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  • L'orage gronde (Honor Harrington, livre 13), de David Weber

    L-Orage-Gronde-de-David-Weber-Tome-1.jpgDans ce treizième livre d'Honor Harrington, je pourrais reprendre ce que j'ai dit du livre 12, mot à mot. Mais puisque ce n'est pas là l'objectif d'un billet de blog un tant soit peu honnête, j'irai donc plus loin.

    D'abord, l'histoire : alors qu'Honor a réussi l'exploit de faire venir la présidente de la République du Havre à Manticore pour négocier en direct le traité de paix avec Sa Majesté la reine Elizabeth, les mandarins qui tirent les ficelles de la Ligue Solarienne, inquiets pour l'image de la Ligue dans l'univers, décide d'envoyer un bon kick-ass à Manticore.

    En effet, les deux  échauffourées qui ont précédemment eu lieu dans les zones frontalières, et qui se sont invariablement terminées par une écrasante victoire de l’Empire Stellaire de Manticore, leur semblent proprement incroyables. Les rumeurs allant trop bon train, ils envisagent donc de couper court en envoyant une énorme flotte de 300 bâtiments du mur pour remettre de l'ordre dans tout ça. Manticore en a vent, et tente désespérément de décourager la Ligue Solarienne de mener à bien cette attaque. Mais les mandarins solariens s'évertuent à présenter Manticore sous son plus mauvais jour, une sorte de va-t-en-guerre irresponsable et agressif, afin d'obtenir le soutien de l'opinion publique...

    Comme d'habitude depuis le livre 5, cet épisode d'Honor Harrington est divisé en deux tomes, mais deux tomes courts. Ils font à peine 300 pages chacun, ce qui est un changement appréciable à la logorrhée habituelle de David Weber.

    L-Orage-Gronde-de-David-Weber-Tome-2.jpgIl n'en reste pas moins que les épisodes d'exposition des stratégies géo-politiques et des avantages militaires (qui a les plus gros missiles, avec la plus grande portée et les meilleurs logiciels d'acquisition de cible) sont très longs. Pendant ce temps, on perd de vue les personnages principaux, à savoir Honor Harrington elle-même, la reine Elizabeth, les chats sylvestres et tous leurs proches. Ce qui est fort dommage, car plus ces épisodes "privés" se diluent au profit des évènements collectifs, plus la série risque de perdre ce qui fait son âme. Je ne dis pas son intérêt : car en effet, pour qui aime les univers à échelle galactique et les nombreuses scènes de stratégie géopolitique, cette série est un régal.

    Mais ce qui m'y avait fait venir à l'époque, c'était les personnages : Honor, sa carrière de militaire, ses amis, sa famille, ses ennemis. Ils ont entre temps perdu leur place privilégiée au sein des récits. Je me demande sincèrement si David Weber ne s'ennuie pas avec Honor, désormais. Il continue pourtant à s'amuser comme un petit fou avec son univers galactique, et je commence à regretter de ne pas avoir lu les romans qu'il a écrits dans le même univers, sans qu'Honor y apparaisse : L'ombre de Saganami, L'ennemi dans l'ombre, La couronne des esclaves, La torche de la liberté.

    Malgré ce constat doux-amer, égrené au fil des derniers livres, je continue à acheter les Honor Harrington, tome après tome (car oui, une fois n'est pas coutume, je les achète pour moi : personne ne les lirait dans la médiathèque où je travaille). J'ai même commencé à me procurer les premiers tomes de la série, qui manquaient à ma collection, et je m'y replonge avec délices. Honor Harrington reste ce plaisir coupable, cette petite indulgence que l'on a vis-à-vis de soi même, et qui nous rend la vie plus douce...

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    L'Atalante, 2013

    Genre : space opera, science-fiction

    Lu aussi par : dabYo

  • Cagebird, de Karin Lowachee

    Cagebird.jpgCagebird est le troisième tome de l’œuvre de Karin Lowachee dans l’univers du ConcentraTerre. Après Warchild , que j’ai beaucoup apprécié, et Burndive qui m’a agacé, le roman continue à raconter les enfants dans la guerre. Les trois tomes sont indépendants, bien que les récits forment une mosaïque.

    Cet opus de la trilogie est cette fois centré sur Yuri Terisov, principal lieutenant du capitaine Falcone, le pirate responsable de tous les maux de Jos Musey dans Warchild et à l'origine de la tentative d'assassinat sur Ryan Azarcon dans Burndive. Ce troisième roman s’annonce donc comme une incursion dans le tiers-monde de l'univers de Karin Lowachee, tiers-monde au sens littéral : le réseau pirate forme un tiers de poids dans le conflit qui oppose les humains du ConcentraTerre aux aliens Striviic-Na.

    Le récit commence au moment où Yuri est en prison sur Terre, suite à son arrestation par le commandant Azarcon à la fin de Burndive.  Un service de police spéciale tente de négocier avec lui afin d’infiltrer l’ensemble du réseau pirate monté par le capitaine Falcone. Piégé comme un débutant (qu’il n’est pourtant pas) à cause des sentiments qu’il éprouve pour son camarade de cellule, Yuri est contraint d’accepter, en apparence au moins, le marché qu’on lui impose. Il est alors exfiltré et repart dans l’espace retrouver ses anciens camarades, sous la surveillance constante de ses commanditaires.

    La reconquête du réseau pirate amène Yuri à des réminiscences sur son enfance. Le lecteur apprend donc que la guerre du ConcentraTerre contre les « Strits » a détruit son foyer et déporté sa famille dans des camps de réfugiés. Celle-ci est coupée en deux pendant la déportation : Yuri est séparé de sa mère et de son frère, et reste avec son père et sa sœur.  Désœuvré et sans perspective dans un camp isolé sur une planète cul-de-sac, Yuri tombe sur un capitaine de vaisseau marchand qui propose un contrat à son père pour le former et le faire travailler. Le père accepte, Yuri est plutôt partant... Le contrat est signé. Il s’avère bientôt que le marchand est un pirate, il s’agit du capitaine Falcone lui-même, à la recherche de la perle rare qui pourra le remplacer le moment venu. Yuri, avec son intelligence vive et son physique avantageux, lui semble prometteur.

    Échaudé par ses précédents échecs, Falcone emploie avec Yuri la persuasion, le mensonge par ellipse, l’isolement vis-à-vis de sa famille et la douceur. A 8 ans, Yuri a l’esprit malléable, et ce lavage de cerveau est redoutablement efficace. Pendant 5 ans, il est formé au commandement, à la navigation spatiale et au combat ; il est protégé par le capitaine et aidé au quotidien par un de ses assistants, Estienne, un jeune homme doux et aimant qui entoure Yuri de son affection.

    A 13 ans, bien traité, respecté et conscient de son futur rôle de chef, Yuri accepte quasiment sans broncher de passer à l’étape suivante de sa formation, qui consiste à le transformer en Geisha, en prostitué de luxe. Il apprend tous les arts de la séduction, de la musique à la conversation, en passant bien évidemment par une « formation sexuelle » très poussée. N’ayant d’autre point de repère, Yuri se plie à l’exercice. Son lien avec Estienne évolue en une relation qui mêle amour véritable et formation à la sexualité professionnelle.

    Il ne commence réellement à souffrir que plus tard : quand Yuri tue son premier « client », un sadique qui l’a violenté brutalement,  le capitaine le punit en l’obligeant à assassiner un de ses camarades. Mais il est alors bien trop tard : Yuri a été si bien manipulé et formaté qu’il ne peut qu'obéir et ne sait que faire de sa douleur. Il commence alors à s’automutiler…

     

    Je ne vous raconte pas comment Yuri mène sa reconquête du réseau pirate, ce serait vous spolier d’un beau récit de suspense, de manipulation politique et psychologique, et surtout, de space opera ! Or, nous sommes en été, c’est la saison du Summer StarWars de Lhisbei, celle où tous nos rêves d’évasion stellaire, d’exploration de l’univers et de rencontres avec d’autres espèces intelligentes atteignent leurs sommets.

    Mais vous l’avez compris : l’essentiel du roman se trouve dans le récit de cette enfance dévoyée. Tout comme dans Warchild, c’est cet aspect du roman qui m’a le plus touché. Mais dans Warchild, la pédophilie et la prostitution n'étaient qu'évoqués, à mots couvert. Dans Cagebird, Karin Lowachee ouvre les vannes de la transparence. On apprend tout de la manipulation et de la « formation » dont est victime Yuri Terisov. Car en effet, de bourreau coupable de tous les crimes dans les deux précédents romans, Yuri devient ici la victime de Falcone, tout comme le furent Jos et Ryan.

    Il y a une douceur constante et lénifiante du ton, une narration lisse, presque enfantine, en totale contradiction avec le propos sordide.  Peu à peu, le lecteur effaré prend conscience qu’il est facile, beaucoup trop facile, de faire passer pour normal un quotidien de perversion, de manipulation et de violence, pourvu que l’on s’y prenne… « bien ». Le récit exerce une fascination dérangeante,  provoque une addiction douteuse à sa lecture. Il finit par donner une sacrée leçon sur la nature humaine.

    Je n’aime guère les récits très noirs, et celui-ci l’est profondément. Il est sans conteste le plus noir des trois romans. Pourtant, je l’ai aimé, beaucoup aimé, sans doute parce que l’espoir d’une rédemption n'en disparaît jamais complètement.

    J'ai appris après avoir fini le livre, en lisant une interview de l'éditeur, que ces romans avaient été proposés en littérature jeunesse dans d'autres pays, en raison de l'âge des personnages principaux. Que ce soit bien clair pour tout le monde : ce ne sont pas des romans pour les enfants !

    Une lecture que je recommande donc chaudement, et qui n’exige pas de lire les autres tomes de la trilogie.

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    Lu également par : Efelle, Blog-O-Livre, Sylvain Bonnet

    Le Bélial, 2012