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  • La danse des étoiles, de Jeanne et Spider Robinson

    danse des étoiles.jpgL'histoire : Shara Drummond, une jeune danseuse talentueuse, se voit refuser l'accès au monde de la danse professionnelle à cause de sa corpulence. Elle saisit alors l'opportunité de bénéficier d'une salle de danse dans une station spatiale et en profite pour créer un ballet en apesanteur. Charles Armstead, son opérateur vidéo et ami, raconte sa détermination et son génie, mais aussi comment sa passion a sauvé l'humanité.

    La danse des étoiles a été initialement édité entre 1977, et reçut les prix Hugo, Nebula et Locus (excusez du peu). En 2015, ActuSF a la bonne idée de le rééditer, trente six ans après sa première édition française chez Calmann-Lévy en 1979. La belle couverture est signée Jamie Olivier.

    Mon avis : C'est la première fois que je lis un roman de science-fiction, de space opera plus exactement (vous savez, ceux qui parlent de vaisseaux, de combinaisons spatiales, de techniques de propulsion dans le vide, et de physique de l'apesanteur), qui donne un rôle plein et entier à l'art et à la création à travers la danse. Les récits de space opera, particulièrement à cette période de l'histoire de la littérature de science-fiction, sont écrits quasi exclusivement par des hommes. Leur culture les amenait - et les amène toujours, en majorité -  à disserter de préférence sur les sciences, les techniques et les jeux de pouvoir, plutôt que sur l'art. Ici, l'écriture mixte à quatre mains donne naissance à une oeuvre hybride, qui mêle harmonieusement les thématiques classiques du space opera et certains passages inspirés, voire flamboyants, sur la danse et sur la création artistique en général.

    La danse des étoiles est un récit en trois parties. Disons-le : le roman est bon sur la première et la troisième partie. Il est mou sur la deuxième. Pas de quoi fouetter un chat : comme dans un concerto, la phase médiane est plus lente. Mais la première partie peut sans difficulté constituer une novella à elle seule, tant elle est riche et bien construite, et le lecteur risquera de se laisser décourager par le mouvement suivant, nettement moins enlevé.

    Ce à quoi je dis : non ! Cher lecteur, lis ce livre jusqu'au bout. Jusqu'à la fin de la troisième partie. D'abord parce que la magnifique scène de danse en apesanteur autour de la Terre, à la fin du premier mouvement, trouve son alter ego dans le troisième, dans un paysage plus grandiose encore. Ces scènes sont d'une beauté à couper le souffle, évocatrices de la grandeur de l'univers et de la petitesse de l'humain. Elles sont porteuses d'une très grande puissance et d'une incroyable capacité à nous toucher. J'ai été saisie, alors même que je n'ai aucun goût pour la danse. C'est dire si c'est réussi !

    Ce roman propose une réflexion humaniste et philosophique à travers l'art qui mérite notre attention. Pourtant, la dimension millénariste, un peu trop attendue, aurait pu gâcher notre plaisir. Mais non. La danse des étoiles est pour moi une oeuvre intelligente et sensible, touchante et inspirante.

     

    Cette chronique participe pour la première fois au septième épisode du Summer Star Wars de M. Lhisbei, béni soit son nom, ainsi que ceux de Lhisbei et Excel Vador.

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  • Jessica Jones, de Melissa Rosenberg

    jessicajones.jpgJessica Jones est une série dont la première saison a été diffusée sur Netflix à l'automne 2015. Elle est adaptée d'un comics né au début des années 2000 et s'inscrit dans le programme de domination du monde culturel établi par la société Marvel (il faut avouer que ça marche plutôt bien, leur business).

    Le sujet : Jessica Jones est détective privé dans Hell's Kitchen, essentiellement pour de sordides affaires d'adultère.

    Jessica Jones est râblée autant qu’un moustique à la diète (copyright Aldebert).

    Jessica Jones boit comme un trou, du mauvais whisky de préférence.

    Jessica Jones est fauchée en permanence et ressemble à une épave à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

    Jessica Jones est tout sauf sexy, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une vie sexuelle.

    Jessica Jones est dépressive, tendance suicidaire. Gros traumatisme en amont.

    Ah, oui, Jessica Jones est dotée d'une force phénoménale et d'une résistance hors normes. A tel point qu'elle peut presque voler.

    Mon avis : J'ai aimé Daredevil, vous le savez puisque vous avez lu ma chronique (ou pas). Eh, bien, apprenez donc que j'ai a-do-ré Jessica Jones. Pourtant, Dieu sait que les débuts sont carrément flippants. Et que je n'aime pas ce qui fait peur. Mais voilà, Jessica Jones a des tonnes d'atouts dans sa manche.

    C'est un thriller psychologique extraordinairement réaliste, alors même qu'il fait régulièrement référence à des superpouvoirs. Un mélange pas tout à fait évident, vous le reconnaîtrez. L'atmosphère noire et les non-dits post-traumatiques forment une trame étouffante, où la dépression suinte par toutes les portes mal fermées. Je dis la dépression, mais en réalité, il s'agit plutôt de culpabilité. Jessica Jones respire en permanence dans un nuage de culpabilité. Plus que tout, c'est cela qui nous émeut dans ce personnage. C'est irrespirable par certains moments, mais addictif. L'héroine vit sans trop savoir pourquoi, et ne s'en sent pas vraiment le droit. Le récit nous amène progressivement à comprendre pourquoi elle en est arrivée là, sans jamais s'attarder sur le comment. J'ai apprécié cela : la trame n'est pas trop démonstrative, elle laisse la place à l'imagination, à l'ellipse : le téléspectateur remplit lui-même les trous du récit.

    Quand on parle de thriller psychologique, on parle normalement d'un récit qui vous file des frissons rien qu'avec l'idée qu'on se fait de quelque chose. Jessica Jones, c'est une série au début de laquelle on passe notre temps à avoir peur de quelque chose, mais on ne sait pas de quoi. Ou de qui. Et quand on finit par l'apprendre, on a toujours les chocottes. Autant dire que le contrat est honoré !

    Jessica Jones, en tant que série, propose des personnages féminins extrêmement intéressants et puissants. Jessica elle-même bien entendu, mais aussi son amie Trish Walker, et l'impitoyable avocate Jeri Hogarth. Sans parler du rôle couteau suisse de Claire Temple, qui officie également dans Daredevil. Des femmes qui n'ont besoin de personne pour les protéger, se battent contre l'adversité et trouvent même la force, parfois, d'aider leurs proches malgré les tombereaux de merde qui leur tombe sur le coin du nez. Enfin, sauf Jeri Hogarth, hein, parce que jouer les bons samaritains n'est pas vraiment dans ses cordes.

    Si Jeri Hogarth et de temps à autre Trish Walker se montrent sous un jour très sophistiqué (maquillage, coupe de cheveux, tenue vestimentaire, ongles et j'en passe), ce n'est jamais le cas de Jessica Jones ni de Claire Temple, qui se contentent d'être. Cernes, vêtements négligés et pratiques, pas de brushing à l'horizon. Un autre bon point pour la série : j'aime quand on arrête de prendre systématiquement les femmes pour des jolies choses décoratives.

    Bien entendu, les messieurs ne sont pas en reste, avec entre autres l'impénétrable (dans tous les sens du terme) et trèèès sexy Luke Cage, le diabolique Killgrave - qui nous file d'épouvantables cauchemars (sacré David Tennant...) et l'attachant Malcom, le voisin junkie de Jessica. Tous les personnages, femmes et hommes à égalité, souffrent de faiblesses qu'ils doivent combattrent, et face auxquelles ils échouent régulièrement, parfois lamentablement. Je ne peux que saluer une telle équité.

    Et puis, Jessica Jones propose aussi, comme dans d'autres séries US récentes que je regarde, une vraie diversité : il y a non seulement des femmes réellement représentatives en qualité et en quantité, mais aussi des blacks en nombre superfétatoire s'il ne s'agissait que de remplir les quotas, des latinos, des homosexuel(le)s... Et ce joyeux petit monde se mélange et interagit sans vraiment de tabou. Utopique sans doute, mais n'empêche que voir cela permet au téléspectateur lambda, le fameux redneck américain, celui qui ne se nourrit que de séries TV et du 20h de FoxNews, de voir quelque chose de différent de son quotidien et des discours qu'il entend ailleurs. Je n'ai pas dit Trump.

    Une série à découvrir absolument.