Palimpseste est une novella de Charles Stross, par ailleurs auteur de la série Les princes marchands. Palimpseste a obtenu le prix Hugo en 2010. J'ai acheté ce livre pour ma bibliothèque personnelle durant les dernières Utopiales (je le signale car j'achète assez peu de livres pour moi).
Palimpseste raconte l'histoire de Pierce, un patrouilleur du temps, qui parcours l'histoire de la Terre afin d'intervenir sur des points de divergence, des noeuds dangereux pour l'humanité. La Stase, son employeur, est chargée du maintien de la population et de l'histoire humaine sur la Terre, quelles que soient les époques. Son action court sur des millions d'années.
On suit donc Pierce tout au long des vingt années de formation qui lui sont nécessaires pour devenir un véritable agent de la Stase, vingt ans à parcourir le temps, à se fondre dans la masse, à éviter des catastrophes, à tomber amoureux... A se faire tuer aussi. Car Pierce meurt à plusieurs reprises, mais la Stase le ramène chaque fois à la vie.
Il arrive parfois que les agents de la Stase tombent en plein palimpseste : une scène qui a été effacée et réécrite plusieurs fois. Un véritable casse-tête chinois...
La Stase charge aussi parfois ses agents de déplacer des populations dans le temps, afin de mener des "Réensemencements". Ceux-ci permettent à l'humanité de "repartir" au lieu de s'éteindre, comme le voudrait la loi de l'évolution. Elle utilise également les ressources de civilisations scientifiques pour éviter à la Terre de s'éteindre avec la mort du Soleil.
Pour devenir agent, Pierce doit faire un sacrifice : se couper de ses racines, et pour le prouver, il doit aller dans son passé tuer son grand père. Il doit même, en fin de formation, se tuer lui-même, un soi déviant qui a pris un autre chemin et qui doit être éliminé. Une carrière difficile, mais qui a ses avantages : une vie extrêmement longue, le sentiment d'être utile à l'humanité entière, et la possibilité de se retirer parfois plusieurs années dans une civilisation paradisiaque dont il est le demi-dieu.
Mais Pierce découvre que la réalité se révèle plus compliquée encore lorsqu'il arrive enfin à consulter la grande bibliothèque du temps, le bien le plus précieux de son employeur...
Palimpseste a beau être un roman court, il contient littéralement plusieurs mondes. Une terre comme jamais on ne l'aurait imaginée, avec de multiples dérives des continents, des miliers de civilisations, et une géographie astronomique changeante : *attention spoiler* la Terre quitte même le système solaire pour partir "vivre sa vie" dans l'espace intergalactique !
Charles Stross utilise l'ellipse à l'envie afin de parvenir à ce résultat extraordinaire, un procédé qui pourrait en agacer certains. J'ai pour ma part accepté sans rechigner la méthode, qui permet de ne pas perdre de temps et d'aller toujours à l'essentiel.
Bien entendu, les multiples voyages dans le temps du personnage central brouillent rapidement les cartes. Les paradoxes temporels s'accumulent et il faut bien avouer qu'au bout d'un moment, les ellipses aidant, j'ai cessé de vouloir tout comprendre dans la chaîne de causalité. Ce qui m'a finalement aidé à apprécier l'histoire racontée, celle d'un homme prisonnier du temps qu'il arpente pourtant sans limites.
En aparté, je conseille au lecteur intéressé par les thèmes du voyage dans le temps et de l'uchronie de lire ce fil de discussion du Planète Sf. Une bonne façon de comprendre la différence fondamentale entre les deux... On peut aussi aller voir la série canadienne Continuum, qui exploite à bien plus petite échelle l'idée du voyage dans le temps.
Pierce cherche un sens à son travail, une certitude de faire le bien en fin de compte. Comme il a dû, pour accéder à ce poste, employer la violence, il a besoin d'un garde-fou éthique : "qu'importe les moyens, pourvu que la fin soit honorable". Et la recherche de cette caution morale l'amène sur bien des chemins, en bien des temps...
Palimpseste a été pour moi un très beau roman, bref et intense. La fin de l'histoire nous laisse dans l'incertitude, mais je n'en attendais pas plus... ou pas moins ?
PS : ami lecteur, tu peux remercier Vert et Lhisbei pour leur kick ass, qui a permis à cette chronique de voir le jour. C'est comme un accouchement : il est inéluctable, mais on a souvent besoin d'un coup de main pour le mener à bien !
Editeur : J'ai lu, collection "nouveaux millénaires", 2011
Genre : science-fiction, voyage dans le temps
Ce billet entre dans les challenges Winter Time Travel de Lhisbei et Je lis des Nouvelles et des Novellas de Lune.