Durant l'été, je me suis enquillé plusieurs romans de space opera. J'ai donc passé de très bonnes vacances : j'adore ce genre, et en plus, il entre dans le challenge Summer StarWars de Lhisbei (mon chouchou devant l'Eternel Seigneur de la SF).
J'ai donc pour l'occasion découvert Ta Shima, d'Adriana Lorusso. La couverture n'est pas très réussie, je trouve, et ne donne guère d'information sur le contenu du livre. Adoncques, je vous tuyaute : Ta Shima est une planète au climat hostile, suivant une révolution de 16 mois, 12 de pluie incessante et 4 de sécheresse infernale. Sa population est concentrée sur un petit territoire, le seul à être terraformé pour les humains qui y ont atterrit quelques siècles auparavant. Le reste de la planète est dotée d'une flore souvent toxique et d'un faune parfaitement infréquentable.
Nous découvrons peu à peu cet environnement par les yeux de Suvaïdar, native de Ta Shima. Suvaïdar fait partie des Shiro, une ethnie visiblement dominante, au physique long et gracile et à l'irascibilité légendaire : un Shiro sur deux meurt dans un duel à l'arme blanche. L'autre ethnie ta-shimoda rassemble les Asix, au caractère doux et au physique trapu, dont le rôle effacé tend à les désigner comme les serviteurs des Shiro. Mais, rien sur Ta-Shima n'est aussi simple qu'il y paraît...
Car Ta Shima est restée à l'écart de la civilisation galactique depuis la fondation de sa colonie humaine, des siècles auparavant. Les arrivants étaient des scientifiques, généticiens pour la plupart, qui ont fui des persécutions. Et la rencontre des ta-shimoda avec les humains de l'Extramonde, lorsqu'elle se produit (rarement), creuse des abîmes d'incompréhension entre les deux parties. La civilisation ta shimoda a évolué de façon drastiquement différente de celle des civilisations de la fédération galactique, selon des règles rigoureuses et pragmatiques, qui semblent aux observateurs extérieurs épouvantablement barbares et arriérées.
Nous suivons Suvaïdar durant son enfance, puis un bond nous transporte dans son âge adulte. Elle est l'un des très rares Shiro à être partie de Ta Shima de son plein gré, afin de vivre dans l'Extramonde. Son retour sur Ta Shima est le prétexte à une intrigue politique un peu décousue, qui constitue pourtant un fil rouge honorable pour partir à la découverte de cette civilisation originale, vue à la fois de l'intérieur et de l'extérieur.
La dirigeante de Ta Shima, qui se trouve être la mère de Suvaïdar, a été tuée dans un accident qui fut également fatal à l'ambassadeur de la Fédération sur Ta Shima. Suvaïdar est rapatriée, un peu par hasard, avec la délégation du nouvel ambassadeur de la Fédération. Son voyage en compagnie des extramondains et sa réintégration dans la société ta shimoda constitue le pivot central du récit, qui met en exergue les différences fondamentales entre les deux civilisations : quiproquos et maladresses s'enchaînent, provoquant bien souvent des tensions inexpliquées, car inexplicables, entre les deux parties.
Le point fort de ce roman, selon moi, réside justement dans l'exploitation du thème des chocs des civilisations : l'autre est l'incompréhensible car méconnu, et chacun de son côté méprise l'autre, qui lui paraît inférieur. Le thème est rebattu, mais je ne l'avais jamais expérimenté de façon aussi intime et détaillée, grâce à la narration de la jeune Suvaïdar. Tous les aspects de la vie quotidienne sont passés au crible de la culture commune, de la sexualité à la politique en passant par l'ameublement et les tâches domestiques.
Alors, si le récit souffre de faiblesses passagères, si le fil de suspense qui tient le lecteur disparaît parfois, il m'est resté ce que je cherche dans mes lectures : beaucoup, beaucoup de plaisir, et une trace indélébile : le pragmatisme poussé à son paroxysme, c'est à dire plus loin que le cynisme, constitue l'intérêt principal de la société ta shimoda. Je vous laisse découvrir à quel point...
Après Flashback, Ta Shima est donc mon deuxième coup de coeur de l'année 2012.
Genre : space opera, planet opera, science-ficiont
Bragelonne, 2007
Lu aussi par : Lune, Mr Lhisbei, le cafard cosmique (qui n'est pas du tout d'accord avec moi)