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Féminisme

  • Pourquoi je montrerai « Supergirl » à ma descendance

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    Supergirl est une série américaine commencée en 2015 sur CBS et continué en 2016 sur CW.

    Elle met en scène Kara Zor-El, cousine de Kal-El, alias Superman. Kara enfant était initialement supposée prendre soin de son très jeune cousin (un bébé) lors de leur arrivée sur Terre, mais son vaisseau s'est perdu en route. Lorsqu'elle arrive à bon port, après des années de sommeil cryogénique, Superman est déjà adulte et bien installé dans sa cape.

    Kara se retrouve donc plus jeune que son petit cousin, et confiée à une famille d'accueil aimante. Devenue jeune adulte, elle enfile elle aussi la cape rouge et le "S" de la famille El pour protéger Central City des forces du mal, terrestres et extra-terrestres. Et comme dans toutes les séries DC Comics (Arrow, The Flash, Legends of Tomorrow), elle le fait accompagnée d'un aréopage d'amis aux talents variés.

    Disons-le immédiatement : la série Supergirl dégouline de guimauve. Elle est totalement niaise. D'une mièvrerie à tomber. Les protagonistes sont aussi fades que des poires, leurs déboires personnels prévisibles et à la fin, c'est toujours Supergirl et/ou ses amis qui gagnent. Le personnage principal est une gentille blanche/blonde/yeux bleux/candide/propre sur elle/pleines de bonnes intentions. Bref, on est très loin d'une Jessica Jones, par exemple. Supergirl est une série pour ado bien élevés des banlieues WASP des Etats-Unis.

    Et pourtant, je la regarde, cette série. Et en plus, je compte la montrer à ma progéniture lorsqu'elle sera en âge.

    Pourquoi, me direz-vous ? Suis-je inconsciente ? Ou peut-être détesté-je mes enfants ?

    Non.

    Quoique...  ;)

    La série Supergirl possède un gros avantage à mes yeux, en comparaison de toutes celles que j'ai pu regarder : la majorité des postes de pouvoir, chef de très grande entreprise de média, POTUS (President Of The United States), officier de l'armée, grand méchant et j'en passe, sont tenus par... des femmes. Un détail qui n'est absolument pas anecdotique.

    Je l'évoquais dans un billet précédent à propos de l'image de l'Afrique aux yeux du reste du monde : lorsqu'une oeuvre, d'autant plus grand public, véhicule une image plausible de ce que pourrait être notre quotidien, il est beaucoup plus facile à tout un chacun d'envisager ce fait comme une réelle possibilité. C'est vrai pour l'image de l'Afrique dans La terre bleue de nos souvenirs d'Alastair Reynolds. C'est tout aussi vrai pour la promotion du rôle social des femmes dans Supergirl.

    Le côté sirupeux de Supergirl, son public-cible ado-adulte féminin n'échappera évidemment à personne. Mais c'est justement là que l'intérêt du discours féministe de la série réside : il s'agit de montrer littéralement au plus grand nombre, dans une histoire banale, que tous les avenirs sont possibles pour les femmes. Sans surligner le discours, sans démonstration ni explicitement. Juste en donnant à voir au détour de l'intrigue une femme dans un rôle qui, dans d'autres séries ou films, est presque toujours occupé par un homme.

    C'est donc, à mon sens, une série à montrer à des préados ou ados, filles et garçons, afin de contrecarrer, ne serait-ce qu'un tout petit peu, la masculinité prégnante de toutes les autres. Car dans notre société, et particulièrement dans la culture et la langue française, l'incarnation de la neutralité de genre est toujours... masculine.

  • Les hommes protégés, un brûlot anti-féministe ?

    Aujourd'hui, je rédige un petit billet qui naît d'une intervention de l'auteure Catherine Dufour, durant la conférence Wonder Woman II, qui a eu lieu le 2 novembre 2014 aux Utopiales. Mon attention a d'ailleurs été attirée sur cette conférence par mon ami Biblioman(u), que je remercie en cette occasion.

    Une vidéo d'ActuSF retransmet une partie de cette conférence, pour notre plus grand plaisir :

    J'ai donc été surprise par une réflexion de Catherine Dufour, aux alentour de la 12e minute de la vidéo, qui définit le roman Les hommes protégés de Robert Merle, un de mes auteurs favoris, comme un brûlot anti-féministe.
    Je ne l'avais jamais considéré comme tel, alors que je me définis comme féministe. J'ai donc réfléchi attentivement à la question. Et j'en ai tiré la conclusion que tout dépend du contexte de lecture du roman.

    Dans les années 70, où les mouvements féministes faisaient avancer la cause des femmes (la loi autorisant l'IVG fête ses 40 ans ces jours-ci !) plus que tout ce qui avait été réalisé avant, je comprends, à la lumière de la remarque de Catherine Dufour, que le roman de Robert Merle ait été perçu comme une provocation à la face des féministes. En particulier parce qu'il tourne en dérision, avec une férocité certaine, le pouvoir exercé par des féministes extrémistes.

    Mais pour moi qui l'ai lu dans les années 90, qui ai grandi dans une société un (petit) peu plus égalitaire (mais ça s'est dégradé depuis), je n'ai pas retenu cette férocité. Ce que j'en ai retenu, paradoxalement, c'est que le féminisme est une nécessité, et que si les rôles, de force, étaient inversés, cela ne ferait pas de mal aux hommes de comprendre par l'expérience l'objectivation forcée, telle qu'elle est décrite dans le roman - particulièrement dans les scènes de fin, où les hommes deviennent polygames tout en voyant leur valeur sociale dévaluée et réduite à leur capacité de reproduction - et donc, de séduction.

    Quelle qu'ait été l'intention de Robert Merle, que je soupçonne d'avoir été un macho débonnaire, mais macho quand même, pour une lectrice ou un lecteur d'aujourd'hui, le message provocateur passe nettement plus inaperçu. Et ce que j'en retiens, moi, est finalement positif pour l'avancée de la cause féministe.

    Je conclurai donc ainsi : les intentions des auteurs échappent totalement à leurs lecteurs, surtout plusieurs décennies plus tard, et ce n'est pas toujours un mal ! Bien sûr, les contresens par manque de connaissance contextuelle peuvent provoquer bien des dommages. Mais dans ce cas précis, je crois que nous pouvons nous permettre de jouer la carte de la bienheureuse ignorance, et que l'humanité ne s'en portera pas plus mal.

    Qu'en pensez-vous ?