La flotte perdue, il sert admirablement bien le récit. Car les valeurs surannées de Geary font mouche dans un monde qui a perdu de vue les siennes et ne sait plus pourquoi il se bat.
Ma découverte de l'univers de la flotte perdue se révèle donc dans l'ensemble plutôt positive. Geary est suffisamment fragile pour être crédible, les officiers supérieurs sont autant des femmes que des hommes (j'apprécie toujours cette équité !), et les scènes de batailles sont assez travaillées, en particulier les décalages temporels et les perceptions relativistes dus à la distance entre les vaisseaux en mouvement et à leurs accélérations respectives.
Puisque les aventures de John Geary ne peuvent échapper, en ces lieux, à la comparaison avec Honor Harrington, je préciserai que les descriptions techniques et géopolitiques sont beaucoup plus simplistes et moins détaillées que chez ma copine Honor. Mais je ne vois pas bien qui pourrait rivaliser avec David Weber en la matière... Le premier tome de La flotte Perdue est bien plus court qu'un tome des aventures d'Honor, l'action est plus découpée. On sent nettement l'aspect sériel de l'oeuvre, tel un feuilleton télévisé américain divisé en épisodes de 40 minutes - alors qu'Honor Harrington sera plus comparable aux épisodes de 90 minutes de la série britannique Sherlock.
Bref, La flotte perdue m'a tout l'air d'être une oeuvre plus facile à aborder, plus rapide à lire mais aussi plus facilement oubliable car moins ambitieuse qu'Honor Harrington. Comme je peux me tromper en faisant cette assertion, je vais de ce pas aller lire le deuxième tome de la série, intitulé Téméraire. Et je vous en donne bientôt des nouvelles.
Cette chronique s'inscrit dans le cadre du Summer StarWars de M. Lhisbei, béni soit son nom, celui de Lhisbei, ainsi qu'Excel Vador, leur fidèle assistant.
Genre : space opera
Édition : L'Atalante, 2008, collection La dentelle du Cygne.