Genre : le capitalisme ultra-libéral appliqué au space opera.
Résumé : Lawrence Newton, en ce XXIVe siècle, n'a qu'un désir, une ambition, sillonner l'espace galactique. Même s'il doit abandonner famille, fortune et pouvoir pour accéder à ce rêve. Vingt ans plus tard, alors qu'il est devenu un simple sergent pour le compte d'une des Grandes Compagnies, il lui semble avoir échoué sur toute la ligne. Mais sur la planète Thallspring, où Lawrence et ses hommes sont chargés d'appuyer un " retour sur investissement ", c'est-à-dire un pillage pur et simple, une légende persistante évoque le Temple du Dragon Déchu. Ce Dragon Déchu, s'il existe, serait un extraterrestre à la puissance colossale. Et Lawrence entreprend de monter, à l'insu de ses employeurs, sa propre petite expédition. Non sans risques.
Mon avis : le résumé ci-dessus, très linéaire, ne rend pas hommage à la complexité de la construction de ce long roman de space opera, qui introduit de multiples personnages et de nombreux flash-back. Les personnages évoluent, et notre point de vue sur eux également, tout au long du roman. Ils peuvent être à la fois sympathiques et antipathiques, simples et complexes, engagés et cyniques. Les révélations progressives au long du récit font apparaître des motivations et des actes incompris au départ. Rien que pour les personnages, donc, Dragon déchu vaut le coup d'oeil.
Mais il a bien d'autres atouts dans sa manche, le moindre n'étant pas, comme indiqué en incipit, le capitalisme ultra-libéral appliqué au space opera. Reprenant les codes du genre, Peter F. Hamilton le « met au goût du jour », ce qui d'un point de vue philosophique n'est pas, à mon sens, une bonne chose, mais est, d'un point de vue littéraire, tout à fait intéressant. La conquête spatiale a bien eu lieu, mais en cette fin de 24e siècle, les coûts sont bien trop importants et l'exploration a cessé, faute d'argent. Au temps pour les rêves de l'âge d'or...
Les très grandes entreprises encore impliquées dans les voyages spatiaux ont un mal fou à faire du bénéfice. En fait, elles n'y parviennent pas avec le simple coût du billet. Les actionnaires ne s'y retrouvent pas. Pour compenser, les armées privées de ces entreprises mènent depuis des dizaines d'années des opérations de pillage en règle des colonies établies grâce à leurs vaisseaux. Opérations menées avec un cynisme qui fait froid dans le dos, qui permettent de récupérer des objets manufacturés, des minerais, de l'artisanat local : tout ce qui peut avoir une valeur aux yeux des actionnaires.
C'est à travers l'oeil du sergent des forces d'intervention (entendez : de pillage) de l’entreprise Zantiu-Braun, Lawrence Newton, qu'on découvre les planètes colonisées par les humains. Et c'est à travers l'oeil d'un habitante de Thallspring, Denise Ebourn, qu'on découvre l'autre camp, celui des colons en colère. Or, tous deux disposent d'un super-logiciel nommé Apogée, logiciel qui permet à la résistance de Thallspring de mener à bien ses actions de sape sans laisser de trace. Il est donc d'autant plus surprenant que le sergent Newton le détienne aussi. Ce logiciel de pirate, ultra-puissant, proviendrait d'une légende... Dommage que cette légende ne soit évoquée qu'aux trois-quarts du roman.
Pour les adeptes de space opera militaire, enfin, Dragon déchu propose une version intéressante des armures de combats, des sortes de combinaisons-scaphandres irriguées par le propre sang des soldats, et intégrant une belle panoplie d'armements.
Dragon déchu fut donc pour moi une intéressante découverte et constitua un agréable voyage. L'approche matérialiste et terre-à-terre de l'exploration spatiale y est développée de façon remarquable, même si le roman ne fait pas l'économie de quelques longueurs. Je recommande.
Ce billet constitue ma septième participation à la huitième saison du Summer Star Wars de M. Lhisbei, porté par Lhisbei et Excel Vador, bénis soient leurs noms dans toutes les galaxies connues et inconnues.