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Planète SF - Page 14

  • Chroniques martiennes, de Ray Bradbury

    Avant propos : j'ai l'édition la plus ancienne de l'oeuvre, traduite en 1955 par Henri Robillot (édition américaine : 1950). Une nouvelle traduction a été faite en 1997 par Jacques Chambon, où les dates des titres ont été modifiées (reportées de 31 ans) et deux nouvelles ajoutées.

    chroniques martiennes.jpgL'histoire : en 26 nouvelles (ou 28, suivant l'édition), Ray Bradbury raconte l'histoire de la colonisation de Mars par les Terriens de janvier 1999 à octobre 2026. Les premières tentatives se soldent par des échecs retentissants, car les habitants de Mars, d'abord incrédules, se servent ensuite de leur don de télépathie pour éliminer les envahisseurs un par un, les enfermant dans des illusions mortelles.

    Puis les martiens disparaissent progressivement sous le poids de leur civilisation millénaire décadente, leur incapacité à faire face à une telle invasion et... la varicelle.

    Après une phase aventureuse, pionniers en tête, les humains prennent possession de la planète et la transforment en petit paradis des années 50 made in US : pavillons bien tenus, propreté, paix et prospérité.

    Reste que la colonisation de mars ouvre des perspectives inattendues sur terre, ce qui donne une très belle scène de révolte et d'exode des afro-américains maltraités par les red neck du sud des Etats-unis dans la nouvelle Juin 2003 : à travers les airs.

    Alors que la colonisation bat son plein, une guerre se déclare sur Terre. Lorsque celle-ci prend les plus graves proportions, les humains partent de Mars pour aller retrouver leur proches sur Terre. Quelques irréductibles ou distraits restent en arrière, sur une planète à l'abandon.

    La civilisation terrienne elle-même est détruite par les ravages d'une guerre nucléaire. Une destruction évoquée avec force dans la nouvelle Août 2026 : il viendra des pluies douces. Certains tentent de trouver refuge sur une Mars désertée, cette dernière histoire clôturant le cycle des 26 nouvelles.

    Mon avis : j'avais lu ce livre il y a des années, mais j'avoue que j'en gardais un souvenir très flou. Cette petite lecture commune m'a donc rafraîchi la mémoire... et m'a laissée assez ébahie : je n'avais donc rien vu, rien compris à l'époque de ma première lecture ?

    Ces nouvelles, écrites entre 1945 et 1950, sont l'exact reflet du début de la guerre froide entre les Etats-unis et l'URSS, avec la peur du nucléaire, mais aussi la bien-pensance, la suffisance et l'étroitesse d'esprit de la société WASP américaine... Et j'en passe. Ray Bradbury écrit là une critique tranchante de sa civilisation, sous couvert de nouvelles parfois très courtes (une demi-page), souvent poétiques, parfois farfelues, mais aussi empreintes de cynisme. Certains thèmes, comme la censure de la littérature fantastique dans le fabuleux Usher II, seront plus développés plus tard de façon plus radicale encore dans Fahrenheit 451. Le colonialisme y est développé dans ses pires aspects, dénonçant cette propension américaine (occidentale ?) à transformer les terres inconnues en petit chez-soi bien confortable et familier, détruisant toute trace de civilisation plus ancienne sous le rouleau compresseur de ses propres structures.

    Ils apportèrent cinq mille mètres cubes de pin d'Oregon pour construire la dixième cité et vingt six mille mètres de sapin de Californie et ils assemblèrent une coquette petite ville au bord des canaux de pierre. Le dimanche soir, on pouvait voir les vitraux rouges, bleus et verts des églises s'illuminer et entendre des voix chanter les hymnes numérotés.

    Chantons maintenant le 79. Chantons maintenant le 94.

    [...]

    Il semblait, à bien des égards, qu'un énorme tremblement de terre eût descellé toutes les fondations d'une ville d'Iowa, puis, qu'en une seconde, un typhon fabuleux eût transporté la ville entière jusqu'à Mars pour l'y déposer sans une secousse...

    (Février 2003 : Intérim)

    Je garde de cette lecture un sentiment d'admiration : ces histoires sont des bijoux. De tous petits bijoux, qui valent leur pesant d'or au mot, à la virgule près. Mais un terrible sentiment d'amertume m'a poursuivi de la première à la dernière nouvelle. Il y a comme un chagrin, une sorte d'écoeurement, dans ce que Ray Bradbury écrit. Comme s'il n'avait aucune foi en l'homme et en sa capacité de rédemption. Cela a ralenti mon rythme de lecture, ma capacité d'absorption de cette amertume étant limitée à quelques pages par jour.

    Mais, Chroniques martiennes est à mon sens (comme à celui de bien d'autres) une oeuvre majeure et indémodable, inclassable. A découvrir.


    Ce livre a été lu dans le cadre d'une lecture commune lancée par Guillaume le Traqueur, avec la participation de Lorhkan et de Julien le Naufragé.


    Denoël, collection Présence du futur, édition 1955, impression 1978.

    Genre : science-fiction, anticipation

  • Wastburg, de Cédric Ferrand

    wastburg.jpg

    L'histoire : Wastburg est une cité indépendante coincée entre deux bras d'un fleuve, entre deux royaumes qui, au mieux, s'ignorent. Dans un monde où la magie s'est carapatée sans un mot d'excuse, les bourgeois (habitants du bourg, donc) vivent comme ils le peuvent, jonglant avec une corruption galopante, une misère crasse, une tension sociale sur le fil et une totale absence de vision de l'avenir. Le passé magique de la ville pèse de tout son poids, immobilisant la société de Wastburg dans un purgatoire éternel.

    Dans la boue de la cité, le Burmaester est un personnage quasi invisible et récurrent, celui dont tout le monde parle et qu'on ne voit jamais, celui autour duquel gravitent toutes les petites histoires du roman.

    La Garde de la cité constitue le fil rouge du récit. Nous sautons de garde en garde, faisant petit à petit le tour de Wastburg, sous tous ses angles, dans tous ses quartiers. Le tout forme un ensemble de trames secondaires qui tissent la toile de Wastburg, jusqu'à la surprise finale. Mais je ne spoile pas.

    Mon avis : exercice ô combien ingrat ! Critiquer avec franchise et honnêteté le livre d'un type qu'on connaît via son blog, dont on apprécie le travail de blogueur, qui est préfacé par l'auteur d'un de ses plus grands coups de coeur de ces dernières années et édité (sur conseil dudit auteur) par un éditeur dont on aime beaucoup la ligne éditoriale. Ouille.

    L'idée est vraiment originale : un monde construit pour fonctionner avec la magie au quotidien, et qui doit vivre sans. Un monde qui se rétrécit, mais qui lutte pour sa propre survie. Pas de héros ni de quête, ici bas ; c'est la débrouille, l'immoralité et la misère qui prédominent. Et puis, Wastburg propose une superbe vue en coupe d'une cité, avec ses rues et ses arrière-cours, ses gardes et ses blanchons, ses innombrables trafics, la parlure colorée de ses habitants. Un tableau de toute beauté, mais qui est resté, pour moi, un tableau : figé. Sans mouvement, sans émotion, sans dynamique. Je me suis ennuyée. Voilà, c'est dit.

    Je me suis ennuyée, parce que l'histoire n'avance pas, ou tellement lentement qu'on ne sait pas si on va quelque part. Je suis une béotienne, j'ai des "goûts de chiotte", dirait certainement un personnage du roman. J'aime la belle écriture (là, il faut dire que Cédric Ferrand a chiadé sa copie), j'aime les situations originales (ce qui est le cas) mais j'aime aussi quand ça bouge, j'aime le suspens et les cliffhangers, bref, j'aime ce qui constitue bien souvent les blockbusters et les franchises stéréotypées. Puéril, n'est-ce pas ?

    Cela vient peut-être de mon manque d'intérêt pour l'univers des jeux de rôle, où chaque personnage est une histoire et un univers en soi. Cédric Ferrand dit lui-même bien volontiers que son activité de créateur de jeux de rôle a influencé la construction de son récit.

    Alors voilà, je suis fidèle à ma ligne éditoriale : je dis en toute franchise ce que je pense, mais dans ce cas précis, ce n'est pas un exercice très agréable. C'est peut-être pour cette raison que j'ai mis si longtemps à rédiger ce billet (ou comment trouver une excuse débile pour justifier 5 semaines de non publication...).

    Cela posé, je ne peux que vous encourager à vous faire une idée par vous-même. Lisez, car d'autres, bien d'autres, ont aimé.


    Editeur : Les moutons électriques, 2011

    Genre : fantasy crapuleuse

    Lu aussi par Munin, Efelle, Guillaume le Traqueur, Cédric Jeanneret.  Voir également l'interview de l'auteur par Gromovar.

  • Julian, de Robert Charles Wilson

     Julian.gifL'histoire : Adam est le meilleur ami de Julian. Adam est pauvre et de basse caste ; Julian est le neveu du Président. Adam est candide en ce qui concerne la vie, la religion, l'histoire, la politique et la société. Julian est cultivé, informé et doté d'un solide sens critique. Adam s'est mis en tête de raconter l'histoire de Julian. Adam et Julian vivent dans les années 2170, bien longtemps après que notre civilisation décadente ait disparu, faute de combustible. Plus de pétrole. En revanche, il y a toujours des Etats-Unis, affaiblis par une guerre en cours contre les européens. Il y a surtout l'Église du Dominion, une supra-église qui chapeaute divers cultes, leur reconnait ou non le droit d'exister et protège la population des réminiscences diaboliques de l'ère précédente en imposant son imprimatur à toutes les oeuvres éditées.

    Adam et Julian désertent le village natal d'Adam, dans lequel Julian était en villégiature, pour échapper à la conscription - et à la volonté du Président de faire tuer son neveu dans une campagne militaire, histoire que cela ne paraisse pas trop délibéré. Pas de chance, les compères se font enrôler de force quelques temps plus tard. Adam et Julian parcourent alors ensemble leur pays, livrent bataille, perdent, gagnent, l'un se marie pendant que l'autre devient président.. Oups, j'ai spoilé.

    Mon avis : L'idée de départ est bonne. Une société américaine post pétrole est un sujet de roman passionnant. Las, il m'a fallu deux mois et demi pour lire ce roman ! Et sur ces 10 semaines, rien moins que 7 pour en lire la première moitié. Car la candeur d'Adam frise la crétinerie. Toute plausible (et intrinsèquement critique) qu'elle soit, j'ai trouvé cette posture intellectuelle parfaitement ennuyeuse à la lecture. Je comprends que l'auteur ait voulu nous faire découvrir sa société post-apocalyptique par le petit bout de la lorgnette, un personnage qui soit un pur produit de la propagande et de la censure ambiante. Mais son seul point de vue ampute le roman d'une dynamique qui aurait été bienvenue au milieu de ce récit lénifiant, parfois pontifiant.

    Comme le narrateur Adam se déflore un peu avec le temps - d'un point de vue politique et philosophique, s'entend - il devient moins pénible de le lire dans la deuxième moitié du roman. En revanche, on ne s'attache jamais aux personnages principaux, ce qui finit par être inconfortable dans un long roman de presque 600 pages. Il y a bien des références et des clins d'oeil à Dickens et autres grands auteurs classiques américains, mais finalement, peu me chaut.

    Je ne suis allée au bout de ce récit que pour deux raisons : Guillaume me l'a conseillé (j'écoute toujours les conseils de Guillaume), et c'est l'un des rares livres que j'ai acheté pour moi-même cette année. En dehors des livres de David Weber, c'est en fait le seul. Je regrette de l'avoir acheté (j'aurais préféré l'emprunter !).

    Espérons que ma prochaine expérience avec Robert Charles Wilson soit meilleure - cela dit, j'avais essayé Spin il y a un certain temps, que j'avais abandonné au bout de quelques pages...


    Edition : Denoël, 2011

    Genre : anticipation


  • La servante écarlate, de Margaret Atwood

    Margaret-Atwood-La-Servante-ecarlate.gifLa servante écarlate est un roman de Margaret Atwood, auteur canadienne éclectique (roman classique, roman d'anticipation, poésie... Elle sait tout faire).

    L'histoire : Dans un futur indéterminé, la République de Gilead est une dictature installée sur le territoire des anciens Etats-Unis d'Amérique. Defred est servante écarlate - reproductrice, "utérus sur pattes", dit-elle - chez le Commandant. Defred n'est pas son vrai nom, c'est le nom par lequel on la désigne tant qu'elle est de service chez ce Commandant. Via son journal, dont chaque mot est pesé, nous découvrons la société dans laquelle elle évolue, un récit entrecoupé des souvenirs de Defred lorsqu'elle avait un amant et un enfant, lorsqu'elle travaillait et qu'elle était libre de faire ce que bon lui semblait. Aujourd'hui, les femmes fertiles sont devenues extrêmement rares et les trois quarts des enfants conçus ne sont pas viables, sans doute à cause d'une pollution chimique de l'air, du sol ou de l'eau. Et puis, il y a une guerre. Indéterminée, lointaine, mais une guerre présente dans l'esprit de tous, qu'on ne laisse personne oublier.

    La République de Gilead a choisi la voie étroite pour protéger sa population : elle l'a asservi, faisant plier hommes et femmes sous le joug de dogmes religieux d'une extrême sévérité au service du pouvoir politique. Tout cela, nous le devinons à travers les voiles blancs de Defred, son regard baissé, son quotidien fantômatique et l'infinie liste de tabous dont est constituée sa vie. Les gens autour d'elle n'ont pas de nom, seulement des fonctions : Commandants, Epouses, Marthas (chargées des tâches ménagères), Anges (soldats), Yeux (police politique)... Avec Defred, on assiste à une naissance, un procès et une exécution, mais surtout au quotidien de ces femmes privées de liberté, d'information et de dignité et, indirectement, de ces hommes tout autant victimes de ce système répressif basé sur la délation. Chaque mot, mais aussi chaque geste, est surveillé et contrôlé. Defred n'a même pas le choix de mourir...

    Mon avis : j'ai été destabilisée par le ton très intimiste de ce roman, qui relève paradoxalement (même si ce n'est pas paradoxal pour tout le monde) de la dystopie et de l'anticipation sociale féministe. C'est un journal intime, un monologue intérieur monotone et répétitif, centré sur les infimes détails du quotidien sans saveur de la narratrice, quasi dépourvu d'action. Tout ce qui, a priori, me fait prendre mes jambes à mon cou en matière de littérature. Et j'avoue que c'est ce que j'aurais volontiers fait s'il n'y avait eu ce contexte si particulier. L'étouffement quotidien dans un régime de terreur, le traitement malheureusement déjà d'actualité de la stérilité due à la pollution sont quelques uns des éléments qui m'ont menée jusqu'au bout du roman.

    Si je n'ai pas été transportée d'enthousiasme par le récit, celui-ci m'a pourtant laissé une impression profonde et durable. Comme une amertume trop pertinente pour être ignorée, mais aussi trop forte pour être appréciée... (Comprenne qui voudra).


    éditions : ROBERT LAFFONT ou J’AI LU
    Genre : anticipation, dystopie

    CITRIQ

  • Chien du heaume, de Justine Niogret

    Alors que Justine Niogret vient d'éditer son deuxième roman, Mordre le bouclier, j'ai terminé Chien du heaume, son premier roman, la semaine dernière. Je suis, comme d'habitude, hors du temps éditorial.

    Chien du Heaume.jpgL'histoire de Chien du heaume est assez simple à raconter, si on veut faire simple. Et très compliquée, si on veut la décortiquer. Je ferai la version simple, car j'ai pitié de vous. Chien du heaume est une femme à la recherche de son identité. Chien du heaume, c'est le nom qu'on lui donne, qu'elle donne à son tour à qui le lui demande, mais elle ignore son vrai nom, celui de son père. On est au haut Moyen-Âge et Chien du Heaume est mercenaire. Elle se bat pour vivre, pour se nourrir et être logée, elle se bat comme on expire, avec la hache de son père si belle et si tranchante, dont personne ne sait d'où elle vient. Chien du heaume est petite, laide, forte et acharnée. Elle a une quête, mais pas d'espoir. Elle a des amis, mais pas de réconfort. Son univers est sombre et hivernal. Même en été.

    Voilà. Vu comme ça, on se demande bien pourquoi on lirait ce livre. Ce qui m'a finalement décidé, même s'il a bonne réputation et des prix prestigieux (le Prix Imaginales et le Grand Prix de l'Imaginaire 2010), c'est sa brièveté. Il fait à peine plus de 200 pages, et j'ai très peu de temps pour lire. Pourtant, j'ai mis du temps à le finir. A le savourer, devrais-je dire. Presque deux semaines. L'écriture est belle, élégante, volontairement suranée, délicate par bien des aspects, alors qu'elle parle de sang, de violence, de froid et de désespoir. Un véritable plaisir, que l'on fait durer.

    Et puis, il ne s'y passe pas tant de choses que ça, dans cette histoire. Ce n'est pas un page-turner à la Dan Brown. On prend son temps, et c'est bien - sans doute parce qu'on sait que ce ne sera pas interminable. D'autant plus que c'est sombre, très sombre. La neige, le froid, les pierres noires d'un chateau fort caché au fin fond d'une forêt, la rugosité des hommes d'armes et la cruauté perverse des dames, la langueur de la brume, la violence inouïe à peine contenue sous un vernis social sont le quotidien de l'héroïne. Elle n'aspire pas à s'en échapper, elle en fait partie. Le drame est sa réalité, sans fard, dans toute sa crudité. Voilà donc un roman littéralement crépusculaire, qui évoque la fin d'un monde et en porte tous les stigmates. Lorsqu'il se termine, je ne suis pas soulagée, pas véritablement. Mais je porte en moi une histoire qui m'a touchée et qui laisse de belles traces d'humanité - et de littérature.

    Et puis... attiré par une note d'intention d'une tonalité étrange, je lis le glossaire. Et là, je me prends les pieds dans le tapis, je glisse sur une peau de banane. Pour tout dire, j'ai l'air d'une folle échappée de l'asile. Car je ris comme je n'avais pas ri depuis longtemps. Je ris presque à chaque définition !

    Je découvre donc à la lecture du glossaire que Justine Niogret possède un humour dévastateur, déjanté et improbable, en totale contradiction avec le ton du roman qui le précède. Une bouffée de chaleur, une tranche de bonheur pur.

    Je vous dois donc d'en conclure que j'ai adoré ce livre, au moins autant pour le roman lui-même que pour la douche brûlante qu'on se prend sur le paletot en passant du roman au glossaire.


    PS : Le roman est étiqueté fantasy alors qu'on ne voit aucun attribut de fantasy dans le récit (non, la brume qui sort du casque de la Salamandre ne m'a pas impressionnée). Personnellement, je le rangerais en littérature blanche - et ce n'est pas une insulte.

     

    Lu et chroniqué aussi par : Efelle, Lhisbei, Lorhkan

    Mnémos, 2009.

    Genre : fantasy (?), historique

    CITRIQ

  • Jésus vidéo, d'Andreas Eschbach

    Jésus vidéo, L'Atalante, Andreas EschbachAndreas Eschbach est surtout connu pour Des milliards de tapis de cheveux, roman édité en 1995 qui a eu (entre autres) le Grand Prix de l'Imaginaire en France en 2001. Jésus vidéo, plus récent et moins connu, a pourtant reçu lui aussi des récompenses, en Allemagne notamment.

    L'histoire : en Israël, sur un site de fouilles archéologiques, un jeune américain, bénévole de la campagne de fouilles, trouve aux côtés d'un squelette vieux de deux mille ans un sac plastique contenant le mode d'emploi d'une caméra pas encore sortie sur le marché. Immédiatement, toutes les personnes mises au courant de la découverte pensent que la caméra qui va avec le mode d'emploi pourrait porter en mémoire un enregistrement de Jésus Christ. Le tout est de trouver cette caméra ; c'est le point de départ d'une course à travers Israël.

    Entrent alors en jeu divers protagonistes, souvent antagonistes : un magnat de la presse américaine - le mécène du chantier de fouilles -, l'américain bénévole qui se trouve être lui aussi très riche et très capable, un professeur d'archéologie dans la lune, un écrivain allemand de science-fiction, des israéliens dépassés par l'affaire, des moines, des prêtres et des grands pontes de l'Eglise catholique. Car si tous veulent trouver cette caméra, ce n'est pas pour les mêmes raisons. Chacun de ces personnages en aurait une utilisation radicalement différente : diffusion mondiale et libre, vente et profits colossaux, utilisation politique, destruction...

    Mon avis : L'idée était si belle... Mais je suis déçue. Autant l'idée de départ et les personnages imaginés par Andreas Eschbach m'ont plu, autant le roman se noie dans les descriptions et les rebondissements inutiles. On a, au cours de la lecture, l'impression de n'arriver à rien... Et c'est exactement ce qui se produit. Les révélations promises par le pitch sont gâchées par un je-ne-sais-quoi qui annule la saveur de leur apparition.

    Le roman est peut-être trop démonstratif. Peut-être que, influencée par des dizaines de romans de SF américains calibrés au millimètre pour plaire au lecteur, je suis incapable d'apprécier une autre approche, plus nuancée. Je veux bien le croire.

    Ou peut-être ne suis-je tout simplement pas faite pour apprécier Andreas Eschbach : attirée par de multiples critiques positives, j'avais lu il y a quelques années Des milliards de tapis de cheveux, son roman le plus connu et le plus primé... Même si, bien sûr, les idées originales et la réflexion socio-politique y étaient présentes (je ne reviendrai pas sur ce qui me pousse à lire de la SF, j'ai répondu abondamment à cette question il y a quelques temps), j'en avais tiré une impression proche de celle-ci : un goût d'inachevé, une fadeur du romanesque qui déçoit mes attentes de lectrice en mal d'évasion.

     

    L'Atalante, 2001

    Genre : anticipation, uchronie

  • Un feu sur l'abîme, de Vernor Vinge

    Je viens de terminer ce roman de Vernor Vinge, un écrivain de science-fiction américain qui a relativement peu écrit (Au tréfonds du ciel, Rainbows End). Nonobstant, il a plusieurs prix littéraires de SF à son actif, dont trois Prix Hugo. C'est dire si l'homme est doué.

    feu abîme 1.jpegUn feu sur l'abîme est une vieille baderne de 1992 (1ere édition française : 1994), qui me faisait de l'oeil sur les rayons de la bibliothèque depuis deux bonnes années. La couverture d'âge (et de style) canonique avait tendance à me repousser (voir ci-contre). Mais je supposais qu'il était là pour de bonnes raisons. J'ai donc fini par l'ouvrir.

    L'histoire : Une entité indéfinie et malveillante se réveille aux abords de la galaxie. Les hommes qui l'ont réactivée tentent de s'enfuir pour échapper à son influence fatale. Une famille parvient à passer entre les mailles du filet pour finalement s'écraser sur une planète isolée et arriérée. L'entité maligne, bientôt baptisée Perversion sur les réseaux de communication de la galaxie, prend de l'ampleur et infecte toute la zone supérieure de celle-ci, système après système. Elle détruit au passage les mondes de l'humanité, et cherche sans relâche des informations dans tous les réseaux de communication disponible. Une documentaliste humaine, Ravna, aidée par une Puissance incarnée en humain rafistolé et deux Cavaliers des Skrodes (qu'on ne peut décrire autrement que comme des plantes en pot à roulette dotées d'intelligence), découvre que le vaisseau familial perdu pourrait transporter le remède à la Perversion. Ravna doit donc partir en direction des Lenteurs, vers le centre de la galaxie, où la vitesse de la lumière et des communication ralentit drastiquement, afin de retrouver ce vaisseau. Or, des passagers du vaisseau, il ne reste que deux enfants, Johanna et Jefri, pris séparément en otage par des factions rivales de la population de la planète. Une population étonnante, constituée de créatures proches du chien, qui possèdent une intelligence et une personnalité propres à partir du moment où elles se regroupent en meutes d'au moins trois individus. Ces individus sont appelés les Dards. Le récit déroule donc en parallèle la survie des enfants sur la planète étrangère et la course-poursuite menée par Ravna pour échapper à la Perversion et parvenir à temps à la planète de Johanna et Jefri.

    feu abîme 2.jpegMon avis : je vais hurler avec la meute (ha, ha !) : Un feu sur l'abîme n'a pas volé son prix Hugo ! La première chose qui m'a frappée dans ce roman, c'est l'idée (somme toute géniale) de Vernor Vinge d'avoir imaginé que le centre de la galaxie, de par sa densité, ralentit la lumière et donc, les communications. Les civilisations qui y naissent sont donc bloquées dans leur développement. A contrario, les abords extérieurs favorisent les communications et les déplacements, c'est à dire... le développement des civilisations interstellaires et des technologies les plus avancées. A tel point que les civilisations qui ont dépassé le bord de la galaxie entrent dans un état de Transcendance et se transforment en Puissances.

    La deuxième trouvaille de Vernor Vinge est, de mon point de vue, plus bluffante encore : la civilisation des Dards, ces chiens dotés de conscience et d'intelligence, repose sur la communication télépathique et/ou ultrasonique des membres d'une même meute. Chaque meute constitue un être unique et distinct des autres meutes, à la fois féminin et masculin. Constitué de trois à six membres, le Dard compense l'absence de mains par le nombre de ses pattes et de ses museaux ; cette configuration lui permet de multiplier les points de vues et les activités simultanées, bien qu'elle possède également ses inconvénients : un Dard ne peut pas trop étirer ses membres ni s'approcher à moins de quinze mètres d'un autre Dard, sans quoi il perd son intégrité. Le nom de famille de chaque Dard est constitué du nom monosyllabique de chaque membre et son prénom reste son identité propre. Il peut conserver sa mémoire sur plusieurs générations, malgré la perte et l'ajouts de membres.

    Renseignement pris, ce sont justement ces deux idées qui ont contribué au succès critique de l'oeuvre. Je ne fais décidément preuve d'aucune originalité...

    feu abîme 3.jpegPar ailleurs, la transmission des informations sur le réseau interstellaire prend une place importante, quasi prophétique, dans le roman. Quand on sait que le Web en tant que tel était inconnu du public à l'époque de la sortie de ce livre, on se dit que Vernor Vinge a fait preuve de flair - voire d'un don de voyance !

    Pendant le voyage de Ravna et de ses compagnons (je suis devenue fan des Cavaliers des Skrodes), les échanges de messages sur le réseau galactique tiennent une place prépondérante. Ils illustrent de façon étonnamment réaliste les difficultés de la communication et de la fiabilité des informations qui transitent dans un espace aussi grand, habité par des espèces aussi diverses. La prégnance du réseau permet toutes les manipulations, mensonges relancés à l'infini par des intermédiaires ignorants, incitations à la haine, élucubrations religieuses et pseudo-scientifiques, et surtout, ce qui m'a le plus interpellée, indifférence des utilisateurs du réseau face à des tragédies qui leur semblent lointaines - alors que l'existence même du réseau de communication rend cette notion de distance caduque. Une préfiguration extraordinaire de la toile mondiale actuelle.

    Pour une vieille baderne, dont le scénario ultra-classique pourrait lasser, Un feu sur l'abîme étonne : on se retrouve pris dans les rêts d'un univers fabuleux.

     

    Chroniqué aussi par : Gromovar

    Laffont, 1994 et 2011 ; LG.F., 1998.

    Genre : science-fiction, space opera

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